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jeudi 31 juillet 2014

Le secret du Père (8)

Le secret du Père (8)

Qu’en est-il ? Nous ne pouvons pas être pris au dépourvu. Et nous ne le serons pas si nous avons tenu nos comptes au jour le jour, en faisant chaque soir un examen de conscience réaliste et objectif de la journée écoulée. « Examen. — Tâche quotidienne. — Comptabilité que ne néglige jamais celui qui gère un commerce. Or y a-t-il affaire plus importante que celle de la vie éternelle ? » (saint Josémaria, Chemin, n° 235). Cela semble indispensable pour rester éveillé et éviter toute surprise désagréable et, qui sait, irréparable. Je prie comme priait le larron repenti » (hymne Adoro te), je te demande ce que te demandait le Bon larron : (lire la suite) « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne » (Luc 23, 42). Car seul cela compte à mes yeux. Le reste n’est que poussière que le vent emporte au gré de ses caprices ; n’est que mirage sans fondement qui n’apporte que désillusion. De fait, « tout ce qui passe et ne tourne pas à la gloire de Dieu est néant, et au-dessous même du néant » (sainte Thérèse d’Avila, Vie 20, 26), si jamais cela était possible. En tout cas, c’est comme si cela n’existait pas. « Devant Dieu, et c’est en définitive ce qui compte, c’est celui qui lutte pour se conduire en chrétien authentique qui emporte la victoire ; il n’existe pas de solution intermédiaire. C’est pourquoi vous connaissez tant de personnes qui devraient se sentir très heureuses, si l’on juge leur situation d’un point de vue humain, et qui cependant traînent une existence inquiète, aigrie ; elles semblent avoir de la joie à revendre, mais dès qu’on gratte un tout petit peu leur âme, l’on découvre un goût âpre, plus amer que le fiel. Cela n’arrivera à aucun de nous si nous essayons vraiment d’accomplir toujours la volonté de Dieu, de lui rendre gloire, de le louer et d’étendre son royaume à toutes les créatures » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 13). « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’œuvre de ses mains, le firmament l’annonce » (Psaume 18, 2). Comment se fait-il alors que l’homme ne sache pas lui aussi rendre gloire à Dieu, de toutes ses forces et en toutes ses actions ? Comment expliquer une telle incohérence, alors qu’il est lui-même une merveille de l’amour créateur de Dieu ? N’est-ce pas une exigence intrinsèque à notre nature ? Comment pouvons-nous être dévoyés à ce point ? Certes, Dieu n’a nul besoin de cette glorification que les créatures lui apportent, « car il a en lui sa propre gloire en plénitude, une gloire qui demeure toujours. Cependant, le Christ nous demande de prier qu’il soit également glorifié par nos vies » (saint Jean Chrysostome, In Matthæum homiliæ 19, 4). Et si tel est le désir de Dieu, qui sommes-nous pour nous y opposer ? D’autant que si lui n‘a pas besoin de notre glorification, il nous la demande pour nous glorifier par la suite, pour nous faire entrer dans la gloire de son Père. (à suivre…)

mercredi 30 juillet 2014

Le secret du Père (7)

Le secret du Père (7)

… Quand Élie l'entendit, il s'enveloppa le visage de son manteau et, étant sorti, il se tint à l'entrée de la caverne. Et voici qu'une voix se fit entendre à lui, en disant : « Que fais-tu ici, Élie ? » Il répondit : « J'ai été plein de zèle pour le Seigneur, le Dieu des armées ; car les enfants d'Israël ont abandonné votre alliance, renversé vos autels et tué par l'épée vos prophètes » (1 Rois 19, 11-14). Quant à nous, nous ne voyons ni la divinité ni l’humanité de notre Seigneur, toutes deux cachées dans l’auguste sacrement de l’Eucharistie. Nous les verrons enfin, en face à face, selon les dioptries spirituelles que nous aurons conservées. Et dans le Fils, qui nous est plus proche par sa nature humaine qu’il a voulu partager avec nous, nous verrons également le Père et le Saint-Esprit, le Très-Haut, que nous confessons être un seul Dieu. (lire la suite) « Si le Seigneur ne bâtit sa maison, en vain les maçons peinent ; si le Seigneur ne garde la ville, en vain les gardes veillent » (Psaume 126, 1). Alors, à quoi bon ? Il faut comprendre que tout ce qui est accompli en marge de Dieu, en se passant de lui, est vain encore une fois. Ce n’est qu’« airain qui résonne ou cymbale qui retentit » (1 Corinthiens 13, 1). Un peu d’humilité nous amènerait à reconnaître que ce n’est pas notre bras qui nous a sauvés, qui nous donne la victoire, « mais c’est ta droite, et ton bras » (Psaume 44, 4). Et si tu me préserves de l’ennemi, Seigneur, c’est dans une finalité bien précise, qui t’honore toujours au plus haut point. Tu dis de nous, en effet : « Je les introduirai sur ma montagne sainte, et je les réjouirai dans ma maison de prière ; leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel : car ma maison sera appelée maison de prière, pour tout le peuple » (Isaïe 55, 7). Ce sera la réjouissance absolue, que rien ne peut égaler, dont rien ne peut s’approcher, ne serait-ce qu’un peu. Ah ! Vraiment, « j’étais dans la joie quand on m’a dit : Allons à la maison du Seigneur » (Psaume 122, 1), cette maison qui est une maison de prière (cf. Matthieu 21, 13), la Maison par excellence, où la contemplation du Dieu Tout-Puissant, Un et Trine, du Dieu d’Amour, ne saurait, en effet, n’être qu’une prière permanente remplie d’allégresse. Il faut donc faire attention à tout. « Prenez garde, car vous ne savez pas quand le moment viendra » (Marc 13, 33) de se présenter devant l’Éternel et de s’entendre dire : « Rends-moi compte de ton intendance » (Luc 16, 2), de la façon dont tu as administré les talents dont je t’ai gratifié, selon tes capacités (cf. Matthieu 25, 15). Sois bien conscient de ce que je ne t’ai rien demandé d’extraordinaire ou qui passât tes forces. Car moi, qui suis fidèle, je ne permettrai « pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; en outre, avec la tentation, [je vous ménagerai] aussi la possibilité d’y échapper en ayant la force de la supporter » (1 Corinthiens 10, 13). (à suivre…) )

lundi 28 juillet 2014

Le secret du Père (6)

Le secret du Père (6)

Notre Seigneur revient à la charge, recourant cette fois-ci à l’artifice linguistique de la parabole : « Sachez-le bien, si le maître de maison savait à quelle heure le voleur doit venir, il ne laisserait pas percer sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts, car c'est à l'heure que vous ne pensez pas que le Fils de l'homme viendra. » (Luc 12, 39-40). C’est on ne peut plus clair, en effet. Qui serait assez insensé pour ne pas prendre les dispositions opportunes afin d’empêcher les voleurs d’entrer chez lui ? Mais ces mesures se doivent d’être radicales, sans la moindre concession à la paresse, à la commodité, à la sensualité, à l’auto complaisance, à la gourmandise, à la jalousie, à la critique, etc. Car le moindre de ces points pourrait être une faille dans le système d’alarme et rendre inopérant l’ensemble des sûretés mises en place. (lire la suite) Simon-Pierre a bien enregistré ces mises en garde du Maître. Il les reprend à son compte : « Il viendra, le jour du Seigneur, comme un voleur : en ce jour, les cieux disparaîtront avec fracas, les éléments embrasés seront dissous, et la terre avec les ouvrages qu’on y trouve sera consumée » (2 Pierre 3, 10). Le tout disparaîtra à tout jamais, et fera place aux « cieux nouveaux et à la terre nouvelle » (cf. Apocalypse 21, 1). « On ne se rappellera plus le passé et il ne reviendra plus à l’esprit » (Isaïe 65, 17). Cette remarque a son importance pour ceux qui s’inquiètent de ce qu’ils feront au ciel et qui pensent que l’on peut y être malheureux ou éprouver de la tristesse en pensant au mal que les hommes ont commis. Cela ne pourra plus être de mise. « Tenez-vous donc prêts, vous autres, car c’est à une heure imprévue que va venir le Fils de l’homme » (Matthieu 24, 44). Et le Seigneur revient à la charge : « Donc veillez, car vous ne savez ni le jour ni l’heure » (Matthieu 25, 13), mais il viendra. C’est une certitude. Nous ne pouvons pas nous endormir. Attendons ce moment avec impatience, qu’il survienne alors que nous cheminons encore sur terre ou quand nous aurons déjà quitté ce monde. Nous voulons assister à la récapitulation de toutes choses dans le Christ (cf. Éphésiens 1, 10). À présent « nous voyons dans un miroir, d'une manière obscure, mais alors nous verrons face à face ; aujourd'hui je connais en partie, mais alors je connaîtrai comme je suis connu » (1 Corinthiens 13, 12). Il a été donné au prophète Élie de percevoir la présence de Dieu mais sans voir notre Dieu : « Le Seigneur dit : ‘Sors, et tiens-toi dans la montagne devant le Seigneur, car voici que le Seigneur va passer.’ Et il y eut, devant le Seigneur, un vent fort et violent qui déchirait les montagnes et brisait les rochers : le Seigneur n'était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre : le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre, un feu : le Seigneur n'était pas dans le feu. Et après le feu, un murmure doux et léger… (à suivre…)

samedi 26 juillet 2014

Le secret du Père (5)

Le secret du Père (5)

Ils croient du coup que « le fléau déchaîné passera et ne les atteindra pas ; car nous nous sommes fait du mensonge un refuge, et dans la tromperie nous nous cachons » (Isaïe 28, 15). Mais la Sagesse les traite d’insensés. Ils sont dignes d’appartenir à la mort… Mais il est question ici, hélas, de la mort éternelle. Certains l’ont effectivement choisie délibérément, obstinément. « Mourir en péché mortel sans s’en être repenti et sans accueillir l’amour miséricordieux de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre. Et c’est cet état d’auto exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux qu’on désigne par le mot "enfer" » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1033). Que pouvons-nous y faire ? Dieu lui-même s’est interdit absolument d’exercer la moindre coercition sur eux. (lire la suite) Ils s’agacent de constater que tout le monde ne les suit pas, ne se comporte pas comme eux. Du juste, ils disent : « Sa vie ne ressemble pas aux autres vies » (Sagesse 2, 15), il n’est « pas comme le reste des hommes, qui sont rapaces, injustes, adultères, ni encore comme ce publicain » (Luc 18, 11). Ce qui n’est pas pleinement exact. Car, d’abord et avant tout, elle s’efforce de ressembler à la vie de notre Seigneur, qui est lui-même la Vie en acte. C’est là d’ailleurs la seule et unique vie qui vaille vraiment la peine d’être vécue. Cela, les impies ne peuvent pas le saisir. C’est pourquoi ils estiment que nos voies sont étranges (cf. Sagesse 2, 15). En cela, ils ont raison, car « mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, - oracle du Seigneur » (Isaïe 55, 9). Car, en définitive, il est quand même singulier que l’homme arrive ainsi à déformer en profondeur l’image et la ressemblance de Dieu auxquelles il a été créé (cf. Genèse 1, 26) et qui sont donc inscrites dans sa nature de manière indélébile, qui le définissent même par rapport à tout le reste de la création. « Car Dieu a créé l’homme pour la vie éternelle, et il l’a fait à l’image de sa propre nature. Mais c’est par l’envie du diable que la mort s’est introduite dans le monde, mort qu’éprouveront les sujets du diable » (Sagesse 2, 23-25). A eux, plus qu’à tout autre, s’applique cette mise en garde de l’Apôtre : « Le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit. Quand les gens diront : ‘Paix et sécurité’, alors, subitement, fondra sur eux la ruine, comme les douleurs sur la femme enceinte ; et ils ne pourront pas y échapper » (1 Thessaloniciens 5, 2-3). (à suivre…)

jeudi 24 juillet 2014

Le secret du Père (4)

Le secret du Père (4)

L’histoire du Salut est toujours instructive pour nous. Il convient de la méditer pour en tirer des enseignements pratiques. C’est ce que le Seigneur nous invite à faire, en nous remémorant la catastrophe qu’a représenté le Déluge universel du temps de Noé : « Car de même que dans les jours qui précédèrent le déluge, on mangeait et on buvait, on épousait et on était épousé, jusqu'au jour où Noé entra dans l'arche, et qu'ils ne surent rien, jusqu'à la venue du déluge qui les emporta tous, ainsi sera aussi l'avènement du Fils de l'homme. Alors, de deux (hommes) qui seront dans un champ, l'un sera pris, l'autre laissé ; de deux femmes qui seront à moudre à la meule, l'une sera prise, l'autre laissée. Veillez donc, puisque vous ne savez pas quel jour votre Seigneur doit venir » (Matthieu 24, 38-42). La conclusion reste la même : « Veillez », veillez et priez pour ne pas entrer en tentation « pour ne pas être en butte à l’épreuve » (Matthieu 26, 41). (lire la suite) Veiller suppose de se maintenir en permanence dans une attitude de prière, accompagnée et d’une maîtrise empreinte de délicatesse de tous nos sens. C’est ce que nous propose l’ascèse chrétienne pour suivre le Christ de près. C’est à ce prix que nous ne nous endormirons pas du triste sommeil évoqué plus haut, sommeil qui ouvre la porte à tous les diables possibles. Veillez, pour ne pas laisser le diable ne serait-ce que s’approcher du sanctuaire de notre âme, a fortiori y établir son campement, en faire comme sa forteresse à partir de laquelle il peut lancer des opérations offensives contre d’autres âmes. Il s’agit donc de rejeter énergiquement toute pensée, toute idée, tout projet qui n’est pas entièrement de Dieu, dès le tout premier instant, de a jusqu’à z. « Quand on n’édifie pas sur les pierres qu’est ce qui arrive ? Il arrive ce qui arrive aux enfants sur la plage quand ils font des châteaux de sable, tout s’écroule, c’est sans consistance. Quand on ne confesse pas Jésus Christ, me vient la phrase de Léon Bloy : « Celui qui ne prie pas le Seigneur, prie le diable. » Quand on ne confesse pas Jésus Christ, on confesse la mondanité du diable, la mondanité du démon » (pape François, Homélie de la messe avec les cardinaux, chapelle Sixtine, 14 mars 2013). Mais si nous le faisons nous sommes bien évidemment à charge pour beaucoup. La seule présence du juste contrarie les impies, nous dit l’auteur inspiré : « Traquons le juste, puisqu’il nous est à charge » (Sagesse 2, 12). Sa vue est devenue insupportable aux impies en tout genre, qui « appellent la mort du geste et de la voix ; la regardant comme une amie, ils se passionnent pour elle, il font alliance avec elle, et ils sont dignes, en effet, de lui appartenir « Sagesse 1, 16). (à suivre…)

mardi 22 juillet 2014

Le secret du Père (3)

Le secret du Père (3)

« Il est un cas qui doit nous faire souffrir par-dessus tout : celui des chrétiens qui pourraient donner bien davantage et ne se décident pas, qui pourraient se donner à fond, en vivant toutes les conséquences de leur vocation d’enfants de Dieu, mais qui résistent devant la perspective d’être généreux. Nous, les hommes, nous sommes exposés à nous laisser envahir par le sommeil de l’égoïsme et de la superficialité, à laisser notre cœur se disperser en mille expériences éphémères, à esquiver la recherche en profondeur du véritable sens des réalités terrestres. […] Tandis que les hommes s’étaient assoupis, surgit le semeur d’ivraie, comme dit le Seigneur dans l’une de ses paraboles. Triste chose que ce sommeil qui étouffe la dignité de l’homme et le rend esclave de la tristesse » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 147). (lire la suite) « Ce que je vous dis, à vous, dites-le à tous : Veillez ! » (Marc 13, 37). En effet, prévient encore le Seigneur, « voici que je viens comme un voleur. Heureux qui veille et qui garde ses vêtements pour n’avoir pas à aller nu et ne pas laisser voir sa nudité ! » (Apocalypse 16, 15) et être ainsi objet de dérision pour les autres. Mais toi, Seigneur, « tu m’as revêtu des vêtements du salut et m’as couvert du manteau de la justice, comme le fiancé ceint un turban, comme la fiancée se pare de ses joyaux » (Isaïe 61, 10). La mise en garde est constante : « Montre-toi vigilant et consolide ce qui est et qui allait périr », parce que « tu penses être en vie, alors que tu es mort » (Apocalypse 3, 2.1). C’est un danger qui guette celui qui se laisse aller, en pensant qu’il a tout le temps devant lui pour rectifier, qui repousse indéfiniment le moment de se confesser, qui n’attache pas d’importance à l’état de son âme installée dans l’inconfort du péché, qui reste insensible à cette situation mortifère et aux droits de Dieu… Nous pouvons protester de notre allégeance et crier « Seigneur, Seigneur ! » (cf. Matthieu 7, 21), mais nos dires doivent être corroborés par nos œuvres, car la foi sans les œuvres est morte (cf. Jacques 2, 17). « Souviens-toi donc de l’accueil que tu as fait à la prédication ; retiens-la et repose-toi. Mais si tu n’es pas vigilant, je viendrai comme un voleur, sans que tu saches à quelle heure et à quel jour je te surprendrai » (Apocalypse 3, 3). Nous avons peut-être là une certaine ouverture pour ceux qui restent éveillés et fidèles à leur poste : pour eux, la surprise sera moindre et, en tout cas, elle n’aura rien de désagréable, bien au contraire. Car cette venue du Fils sera aussi celle du Père et de l’Esprit Saint, ce dernier continuant de nous inciter à répéter « Abba ! Père ! » (Galates 4, 6) et d’intercéder pour nous avec des « gémissement ineffables » (Romains 8, 26). (à suivre…)

dimanche 20 juillet 2014

Le secret du Père (2)

Le secret du Père (2)

Oui, pour nous, « notre secours est dans le nom du Seigneur » (Psaume 124, 8). Conservons donc le regard tourné vers les réalités célestes : « Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite ne serve plus [littéralement : qu’elle se dessèche]. Que ma langue s’attache à mon palais, si je ne garde pas ton souvenir, si je n’élève Jérusalem au premier rang de mes prières » (Psaume 137, 5-6). Telle est la lamentation des exilés à Babylone, qui aspirent à retourner au pays. Mais ne sommes-nous pas des exilés dans cette « vallée de larmes » (Salve Regina), de passage ici-bas, dans l’attente de l’accès à la patrie céleste, quand Dieu voudra bien nous l’ouvrir enfin ? (lire la suite) Seulement ce voyage, ce grand voyage vers l’éternité, interviendra au moment choisi par Dieu de toute éternité, indépendamment de notre volonté et de nos aspirations. Ce qui importe, c’est d’être prêt à rencontrer notre Dieu. « Que vos reins restent ceints et vos lampes allumées [nous songeons spontanément aux vierges sages de la parabole : cf. Matthieu 25, 1-13]. Et vous-mêmes, soyez semblables à des gens qui attendent leur maître à son retour de noces, afin de lui ouvrir aussitôt qu’il arrivera et frappera » (Luc 12, 35-36). Il ne frappe pas à n’importe quelle porte. Il ne s’agit pas d’une porte matérielle, mais d’un accès spirituel, de l’accès à notre âme. C’est ce qu’exprime le texte si souvent commenté du livre de l’Apocalypse (3, 20) : « Voici que je me tiens à la porte et que je frappe : si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, je rentrerai chez lui, et je dînerai avec lui et lui avec moi. » Ce « chez lui », c’est en réalité chez Dieu, car nous lui appartenons : « Tu es à moi » (Psaume 2, 7). Il a établi sa demeure en nous. Mieux encore, en prenant possession de notre âme au moment de notre baptême, il se l’est pleinement, définitivement, approprié. Il en est devenu vraiment le premier propriétaire avec tous les titres que cela comporte. Il vient donc chez lui, et le serviteur que nous sommes doit s’empresser de lui ouvrir la porte pour qu’il rentre dans son domicile. Cette arrivée sera impromptue, en tout état de cause. « Que ce soit à la seconde ou à la troisième veille qu’il arrive, et qu’il les trouve ainsi [ses serviteurs], heureux seront-ils ! » (Luc 12, 38). « Veillez donc, car vous ne savez pas quand va revenir le maître de la maison : ou le soir, ou à minuit, ou au chant du coq, ou le matin. Il ne faut pas que, revenant à l’improviste, il vous trouve endormis » (Marc 13, 35-36), comme dans le cas des ouvriers de la parabole qui ont laissé à l’ennemi l’occasion de semer l’ivraie au milieu du blé, au risque que celui-ci soit étouffé par la mauvaise plante (cf. Matthieu 13, 24-30). (à suivre…)

vendredi 18 juillet 2014

Le secret du Père (1)

Le secret du Père (1)

Il est écrit que le Fils de l’homme, c’est-à-dire notre Seigneur Jésus-Christ, doit revenir dans sa gloire, à la fin des temps. « Et il enverra ses anges au son de la trompette, et ils rassembleront ses élus des quatre points de l’horizon, d’une extrémité des cieux à l’autre » (Matthieu 24, 31). Quand cela se produira-t-il ? C’est le secret de Dieu le Père : « Quant à ce jour-là et cette heure-là, nul n’en sait rien, pas même les anges des cieux : il n’y a que le Père qui le sache, lui seul » (Matthieu 24, 36). L’évangéliste saint Marc précise – notons qu’il rapporte les propos de Jésus-Christ – que le Fils lui-même ignore ce jour et cette heure de son propre retour dans le monde (cf. Marc 13, 32). (lire la suite) Cela peut sembler mystérieux. Et ce l’est de fait. Cela fait partie, en effet, des mystères insondables du Salut et de la distribution, de la répartition par Dieu des biens salvifiques, qui les donne à qui il veut et quand il le veut, car il fait ce qu’il veut de ce qui lui appartient (cf. Matthieu 20, 15). L’homme n’a aucun droit par rapport à la divinité. Il a certes des droits dans l’horizontalité de la vie ecclésiale, dont celui de recevoir avec abondance précisément les moyens de salut que sont avant tout la Parole de Dieu et les sacrements (cf. code de droit canonique, canon 213), mais il ne possède pas de droit dans la verticalité de sa relation avec Dieu. Celui-ci est le maître absolu du jeu. De même qu’il a envoyé « son Fils né d’une femme, né sous la Loi », « quand les temps furent accomplis » (Galates 4, 4), pareillement il l’enverra de nouveau quand les temps – le temps de l’Église pérégrinante – se seront accomplis. C’est un délai dont nous ignorons la durée. Heureusement, pourrait-on dire. Car si nous savions à quel moment Jésus-Christ devait revenir, il y a fort à parier que nous nous accorderions toutes sortes de licences, que nous nous relâcherions, totalement peut-être, dans notre comportement, avec l’intention de nous réconcilier in extremis avec Dieu. Mais la droiture d’intention et un vrai repentir de nos fautes existeraient-ils alors ? Ce sont pourtant des conditions indispensables à la réception du pardon de Dieu. Et, en leur absence, celui-ci ne pourrait être accordé à l’homme, qui s’y serait fermé lui-même. Lorsque ses apôtres demandèrent à notre Seigneur, qui est sur le point de remonter auprès de son Père, si l’heure a enfin sonné du rétablissement « du royaume au profit d’Israël », il leur répondit : « Ce n’est pas à vous de connaître le jour et l’heure que le Père a fixé de sa propre autorité (Actes des apôtres 1, 7). Quant à vous, accomplissez les œuvres du Père tant qu’il fait jour, car « la nuit va venir : alors personne ne pourra plus les accomplir » (Jean 9, 4). Et n’oubliez pas que « le secours de l’homme est chose vaine » (Psaume 108, 13). (à suivre…) )

mercredi 16 juillet 2014

Droiture d’intention (8)

Droiture d’intention (8)

Mais « Élisée répondit : Vive le Seigneur devant qui je me trouve ! Je n’accepterai pas ! Et comme il le pressait d’accepter, il refusa » (2 Rois 5,15-16), car il n’a pas agi pour son propre compte ni pour sa gloire, mais pour le compte et la gloire de Dieu. Il a promis ce miracle en agissant au nom de Dieu. Car il ne peut rien faire par lui-même (cf. Jean 5, 9). « Que signifie ce ‘par lui-même’ ? Si vous l’entendez en son vrai sens, vous y verrez l’étroite union de Jésus avec son Père, l’identité de leur substance, en un mot, la consubstantialité du Père et du Fils. Que signifie donc ‘Il ne peut rien par lui-même’ ? Qu’il ne peut rien faire qui lui soit propre en dehors de son Père, rien de personnel, de distinct, rien d’étranger au Père, (lire la suite) rien d’autre enfin que ce que fait le Père ; car ce que fait l’un, l’autre le fait aussi. Donc le mot, il ne peut rien faire par lui-même, n’est la négation ni de sa liberté, ni de sa puissance, mais la manifestation de l’union du père et du Fils, le témoignage de leur accord, de leur étroite union, le signe enfin de leur identité » (saint Jean Chrysostome, Sur ces mots ‘Le Fils ne fait rien de lui-même, etc.’ 6). Alors Naaman dit : « Sinon, permets que l’on donne de la terre à ton serviteur, la charge de deux mulets ; car ton serviteur n’offrira plus holocauste ni sacrifice à d’autres dieux qu’au Seigneur. Mais qu’en ceci le seigneur pardonne à ton serviteur : Quand mon maître entre dans la maison de Rimmon pour y adorer et qu’il s’appuie sur ma main, je me prosterne aussi dans la maison de Rimmon, quand il se prosterne dans la maison de Rimmon ; daigne le Seigneur pardonner cela à ton serviteur ! Élisée dit : Va en paix. Et il le quitta » (2 Rois 5, 17-19). Non seulement Naaman est guéri de la lèpre, mais son cœur a été écarté de l’idolâtrie. Il sait désormais que toutes les idoles sont vaines et, s’il est contraint de se prosterner devant elles, c’est le Seigneur, le dieu d’Israël, le seul vrai Dieu, qu’il adore en lui-même, c’est à lui et uniquement à lui qu’il veut être fidèle. (fin)

lundi 14 juillet 2014

Droiture d’intention (7)

Droiture d’intention (7)

Vexé et humilié, Naaman se dit : « Les fleuves de Damas, l’Abana et le Parpar, ne valent-ils pas mieux que toutes les eaux d’Israël ? » (2 Rois 5, 12). Qu’en sait-il ? C’est un réflexe quelque peu nationaliste. Il n’y a aucune raison en soi pour que leurs eaux soient meilleures, ni pour qu’elles soient moins bonnes. « Ne puis-je pas m’y laver et redevenir pur ? » (2 Rois 5, 12). Peut-être. Mais pourquoi ne pas l’avoir fait ? Tu n’y as jamais pensé. Nul de tes médecins ne te l’a prescrit. Et le prophète te fait une proposition toute simple et tu ne t’arrêterais pas à prendre en considération ? (lire la suite) « Il s’en retourna enflammé de colère » (2 Rois 5, 13), d’une colère qui l’aveugle et l’empêche de raisonner sainement. Il se demande comment il va présenter l’affaire au roi à son retour au pays. Mais « les méchants sont pour [les bons] une occasion involontaire de vertu » (saint Augustin, Le livre des dix-sept questions sur l’Évangile selon saint Matthieu 12, 2). Jugeant la situation ridicule et le comportement de leur maître totalement injustifié, excessif, « ses serviteurs s’approchèrent pour lui parler et ils lui dirent : ‘Mon père, si le prophète t’avait demandé une chose considérable, ne le ferais-tu pas ? » (2 Rois 5, 13). S’il t’avait commandé d’accomplir un exploit, comme tu sais en faire, ne t’y serais-tu pas lancé bien volontiers à corps perdu, ô Maître ? « Sans l’ombre d’un doute. Mais ce qu’il m’a demandé est ridicule. L’on ne se moque pas comme cela de Naaman. Il peut être encore heureux que je ne me venge pas de son affront. » « Maître, Maître, « combien plus, quand il t’a dit : ’Lave-toi et sois pur’ » (2 Rois 5, 13), tu devrais le faire, puisque c’est si simple. Tu devrais au moins essayer. Et tu verrais bien si les eaux de l’Abana et du Parpar sont meilleures que celle du Jourdain… Comprenant que ses serviteurs s’exprimaient avec sagesse et se souvenant peut-être d’avoir entendu dire un jour cette parole : « Je t’appelle, toi, le Dieu qui répond » (Psaume 16,6), Naaman se ravisa, et « il descendit donc et se plongea sept fois dans le Jourdain, selon la parole de l’homme de Dieu : et sa chair redevint comme la chair d’un petit enfant et il fut purifié » (2 Rois 5, 14). C’était aussi simple que cela. Trop simple de prime abord. Mais il nous arrive de tout compliquer parce que nous tenons à nos idées et à nos plans et que nous refusons de rectifier notre intention tordue. Ses serviteurs ont réussi à faire fléchir Naaman. « Alors il retourna vers l’homme de Dieu, avec toute sa suite. Quand il fut arrivé, il se présenta à lui et lui dit : ‘Voici donc que je sais qu’il n’y a pas de Dieu sur la terre, si ce n’est en Israël » (2 Rois 5, 15). - « Que ce peuple sache que toi, Seigneur, tu es le Dieu, et que c’est toi qui as retourné entièrement [son] cœur » (1 Roi 18, 37). « Qu’ils sachent que toi – ton nom est le Seigneur – tu es seul le Très-Haut sur toute la terre » (Psaume 83, 19). Et Naaman d’ajouter : « Et maintenant, accepte donc un présent de la part de ton serviteur » (2 Rois 5, 15). Naaman se considère serviteur d’Élisée. Il est revenu de sa superbe. Il est vrai qu’il est en dette envers lui. (à suivre…)

samedi 12 juillet 2014

Droiture d’intention (6)

Droiture d’intention (6)

Heureusement Élisée est informé de ce qui se passe. « Lorsqu’Élisée, l’homme de Dieu, apprit que le roi d’Israël avait déchiré ses vêtements, il envoya dire au roi : Pourquoi as-tu déchiré tes vêtements ? Qu’il vienne donc à moi, et il saura qu’il ya un prophète en Israël » (2 Rois 5, 8). Soulagé par cette proposition, le roi aiguille Naaman vers Élisée, en lui expliquant avec force détails que cet homme est un véritable envoyé de Dieu et qu’il possède des pouvoirs de thaumaturge, de sorte qu’il est à même de le guérir de sa lèpre. C’est son rôle à lui, et non à moi, qui ne suis qu’un simple roi…, peut-il se dire. « Naaman vint avec ses chevaux et son char, et il s’arrêta (lire la suite) sur la porte de la maison d’Élisée (2 Rois 5, 9). Il s’attend évidemment à ce que le prophète sorte l’accueillir. C’est bien normal. Le roi ne l’a-t-il pas fait prévenir de la raison qui l’amène à lui et de sa qualité ? C’est la première fois que Naaman va se trouver en présence d’un prophète et il est curieux de voir à quoi il ressemble et comment il va s’y prendre pour le guérir, à quelles incantations il va recourir, quelles prières il va formuler. Naaman s’attend à quelque chose de spectaculaire. Il faut reconnaître que, de toute façon, sa guérison, si elle intervient, sera en soi spectaculaire. Mais elle peut intervenir à distance. Et cela Naaman le ne le sait pas, ne l’imagine pas. Cela n’entre pas dans l’idée qu’il se fait du prophète, et surtout de la haute considération dont il s’attend qu’on l’entoure en tant que général en chef de la puissante armée syrienne. Il est en quête de spectaculaire. « Combien se laisseraient clouer sur une croix, devant des milliers de spectateurs stupéfaits, qui ne savent pas supporter chrétiennement les piqûres d’épingle quotidiennes ! — Juge, par là, ce qu’il y a de plus héroïque (saint Josémaria, Chemin, n° 204). Naaman occupe un rang important. L’introduction auprès du prophète doit être à la hauteur, proportionnée, respecter le protocole… Au lieu de cela, le prophète se borne à lui envoyer un serviteur (cf. 2 Rois 5, 10). Même pas « quelqu’un de qualité ». Tout juste un serviteur. Lequel est porteur d’un message banal en apparence, qui semble même une farce : « Va ; lave-toi sept fois dans le Jourdain, tu retrouveras ta chair saine, et sois pur » (2 Rois 5, 10). Naaman prend cela très mal. Il ne semble pas penser que le conseil est ridicule en soi mais que, si c’est ce qu’il doit faire, eh bien ! il n’a pas besoin des eaux d’Israël. Il est furieux. Il ne prend même pas le temps d’examiner la suggestion pour voir si elle est raisonnable. Il est trop englué dans ses pensées de grand personnage pour y prêter vraiment attention. « Voici que je me disais : ‘Il va sortir, se présenter, invoquer le nom du Seigneur, son Dieu, balancer la main vers le lieu sacré et délivrer le lépreux » (2 Rois 5, 11). Il s’est inventé tout un cérémonial. « De même que la propriété de l’étoile est la lumière dont elle est entourée, la propriété de l’homme pieux et craignant Dieu est la simplicité et l’humilité (Hésichius, De temperantia et virtute 1, 82). Ce n’est pas précisément l’état d’esprit de Naaman. Il est trop imbu de lui-même. Il n’a pas compris que Dieu est « débordant d’amour, il distribue ses grâces à tous ceux qui s’approchent de lui d’un cœur simple » (saint Clément de Rome, Epistola ad Corinthios 23, 1). « Naaman fut irrité et s’en alla » (2 Rois 5, 11). Il se dispose à retourner à Damas, avec un sentiment d’échec pitoyable : lui, le général victorieux entre tous, il est vaincu dans un combat pacifique. Il maudit ce prophète de malheur qui n’a même pas daigné s’intéresser à lui, comme s’il le craignait ou le méprisait. « Il n’y a peu de belle louange dans la bouche du pécheur, parce qu’elle n’est pas envoyée par le Seigneur » (Ecclésiastique 15, 9). (à suivre…)

jeudi 10 juillet 2014

Droiture d’intention (5)

Droiture d’intention (5)

« Et moi, ajoute l’interlocuteur divin, je n’aurai pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle il y a cent vingt mille hommes qui ne distinguent par leur droite de leur gauche, et une multitude d’animaux » (Jonas 4, 11), alors qu’ils valent beaucoup plus que tous les oiseaux du ciel (cf. Matthieu 10, 31) et, a fortiori, qu’un pauvre ricin, qui croît aujourd’hui et qui demain sera jeté au four (cf. Matthieu 6, 30) ! Apprenons de cet exemple à rectifier notre intention, à ne pas regarder l’accessoire, si ce n’est en vue de l’offrir pour le succès de l’ensemble de l’opération, et à agir comme on l’attend de nous, comme Dieu nous le demande, afin de lui faire plaisir en tout (cf. Tobie 14, 10 ; Jean 8, 29) et d’être un instrument docile entre ses mains, « comme l’argile dans les mains du potier » (Jérémie 18, 6). (lire la suite) Nous avons un autre exemple de manque de droiture d’intention en la personne du général syrien Naaman (2 Rois 5, 9). Il faut raisonner Naaman pour qu’il finisse par accepter une solution qui n’est pas celle à laquelle il s’attendait pour résoudre son problème. Naaman est le « chef de l’armée du roi de Syrie » (2 Rois 5, 1) et, de ce fait, il est « auprès de son maître un homme puissant et considéré » (Ibid.). L’auteur sacré ajoute que « c’était par lui que le Seigneur avait donné la victoire aux Syriens ; mais ce brave était lépreux (Ibid.). il est donc atteint d’une maladie terrible, qui le met en marge de la société. C’est un coup dur qui risque de briser définitivement sa carrière brillante. On l’imagine effondré quand il a appris la nouvelle de sa maladie. Dieu qui lui avait donné la victoire sur les ennemis de son roi va lui donner aussi la victoire sur cette infirmité. Il va se servir pour cela de causes secondes. Tout comme il s’est servi de la conduite infamante des frères de Joseph qui l’ont vendu aux Ismaélites et qui, de ce fait, l’ont emmené en Égypte où Joseph est devenu le premier ministre du pharaon et a pu préparer la venue de son père et de tous les siens et les sauver ainsi d’une famine gravissime qui affligeait toute la région, ici, c’est une jeune juive, faite prisonnière, et « mise au service de la femme de Naaman » (2 Rois 5, 2), qui va être l’instrument de son salut. En effet, « elle dit à sa maîtresse : Oh ! si mon seigneur voyait le prophète qui est à Samarie, celui-ci le délivrerait de la lèpre » (2 Rois 5, 3). Elle n’a pas le moindre doute à cet égard. On pourrait considérer qu’il s’agit d’un bavardage de bonne femme. Mais enfin, la situation étant ce qu’elle est, aucun moyen n’est à négliger. Naaman se permet d’informer son maître en disant : « La fille du pays d’Israël a dit ceci et cela » (2 Rois 5, 4), et de lui rapporter ses dires et l’espoir qu’elle a fait naître en lui. Alors « le roi de Syrie dit :’Bien ! va et j’enverrai une lettre au roi d’Israël.’ Il partit, emportant dix talents d’argent, six mille pièces d’or et dix vêtements de rechange » (2 Rois 5, 5). Cela fait beaucoup. Mais tout cela est adressé au roi d’Israël, non au prophète de Samarie, quel pouvoir le roi d’Israël a-t-il sur la lèpre de Naaman ? Aucun. L’opération est donc mal enclenchée. « Il remit au roi d’Israël la lettre où il était dit : ‘Or donc, quand cette lettre te parviendra, sache que je t’envoie Naaman, mon serviteur, pour que tu le délivres de la lèpre’ » (2 Rois 5, 6). Le personnage de Naaman n’est pas inconnu du roi d’Israël. Il est au courant de ses exploits, aussi redoute-t-il un piège. « Après avoir lu la lettre, le roi d’Israël déchira ses vêtements et dit : ‘Suis-je un dieu, faisant mourir et faisant vivre pour qu’on me demande de délivrer un homme de la lèpre ? Sachez donc bien et voyez qu’il cherche contre moi un prétexte » (2 Rois 5, 7) à me faire la guerre. Le roi réagit en pensant à lui. Il oublie l’existence du prophète. Dieu sait pourtant s’il a eu souvent recours à lui et qu’il le tient pour un homme de Dieu. (à suivre…)

mardi 8 juillet 2014

Droiture d’intention (4)

Droiture d’intention (4)

La mission que Dieu lui a confiée lui paraissait trop lourde, ce qui l’a poussé à prendre la fuite. Dieu lui a simplifié cette mission en touchant le cœur des Ninivites pour qu’ils se convertissent dès l’aurore de sa prédication, et il en est furieux. Comme l’homme est complexe et incohérent quand il ne pense qu’à lui, et non à la gloire de Dieu et au bien des âmes ! Il est en pleine contradiction avec lui-même, mais il ne semble pas s’en rendre compte. Mourir, comme Jonas le souhaite, est une solution de facilité, qui ne résout rien. C’est un avertissement qui est à prendre au sérieux. Dieu va chercher à faire réagir son prophète par un geste, un événement qui va frapper son esprit. « Le Seigneur Dieu fit qu’il y eut un ricin qui grandit au-dessus de Jonas pour qu’il y eût de l’ombre sur sa tête, afin de le délivrer de son mal ; et Jonas éprouva une grande joie à cause du ricin » (Jonas 4, 6). D’abattu, il devient euphorique. (lire la suite) Il n’en faut pas beaucoup pour nous démonter ou pour nous remonter, nous enflammer, si notre raisonnement reste au plan horizontal, est humain. Seulement les joies d’ici-bas sont fragiles et passagères. « Le Seigneur fit qu’il y eut, au lever de l’aurore, le lendemain, un ver qui attaqua le ricin, et il sécha. Et quand le soleil se leva, le Seigneur fit qu’il y eut un vent brûlant d’orient, et le soleil donna sur la tête de Jonas, au point qu’il défaillit » (Jonas 4, 7-8). Alors, une nouvelle fois, Jonas « demande de mourir et dit : Mieux vaut pour moi mourir que vivre » (Jonas 4, 8). Nous pouvons dire qu’il a de la suite dans les idées. Et en même temps qu’il ne faut pas grand-chose pour qu’il change d’opinion, pour qu’il réagisse dans un sens ou dans un autre. Il ne pense pas à sa mission. Elle est le cadet de ses soucis. Il n’est pas centré sur l’essentiel, qui devrait être de se réjouir profondément : la conversion des Ninivites. Il y a plus de joie à retrouver une brebis égarée que pour les quatre-vingt dix-neuf autres qui sont restées bien sagement dans l’enclos (cf. Matthieu 18, 12-13). Et ici, ce n’est pas un pécheur qui revient à Dieu, mais des centaines, des milliers. Et il ne faudrait pas se réjouir ? Jonas ne pense qu’à mourir parce qu’il a chaud, que le soleil de plomb frappe inexorablement. Il est vraiment bien loin de l’essentiel. Mais ses réactions sont tout sauf logiques, elles ne peuvent pas l’être à partir du moment où Jonas est centré sur ses problèmes, qui sont, il faut bien le reconnaître, de tout petits problèmes. Qui même parfois n’en sont pas du tout. Que Ninive se convertisse, ce n’est certainement pas un problème, mais une solution à un vrai problème, à une malice qui s’était manifestée jusqu’au Seigneur (cf. Jonas 1, 2), comme dans le cas de Sodome et de Gomorrhe (cf. Genèse 18, 20-21). « Alors Dieu dit à Jonas : ‘Fais-tu bien de t’irriter à cause du ricin ?’ » (Jonas 4, 9). Et lui, sans réfléchir, se laisse aller à son impression du moment et répond : « Je fais bien de m’irriter jusqu’à en mourir » (Jonas 4, 9). C’est affligeant. C’est aussi pénible à entendre que de voir le jeune homme riche refuser de suivre le Seigneur parce qu’il n’était pas disposé à se dépouiller de tous ses biens (Matthieu 19, 21) pour acquérir une perle de grand prix (cf. Matthieu 13, 46) que le Seigneur lui a présenté, lui a proposé d’acquérir afin d’avoir la vie éternelle à laquelle il aspirait (cf. Matthieu 19, 16). « Je fais bien. » Quelle prétention ridicule. Désirer la mort n’est pas bon en soi. C’est tenter Dieu qui est l’auteur de la vie. Vouloir mourir pour une futilité, c’est une démission intolérable. Alors Dieu tire la morale de l’événement : « Tu as pitié de toi, du ricin pour lequel tu n’as pas peiné et que tu n’as pas fait croître – cela ne t’a rien coûté, c’est un pur don de ma part –, qui en une nuit a surgi et qui en une nuit a péri » (Jonas 4, 10), parce que je suis libre de donner de mes biens à qui je veux et comme je l’entends (cf. Matthieu 20, 15). (à suivre…)

lundi 7 juillet 2014

Droiture d’intention (3)

Droiture d’intention (3)

Les Ninivites se sont mis à prier et Dieu leur a pardonné leurs fautes. Celles-ci étaient bien réelles. C’est à cause d’elles qu’il leur avait député Jonas. Or, ce dernier, dont on ne voit guère qu’il ait prié de son côté pour le succès de son entreprise, « trouva cela très mal, et il en fut irrité » (Jonas 4, 1). Le manque de droiture d’intention de Jonas éclate ici au grand jour. Et il le manifeste explicitement à Dieu à qui il expose ses sentiments, il fait part de son état d’âme : « Ah ! Seigneur, n’est-ce pas là ce que je disais lorsque j’étais dans mon pays ? » (Jonas 4, 2), sous-entendu, « j’avais bien raison (lire la suite) de ne pas vouloir venir à Ninive. Je n’y suis pas utile. Ils n’ont pas besoin de moi pour se convertir. » Jonas est clair et net : « C’est pourquoi je me suis d’abord enfui à Tarsis » (Jonas 4, 2). Et il précise la raison profonde de cette fuite : « Car je savais que tu es un Dieu miséricordieux et clément, lent à la colère, riche en grâce et te repentant du mal » (Jonas 4, 2). Il est assez sidérant de l’entendre dire cela. C’est plutôt cynique. L’on dirait qu’il ne veut pas que Dieu pardonne. Ou qu’il est jaloux. Jaloux de ce que le succès de l’appel à la conversion ne puisse lui être attribué ? Pour lui, manifestement, sa mission a échoué. Or, c’est tout le contraire : un succès, un énorme succès. Jonas semble ne pas supporter que Dieu soit clément et miséricordieux. La deuxième phase de l’opération Jonas/Ninive avait bien commencé. Jonas semblait avoir tiré la leçon de sa rébellion première et de ses suites ? il s’était montré docile et coopératif. Son intention cependant n’était pas droite. De toute évidence, il s’attendait à rencontrer de la résistance, ce qui le stimulait d’un point de vue humain, et il pensait triompher grâce à ses propres efforts, à sa ténacité, dont il aurait pu s’attribuer les succès. Jonas est frustré de sa victoire par la conversion soudaine des Ninivites. Il est profondément dépité de n’être pour rien dans ce renversement de situation. Cela l’affecte à tel point qu’il en vient à souhaiter mourir : « Maintenant, Seigneur, prend donc ma vie, car mieux vaut pour moi mourir que vivre » (Jonas 4, 3). Nous voyons par où le bât blesse : « Il vaut mieux pour moi. » Pour moi… Jonas ne pense pas au bien des autres. Il ne se dit pas que la conversion des habitants d’une ville immense, telle qu’il « fallait trois jours pour la traverser » (Jonas 3, 3), était très largement supérieure à sa commodité à lui. Ni que son intérêt véritable était la conversion des Ninivites dès le premier jour plutôt que de devoir sillonner la ville, œuvrer longuement, argumenter et surmonter des oppositions farouches. La réaction de Jonas est disproportionnée. Il est irraisonnable. Terriblement humaine. Ce qui compte pour lui, ce n’est pas d’avoir accompli la Volonté de Dieu, mais c’est l’idée qu’il s’est faite de sa mission et le désir plus ou moins avoué de briller aux yeux des hommes, d’imprimer sa marque aux événements. Après un démarrage on ne peut plus lamentable, Jonas aurait pu, aurait dû acquérir un réflexe d’humilité, et une grande docilité, ce n’est pas le cas, hélas. « Nul doute que tu n’aies bien purifié ton intention, quand tu as dit : je renonce désormais à toute gratitude et à toute récompense humaines » (saint Josémaria, Chemin, n° 789). Nous en sommes bien loin… Il y a sans doute un bout de chemin à parcourir pour en arriver là, mais c’est nécessaire. le Seigneur répondit à Jonas : « As-tu raison de te fâcher ? » (Jonas 4, 4). Nous n’avons pas la réponse de Jonas, si ce n’est qu’il « sortit de la ville et s’assit à l’orient de la ville ; il se fit une hutte et s’assit dessous, à l’ombre, pour voir ce qui arriverait dans la ville » (Jonas 4, 5), et qui, dans son esprit, ne pouvait être que négatif, puisque les Ninivites n’auraient pas dû se convertir aussi rapidement. Il ne sait pas se réjouir du bien d’autrui. Son zèle est amer. (à suivre…)

dimanche 6 juillet 2014

Homélie pour ce dimanche

Homélie pour ce dimanche

« Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Il faut se faire petit devant Dieu pour être en mesure de l’accueillir en nous, tout comme lui, le Fils du Père éternel, est devenu enfant pour nous obtenir la condition d’enfant du Père par la rémission de nos péchés. Le Seigneur nous fait connaître le Père, car quiconque voit le Fils vois aussi le Père. C’est ce qu’il cherche à le faire comprendre le Jeudi Saint à l’apôtre Philippe, lui demandant de lui montrer le Père. Nous voyons le Père avec les yeux de la foi, dans cette conversation amoureuse et filiale qu’est notre prière, notre prière méditative ; nous le voyons plus intensément encore dans l’Eucharistie, dans laquelle nous croyons que le Jésus d’il y a deux mille ans, reste réellement présent avec son Corps, son Sang, son Âme et sa Divinité, le même hier, aujourd’hui et à tout jamais. Le Christ en qui nous voyons le Père, car il n’est qu’un seul et même Dieu avec lui dans l’unité du Saint-Esprit. (lire la suite) Dieu est un Père très aimant qui veut nous avoir avec lui dans sa joie sans fin. Nous lisons au Livre des Proverbes qu’il met ses délices à être avec les enfants des hommes, à vivre avec nous. Au cours de la dernière Cène, Jésus affirme : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui ». Et l’auteur du Livre de l’Apocalypse écrit ces paroles émouvantes : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe : si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je dînerai avec lui et lui avec moi. » Dieu a donc ce désir fou de partager notre existence, parce qu’il sait combien sa présence nous est nécessaire et bénéfique. Nous comprenons son insistance à nous inviter à venir avec lui : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos », texte que nous entendions aussi pour la solennité du Sacré Cœur de Jésus. Allons à lui, car avec notre Seigneur la Croix ne pèse plus ou beaucoup moins quand nous le regardons nous aimer jusqu’au bout et donner sa vie pour que nous ayons sa Vie, la vie divine, et que nous l’ayons surabondante, elle qui est la source de repos pour notre âme. « Prenez sur vous mon joug, et devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. » Notre Seigneur avait dit dans une autre circonstance : « Celui qui veut être mon disciple, qu’il se renie lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. » « Prenez sur vous mon joug. » Quel joug ? La Croix précisément. La Croix qui est l’instrument du salut apportée par Dieu à l’humanité pécheresse, et qui ne doit donc pas nous effrayer. Si nous nous unissons à cette Croix, si nous la portons avec Jésus-Christ sur les chemins de notre vie, s nous la portons en enfants de Dieu que nous sommes, conscients que la Volonté de notre Père est parfaite, alors nous vérifions à quel point il est vrai que « mon joug est facile à porter et mon fardeau léger ». « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ! Pousse des cris de joie ! » Telle est l’exhortation du prophète Zacharie. C’est la conséquence logique de la vie chrétienne, d’une vie vécue en Dieu, tout en portant notre croix chaque jour. Si nous allons refaire nos forces auprès de notre Dieu de Bonté, « au cœur doux et humble », si nous cherchons à tuer en nous les désordres de l’homme pécheur, alors, comme nous le promet l’Apôtre, nous vivrons. Nous vivrons non seulement de la vie humaine, naturelle, mais plus encore et surtout de la vie divine, surnaturelle. Sous son influence notre existence humaine se transforme, se divinise, devient de plus en plus la vie d’un enfant de Dieu, dont l’aspiration rejoint celle du Père de vivre avec nous. L’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en nous par la grâce. Ne contristons pas l’Esprit, nous dit l’Apôtre. Mais luttons. Luttons jour après jour pour vivre notre foi dans l’émerveillement de Dieu. Luttons pour rejeter le péché de notre vie. Luttons pour progresser en sainteté. Venons nous confesser régulièrement et chaque fois que nous en ressentons plus le besoin. C’est la marque d’un amour sincère de Dieu. C’est répondre à l’invitation : « Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids du fardeau », qui est avant tout le poids de nos péchés. Car si nous ne nous confessons pas, quel genre de catholique sommes-nous ? Quel est notre amour de Dieu ? Comment recevoir alors le Pain de la Vie éternelle ? N’est-ce pas manger sa propre condamnation, selon ce qu’affirme saint Paul ? Venez à moi. Dans le sacrement de la réconciliation, le Seigneur nous attend avec toutes nos misères, pour nous purifier, pour nous pardonner, pour nous fortifier. Car « sans moi, vous ne pouvez rien faire », a-t-il dit. Tout en précisant que, en revanche, « tout est possible à celui qui croit ». Oui, notre Dieu est doux et humble de cœur, digne d’être aimé pour de bon. Que la Vierge Marie nous prenne par la main et nous place en face du Cœur très Sacré et Miséricordieux de Jésus ; qu’elle nous donne un plus grand amour de son Fils afin que, sous l’action de l’Esprit Saint nous nous laissions réconcilier par lui avec le Père, et que nous ouvrions ainsi toutes grandes les portes de notre âme à l’action sanctificatrice et pacifiante de notre Dieu qui n’attend que cela pour nous combler de joie dès ici bas, dans l’espérance du grand jour où nous pourrons enfin entre dans la patrie céleste et adorer face à face pour l’éternité le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Amen.

vendredi 4 juillet 2014

Droiture d’intention (2)

Droiture d’intention (2)

Or, il se produit un coup de théâtre : « Les gens de Ninive crurent en Dieu » (Jonas 3, 5). Comme cela, d’emblée, à la première prédication. Jonas n’a pas eu à insister, à revenir à la charge, ni à expliquer la portée de la menace et des décisions à prendre. D’eux-mêmes, spontanément, « ils publièrent un jeûne et se revêtirent de cilices, tous, grands et petits » (Jonas 3, 5), et ce, sans instruction officielle, de leur propre initiative. « La chose étant parvenue au roi de Ninive, il se leva de son trône, ôta son manteau, se couvrit d’un cilice et s’assit sur la cendre. Et on cria dans Ninive (lire la suite) et on dit : par décret du roi et de ses grands, ces paroles : ‘Que ni homme ni bête, bœuf et brebis, ne goûtent rien, ne paissent point et ne boivent pas d’eau, qu’ils se couvrent de cendres, hommes et bêtes, qu’ils crient vers Dieu avec force, et qu’ils se convertissent chacun de sa conduite mauvaise et des violences qu’ils commettent ! » (Jonas 3, 6-8). Le peu que Jonas a dit a suffi pour que tous, du roi au dernier des Ninivites, prenne conscience de son péché, de sa violence, et ressente le besoin de se convertir de sa « conduite mauvaise ». Ils bénéficient sans doute d’une grâce spéciale pour se tourner délibérément vers le Dieu au nom duquel Jonas s’est adressée à eux. Tout comme Jonas a reçu, pour sa part, les grâces nécessaires pour affronter une mission qui lui paraissait plutôt impossible au premier chef et dont il s’attendait à ce qu’elle lui demande beaucoup de temps et d’effort avant d’obtenir quelques succès, si tant est qu’ils pouvaient être un jour au rendez-vous. Le décret royal se termine sur ces mots : « Qui sait si Dieu ne viendra pas à se repentir, et s’il ne reviendra pas de l’ardeur de sa colère, en sorte que nous ne périssions pas ? » (Jonas 3, 9). L’intention n’est peut-être pas parfaite. La prière et le jeûne publiés sont sans doute motivés par l’instinct de survie, par le désir de ne pas mourir, de ne pas disparaître dans un cataclysme. Mais au moins manifestent-ils la croyance en ce que la prière peut porter des fruits et que Dieu, quel qu’il soit, peut l’exaucer. C’est quand même une prière sincère et fervente. D’autant plus méritoire qu’elle s’adresse à Dieu directement, non aux idoles de Ninive. « Déchirez vos cœurs et non vos vêtements, dit le prophète, et revenez au Seigneur, votre Dieu ; car il est aimable et compatissant, lent à la colère et riche en bonté, et il se repent du mal qu’il inflige » (Joël 3, 13), car il ne prend pas plaisir à la mort du pécheur : « Je ne veux pas la mort de l’impie, mais que l’impie se détourne de sa voie et qu’il vive » (Ézéchiel 33, 11). Qu’il commence par se convertir, et alors il vivra, aussi vrai que moi je vis, dit le Seigneur des armées. Qui sait, oui « qui sait s’il ne reviendra pas et ne se repentira pas, et s’il ne laissera pas subsister après lui une bénédiction » (Joël 2, 14). Car « cette nation, contre laquelle j’ai parlé, se convertit-elle de sa malice, je me repens du mal que je projetais de lui faire » (Jérémie 18, 8). Alors Dieu vit ce que les Ninivites « faisaient, comment ils se convertissaient de leur conduite mauvaise ; et Dieu se repentit du mal qu’il avait parlé de leur faire, et il ne le fit pas » (Jonas 3, 10). C’est conforme à sa promesse, évidemment, puisque Dieu est fidèle au plus haut point, est un modèle de fidélité. (à suivre…)

mercredi 2 juillet 2014

Droiture d’intention (1)

Droiture d’intention (1)

« Or, la parole du Seigneur fut adressée à Jonas, fils d’Amittay, en ces termes : ‘Debout ! Va à Ninive, la grande ville, pour lui prêcher, car leur malice s’est manifestée à moi » (Jonas 1, 1-2). Ninive est l’actuelle Mossoul, sur la rive gauche du Tigre, en Irak. Apparemment, cela ne faisait pas l’affaire de Jonas, qui « chercha à s’enfuir à Tarsis, loin du Seigneur » (Jonas 1, 3). Seulement voilà, il aurait dû se rappeler la réflexion que le roi David se fit un jour : « Où aller loin de ton esprit, où fuir loin de ta face ? Si je monte aux cieux, tu y es ; si je me couche dans le shéol, te voilà ! Si je prends les ailes de l’aurore, et que j’aille habiter au plus loin de la mer, là encore ta main me conduira et ta droite me saisira » (Psaume 139, 7-10). L’on n’échappe pas à Dieu… (lire la suite) Alors tu peux bien monter à bord d’un vaisseau en partance pour Tarsis, Jonas, c’est-à-dire dans la direction diamétralement opposées à celle de Ninive, afin d’aller « loin du Seigneur » (Jonas 1, 3), Dieu est plus fort et plus malin que toi et ses plans s’accomplissent toujours, immanquablement. Après la tempête terrible qui se déclare au point que « le vaisseau manquait de se briser » (Jonas 1, 4), Jonas est conduit par un cétacé qui le rejette sur la terre (cf. Jonas 2, 11). Pendant les trois jours et les trois nuits passés dans les entrailles du cétacé, Jonas a eu le temps de réfléchir sur sa conduite indigne et lâche. Il s’est mis à prier, plaçant son espérance dans le Seigneur : « Ceux qui servent les vanités futiles abandonnent celui qui les aime » (Jonas 2, 1). N’était-ce pas son propre portrait qu’il dessinait ? Mais maintenant qu’il s’est repris, sous la pression des événements ; il ajoute : « Mais moi, chantant la louange, je t’offrirai un sacrifice ; le vœu que j’ai fait, je l’accomplirai. Du Seigneur vient le salut » (Jonas 2, 9-10). Tout semble rentré dans l’ordre. Jonas donne l’impression d’être disposé à exécuter la mission dont Dieu l’a chargé. Il s’appuie sur la prière, ce qui est une excellente chose. Il s’affirme prêt à sacrifier en l’honneur de son Seigneur. C’est parfait. « La parole de Dieu fut adressée à Jonas en ces termes : ‘Debout ! Va à Ninive, la grande ville, et prêche-lui la prédication que je te dirai » (Jonas 3, 5). Jonas n’a pas à se fatiguer : il lui suffit de répéter ce que l’Esprit lui soufflera, et cette fois, « Jonas partit et s’en alla à Ninive, selon la parole du Seigneur » (Jonas 3, 3). Nous poussons un soupir de soulagement. Enfin, ce n’est pas trop tôt. Les apparences sont cette fois en faveur de Jonas. En effet, « il partit et s’en alla à Ninive, selon la parole du Seigneur » (Jonas 3, 3), c’est-à-dire qu’il y va avec l’intention d’annoncer ce que Dieu lui dictera. La docilité entre les mains de Dieu est une bonne chose. Jonas, qui a cherché dans un premier temps à esquiver la mission dont Dieu le chargeait, s’est ravisé, une fois que le Béni l’a ramené sur le droit chemin. Il y a été aidé. Il a reçu un bon coup de pouce… Donc, « Jonas commença à pénétrer dans la ville la marche d’une journée, et il prêcha et dit : ‘Encore quarante jours et Ninive sera détruite » (Jonas 3, 4). Il faut bien reconnaître que le contenu de l’annonce n’est pas particulièrement stimulant. Jonas risque d’être impopulaire et mal reçu. Et nous comprenons que le prophète ait cherché à s’éviter les désagréments qu’elle comporte. En plus, ce ne sont même pas des Juifs à qui il doit s’adresser, eux qui pourraient le comprendre assez facilement, mais à des païens, qui sont a priori beaucoup moins réceptifs à ce genre de prédication venant d’un Dieu qu’ils ignorent. Jonas s’attend à une réaction négative. (à suivre…)