En
50 avant J-C, Vienne, cela est bien connu, est une colonie latine de
l’empire romain, Colonia Julia Vienna. Les premiers habitants de
Lugdunum, c’est-à-dire de notre Lyon, sont des Allobroges chassés
de Vienne vers 44 avant J-C. Vienne est une ville florissante, dotée
au Ier siècle d’une muraille de 7,2 kms, la plus longue
de toute les Gaules, et disposant d’entrepôts très importants,
comme en témoignent les fouilles et les reproductions du Musée
gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal. Le christianisme existait à
Vienne un siècle avant l’arrivée du premier évêque de Lyon,
saint Irénée, qui y meurt martyr en 177. Il n’y a pas lieu de
s’en étonner. En 63, époque où il s’implante dans le Viennois,
Rome avait avec Vienne des relations nettement plus importantes
qu’avec les autres métropoles de la Narbonnaise. « Il est
donc naturel de penser que les disciples du Christ, devant d’Italie,
durent d’abord exercer leur zèle dans la ville la plus importante
des Gaules » (MERMET AINÉ, Chronique religieuse de la ville de Vienne (Dauphiné), ouvrage posthume publié par Melles Mermet, Vienne, 1856, p. 11-12).
D’où
notre question : l’Église de Vienne a-t-elle ou non une
origine apostolique ? A-t-elle été fondée, comme certains le
soutiennent, par saint Crescent, disciple de l’apôtre saint Paul,
auquel aurait succédé saint Zacharie, lui-même apôtre de saint
Pierre ? Ou bien sommes-nous en présence d’une affirmation
sans fondement, voire même démentie par les textes en notre
possession ?
De
quels éléments disposons-nous pour identifier le Crescent mentionné
dans la 2
e épître de saint Paul à Timothée, chapitre
4, verset 10, comme envoyé
in Galatiam, avec le premier
évêque supposé de Vienne ? Tel est l’objet du débat
instructif qui nourrit cette étude. Bien entendu, un envoi en Gaule
n’entraîne pas automatiquement une présence à Vienne. Mais
l’itinéraire que saint Paul aurait pu suivre pour se rendre en
Hibérie peut-il renforcer cette hypothèse ? En tout cas, il
serait bien étonnant qu’une ville ayant toute l’importance que
nous venons d’évoquer rapidement ait pu ne pas faire l’objet de
la préoccupation évangélisatrice des disciples du Christ.
Nous
commencerons par en poser les termes du débat (I), avant d’examiner
l’expression in Galatiam pour voir si elle peut être
comprise comme signifiant in Galliam, c’est-à-dire en Gaule
(II), et enfin, dans une troisième partie, d’en tirer des
conclusions en faveur de la présomption d’une première
évangélisation de Vienne dès la fin du Ier siècle de
notre ère (III).
I –
L’exposé du débat : quelle valeur attribuer au Martyrologe
d’Adon ?
Le
désaccord entre l’historien breton Mgr Louis Duchesne, membre de
l’Académie française, et Mgr Charles-Félix Bellet, archiviste
bibliothécaire du diocèse de Grenoble, constituera notre point de
départ (A). Il nous permettra de chercher à en dégager une
conclusion (B).
A) La
controverse entre Mgr Duchesne et Mgr Bellet
Le
catalogue des évêques de Vienne donné par Adon, archevêque de
cette ville de 860 à 875, mentionne en tête de liste saint Crescent
et saint Zacharie. Cependant certains auteurs, tel la grande figure
de Mgr Louis Duchesne, estiment que leur mention est une
interpolation tardive, destinée à donner un fondement à l’origine
antique de l’Église de Vienne (Georges de Manteyer entend démontrer que la présence de Crescent et de Zacharie en tête de la liste des évêques de Vienne dans le martyrologe lyonnais d’Adon est un ajout (MANTEYER [Georges de], Le Martyrologe lyonnais d’Adon [850] avec ses additions de Besançon [850-886], Brescia [886-1010], Apt [1010-1064], Gap [1064-1110] et Toulon, [1121-1587], Gap, 1898-1940). Grospellier écrit dans le même sens, et y voit un ajout dans la liste épiscopale d’Adon en 870 (cf. GROSPELLIER, « Mélanges d’hagiographie dauphinoise. Les listes épiscopales de Vienne », loc. cit., p. 14-36). C’est également l’avis de DUCHESNE (Louis), Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule. Tome premier Provinces du Sud-Est, Paris, 1894, p. 151 ss.),
tandis que d’autres tiennent cette liste pour véridique, comme
Bellet.
Celui-ci
réfute Duchesne en s’appuyant précisément sur la Chronique
d’Adon, mise en cause par Duchesne. Mgr Duchesne ne retient par la
Chronique d’Adon comme fiable, et rejette par là même les
premiers noms du catalogue d’évêques qu’elle contient. Pour
lui, l’Église de Vienne ne saurait exister dans les premiers
siècles. C’est l’Église de Lyon qui est le phare de la
chrétienté en Gaule.
Or,
force est de constater l’existence d’un évêché à Metz, d’une
Église ayant son propre évêque, contemporaine de celle de Lyon, au
nord et à une distance considérable de cette dernière. Ce fait
historique constitue « une grave présomption en faveur de
l’existence d’autres Églises en Gaule » (BELLET (Charles-Félix), Les origines des Églises de France et les fastes épiscopaux, nouvelle éd. entièrement refondue suivie d’une étude sur le cursus et la critique, Paris, 1898, p. 11),
que celle de Lyon.
Certes,
l’historien entend travailler à partir de textes, de documents
irréfutables, et c’est tout à son honneur. Mais il doit se garder
d’affirmations tranchantes.
Je
me rappelle avoir entendu un historien de Jeanne d’Arc, dont nous
fêtons cette année le centenaire de la canonisation et de
l’institution de la fête nationale, mettre en doute qu’elle ait
été enfermée dans le château de Rouen dans une cage de fer, au
prétexte que cette assertion repose sur un témoignage unique. Il
s’agit en réalité de deux dépositions faites lors du procès de
nullité de la condamnation de Jeanne d’Arc. Dans la première,
Massieu, huissier au procès de condamnation, dit avoir recueilli
cette confession du serrurier qui a construit la dite cage ;
l’autre provient de Cusquel, citoyen de Rouen, déclarant que cette
cage a été pesée chez lui (Cf. AMBROGI (Pascal-Raphaël)-LE TOURNEAU (Dominique), « Prisons de Jeanne », Dictionnaire encyclopédique de Jeanne d’Arc, Paris, Desclée de Brouwer, 2017, p. 1517-1518).
Que veut-on d’autre ?
Les
outrages du temps ne nous ont pas conservé tous les documents.
Mentionnons quelques causes de disparition d’archives : la
révolution française qui, entre autres, détruit les archives de la
noblesse, les titres de propriété et les titres généalogiques ;
la Commune de Paris qui brûle tous les papiers du Conseil d’État,
de la Cour des Comptes, une grande partie de ceux de la préfecture
de Police et du ministère des Finances, ainsi que les archives de
l’Hôtel-de-Ville et du département de la Seine ; les deux
guerres mondiales qui, rien que dans les Ardennes, ont fait
disparaître les séries administratives et judiciaires de l’Ancien
Régime, le fonds administratif de 1800 à 1930, et une partie de
l’état civil.
Par
suite, il est parfaitement concevable qu’une Église remonte aux
temps apostoliques mais ne dispose que d’un catalogue défectueux
d’évêques voir n’en possède pas ou plus (Cf. BELLET (Charles-Félix), Les origines des Églises de France et les fastes épiscopaux, op. cit., p. 284 ; cf. aussi p. 9).
D’ailleurs
Mgr Duchesne ne « refuse pas […] d’admettre divers groupes
de chrétiens disséminés dès le IIe siècle dans la
Gaule celtique ; je ne vois pas pourquoi, précise-t-il, ces
groupes n’auraient pas été désignés par les nom d’églises » (DUCHESNE (Louis), Bulletin critique, 17e année, 5 mars 1896, p. 127),
et, ajoutons-nous, n’auraient pas été gouvernées par un
épiscope.
Bellet
fait remarquer qu’Adon « n’invente pas les faits, il ne
crée pas cette identification ; il se borne à la constater,
comme il a soin de le dire la première fois : Quo tempore
creditur Paulus ad Hispanias pervenisse et
Arelatæ Trophinum, Viennæ Crescentem, discipulos suos ad
prædicandam reliquisse » (BELLET (Charles-Félix), Les origines des Églises de France et les fastes épiscopaux, op. cit., p. 284 ; cf. aussi p. 2-10),
comme on peut le lire dans la version donnée par Migne (vol. 123, col. 79).
Duchesne a évidemment réfuté Bellet. L’argumentation de ce
dernier paraît cependant solide. Cette controverse, qui ne peut être
prétéritée, est intéressante pour notre propos.
Mais
il convient de mentionner ici, avant tout autre commentaire, la
présence, dans la sacristie de la cathédrale Saint-Maurice de
Vienne, d’une relique insigne : la Sainte Nappe sur laquelle
notre Seigneur aurait institué l’Eucharistie. Nous présentons
ailleurs cette relique qui a fait l’objet d’une intense
vénération jusqu’à la révolution française, vénération
reprise par la suite et qui, si nous sommes bien informés, devrait
retrouver un certain écho de nos jours.
Or,
d’après une pieuse tradition, cette Sainte Nappe ou Sainte Toaille
est censée avoir été remise par le Prince des apôtres,
c’est-à-dire saint Pierre, à Zacharie, qui, nous l’avons dit,
serait le successeur de saint Crescent à la tête de l’évêché
de Vienne, où il meurt martyr en l’an 106.
Pour
Mermet, dans sa Chronique religieuse de la ville de Vienne,
« tous les auteurs qui ont écrit l’histoire ecclésiastique
de notre cité, s’accordent à dire que saint Crescent, disciple de
saint Paul, nous apporta l’évangile. Quelques-uns croient que
l’apôtre des nations séjourna lui-même dans notre ville, qu’il
y fit construire une crypte souterraine, où il prêcha la loi du
Christ, et qu’en quittant Vienne il en nomma saint Crescent premier
évêque. Lorsque saint Crescent alla fonder l’église de Mayence (St Crescent aurait évangélisé les rives du Rhône, de la Saône et du Rhin, avant de se rendre à Mayence et, de là, gagner la Galatie orientale. Cf. RAVENEZ (L. W.), Recherches sur les origines des Églises de Reims, de Soissons et de Chalons, Paris, 1857, p. 43),
d’où plus tard il passa en Galatie, province romaine d’Asie [il
s’agit cette fois-ci de la Galatie orientale], dans laquelle il
reçut, en 68, la palme du martyre, saint Zacharie, galiléen,
disciple de saint-Pierre, prit la conduite de l’église
Viennoise » (MERMET AINÉ, Chronique religieuse de la ville de Vienne (Dauphiné), op. cit., p. 10).
Affirmer
l’accord unanime des auteurs est sans doute un peu hasardeux. C’est
prendre ses désirs pour des réalités. Cela présente pourtant le
mérite d’obliger à se poser la question de l’authenticité des
origines de cette Église.
Cherchons
donc à voir sur quoi peut déboucher ladite controverse.
B) Que
tirer d’utile de cette controverse ?
« Une
bonne bibliothèque offre des secours à toutes les dispositions de
l’âme »,
affirmait le prince de Talleyrand-Périgord (TALLEYRAND, Mémoires - I 1754-1807, introd., notes et établissement du texte par Paul-Louis Couchoud et Jean-Paul Couchoud, Paris, Plon, 1957, p. 21).
Il va nous en falloir
une, et même plusieurs, bien fournies, pour essayer de démêler cet
écheveau, si tant est qu’il ne s’agisse pas du supplice de
Tantale…
« Il
faut convenir d’abord que les préjugés les plus légitimes
favorisent ce sentiment », à savoir qu’« il paraît
certain que la Religion Chrêtienne a été établie dans les Gaules
dès le premier siècle par les Disciples des Apôtres », comme
l’affirme le père jésuite Jacques de Longueval. Cet auteur en
donne la raison : « Il est difficile de se persuader que
S. Pierre & S. Paul étant à Rome uniquement occupés à la
propagation de l’Evangile, ayent négligé de le faire annoncer à
une Nation aussi illustre et aussi voisine de l’Italie que
l’étaient les Gaulois. Le zèle de ces Saints Apôtres serait une
raison suffisante de présumer qu’ils l’auront fait, mais on
manque de preuves positives pour établir cette vérité » (LONGUEVAL [Jacques], s.j., Histoire de l’Église gallicane, Paris, 1730, t. I, « Dissertation préliminaire sur le temps de l’établissement de la Religion Chrêtienne dans les Gaules », p. 43).
Beaucoup
ont identifié le premier évêque de la Chronique d’Adon avec
saint Crescens dont il est question dans 2 Timothée 4, 10. Élie
Griffe estime que « c’est sans fondement que l’on a voulu
l’identifier avec le premier évêque de Vienne qui porta ce nom
mais qui appartient à une époque bien ultérieure » (GRIFFE (Élie), La Gaule chrétienne à l’époque romaine. I. Des origines chrétiennes à la fin du IVe siècle, Paris-Toulouse, 1947, p. 5).
Or, sauf erreur, aucun évêque ultérieur de la Chronique d’Adon,
qui s’achève en 875, ne porte le nom de Crescens… (Cf. la table chronologique des archevêques de Vienne allant jusqu’au XVIIIe s. publiée par CHARVET (Claude), Supplément à l’histoire de l’Église de Vienne, Vienne, 1868, p. iii-vi. Et la liste d’Adon reproduite par DUCHESNE (Louis), Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, op. cit., p. 145).
Pour
expliquer les analogies de l’ancienne liturgie gauloise avec les
liturgies de l’Orient, l’abbé Guettée mentionne la venue
d’Orient de certains de nos premiers apôtres, « comme saint
Trophime, saint Luc, saint Crescent, saint Pothin, saint Irénée,
saint Bénigne, etc. », qui « durent nécessairement
apporter avec eux les usages liturgiques des constitutions
apostoliques et des diverses Église d’Orient, d’Éphèse
surtout » (GUETTÉE (abbé Wladimir), Histoire de l’Église de France composée sur les documents originaux et authentiques, Paris, Lecrivain et Toubon, t. II, 1857, p. 128).
Mais
comment devons-nous interpréter la mention de la Galatie présente
dans la deuxième lettre de l’Apôtre des nations à son disciple
Timothée ? Tel est l’objet de notre deuxième partie.
II –
Quel sens donner à l’expression in Galatiam de la deuxième
épître à Timothée ?
Nous
allons commencer par présenter les sources écrites disponibles (A)
avant de mentionner les commentaires qui y ont été apportés (B)
A) Les
sources écrites
Nous
présenterons un certain nombre de sources écrite, l’une d’entre
elles scripturaires, les autres profanes, émanant d’historiens
tant de langue grecque que de langue latine. Il se pourrait que des
recherches plus approfondies en fassent ressortir d’autres à la
lumière. Quoi qu’il en soit, la moisson effectuée semble suffire
à la tâche. Nous allons le voir, tout un faisceau convergent
d’indices permet d’affirmer sans conteste possible que la Galatie
dont parle saint Paul est la Galatie occidentale, c’est-à-dire la
Gaule. Cette affirmation ne peut pas être purement et simplement
rayée d’un trait de plume ou passée sous silence.
Or,
cette assimilation de la Galatie à la Gaule est tout simplement
omise par les historiens qui veulent dénier à Vienne son ancienneté
dans la foi. C’est pour le moins surprenant de leur part. Nous ne
sommes, quant à nous, mû dans notre recherche par aucun esprit
partisan. Nous voudrions seulement, quant que cela peut être
possible, arriver à comprendre comment et quand l’Église de
Vienne a été fondée, sans a priori conceptuels, sans tomber dans
des allégations tranchées et sans appel, qui ne servent pas la
cause de la vérité.
Il
nous semble d’ailleurs utile et bénéfique, pour l’établissement
de cette vérité, de ne pas nous cantonner à la méthode purement
historique, mais d’en élargir le cadre, sans doute trop étriqué.
Agir avec circonspection et laisser au moins la porte ouverte à
d’autres possibilités que celles fournies pas les seuls documents
exploitables nous paraît s’imposer du point de vue de la recherche
d’une vérité proprement scientifique.
Venons-en
donc à l’expression in Galatiam. Selon certaines lectures
du texte sacré, l’apôtre Paul l’envoie in Galiam, au
lieu de la lecture devenue courante in Galatiam (Cf. RAVENEZ (L. W.), Recherches sur les origines des Églises de Reims, de Soissons et de Chalons, op. cit. On trouvera dans le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, une brève notice « Crescent » sous la plume de VAN DOREN (R.), allant dans le même sens, Paris, 1953, facs. 73, col. 1025. Au texte de 2 Tm 4, 10 TISCHENDORF (Constantin) indique comme variante « in Galiam » (Novum Testamentum triglottum græce latine germanice, Leipzig, 1854, p. 765). Le même auteur donne la version « Krêskes as Gallian » et renvoie à Eusèbe et à Épiphane dans Novum Testamentum græce ad antiquissimos testes denuo recensuit apparatum criticum omni studio perfectum apposuit commentationem isagogicam prætextuit Constantinus Tischendorf, Leipzig, vol. 2, 1872, p. 879-880).
C’est ce qu’affirme le Martyrologe gallican (Le Martyrologe a bien mentionné à une époque le passage de saint Crescent par Vienne en renvoyant à 2 Timothée 4 (cf., par ex., Usuardi Martyrologium, quo Romana Ecclesia, ac permultæ aliæ vtuntur : iussu Caroli Magni conscriptum, Louvain, 1573, au 27 juin [V Kal. Julii], p. 106 ; dans l’édition publiée à Anvers, en 1715, nous lisons à la même date : « Apud Galatiam, beati Crescentis, discipuli sancti Pauli Apostoli, qui in Gallias transitum faciens, verbo prædicationis, multos ad fidem Christi convertit. Rediens vero ad gentem, cui specialiter episcopus fuerat datus, Galatas, usque ad beatum finem vitæ suæ in opere Domini confortavit », p. 364, texte suivi de vingt références à des sources ; le texte est reproduit par Migne, Paris, 1879, t. 123, p. 293). Entre convertit et Rediens, certains manuscrits ajoutent : Viennæ civitate Galliarum per aliquot annos sedit, ibique Zachariam discipulum pro se ordinavit. » D’autres manuscrits portent, entre apostoli et Rediens : « Hic Viennæ, Galliarum civitate, per aliquot annos residens, ibique Zachariam discipulum pro se episcopum ordinavit, longe lateque verbum Domini per Gallias spargens multos ad fidem Christi convertit » (DUBOIS [Dom Jacques]-RENAUD [Geneviève], Le Martyrologe d’Adon, ses deux familles, ses trois recensions. Texte et commentaire, Paris, 1984, p. 206). L’Hagiologe de Vienne porte : « Traditur autem primum Crescentem discipulum b. Pauli Gallias venisse et Viennæ aliquot temporis resedisse ac verbum vitæ ibi primum prædicasse : commemorat hoc beatus Stephanus papa pontifex in epistola quadam ad principem Francorum : cui successit Zacharias martyrio coronatus » (cité par CAVARD [Pierre], Vienne la sainte, Vienne, éd. revue et corrigée, 1977, p. 86). Le Breviarium sanctæ viennensis ecclesiæ publié par VILLARS (Henri de), à Paris, 1678, t. 2, p. 488, mentionne au 27 juin la « fête de Crescens apôtre »),
en citant une bonne vingtaine de sources, qu’il serait trop long et
abscons de détailler ici. Le Martyrologe romain contient la
même information dans son édition de 1953 (« En Galatie, saint Crescent, disciple du bienheureux apôtre Paul. Passant dans les Gaules, il convertit par sa prédication un grand nombre d’infidèles à la foi du Christ ; retournant ensuite vers le peuple auquel il avait été spécialement donné pour évêque, il affermit les Galates dans l’œuvre du Seigneur jusqu’à la fin de sa vie, qu’il termina sous Trajan par le martyre » (Martyrologe romain publié par l’ordre de Grégoire XIII, revu par l’autorité d’Urbain VIII et de Clément X, augmenté et corrigé en 1749 par le pape Benoît XIV, trad. Française par Dom J. Baudot et Dom F. Gilbert, nelle éd. Révisé par SCHMITT (Dom Albert M.), Casterman-Paris-Tournai, 1963, p. 243). Cette notice est reprise dans le Dictionnaire hagiographique ou vie des saints et des bienheureux, de l’abbé PÉTIN, publié par l’abbé MIGNE, Petit-Montrouge, 1850, t. I, col. 664-665, qui précise que son apostolat dans les Gaules n’est pas certain. Le Dictionnaire hagiographique de Dom BAUDOT, O.S.B., 1925, p. 180, ne prend pas position, mais rappelle que le Martyrologe romain nomme Crescens le 27 juin sous la rubrique in Galatia et le 29 décembre. Le P. Longueval se limite à indiquer entre parenthèses : « Quelques-uns croient que c’est en Gaule, et que Crescent fut le premier évêque de Vienne » (LONGUEVAL [Jacques], Histoire de l’Église gallicane dédiée à nosseigneurs du clergé, tome premier contenant les trois premiers siècles, op. cit., p. 122). Quant à Godeau, il parle d’une « antiquité prétendue », et que, « selon l’opinion de ceux qui la croient véritable, [saint Pierre envoya pour les Gaules] à Vienne et à Mayence, Crescens », (GODEAU [Antoine], Histoire de l’Église, t. I, Paris, 1663, p. 189), puis il écrit qu’il « est constant par les Martyrologes, que Crescent a été évêque, et qu’il souffrit le Martyre dans la première Province [i.e. en Galatie orientale] et que c’est d’elle qu’il faut entendre le passage de saint Paul » (Ibid., p. 324). Affirmation dont nous voyons qu’elle est loin d’être unanimement reçue).
Cette
lecture se trouve chez Eusèbe de Césarée (+ 339) dans un
manuscrit de la Bibliothèque du Roy, traduit par Henri de Valois
(1603-1673) (EUSÈBE DE CÉSARÉE, Hist. eccl., Lib. 3, chap. 4, 8 : « Paulus comitibus Crescens quidem ab eo missus in Gallias Pauli ipsius testimonio declaratur » (Historiæ ecclesiasticæ scriptores Eusebius Pamphilus, Socrates Scholasticus, Hermias Sozomenus, Theodoricus Epis. Cyri., Evagrius Scholasticus, Philostorgius et Theodorus Lector, græce et latine Henrico Valesio interprete, vol. I, « Eusebiæ Pamphili Ecclesiasticæ historiæ libri decem », livre 3, 4, 8, Augustæ Taurinorum, 1746, p. 82). Cf. MAUPERTUY (Jean-Baptiste DROUET de), Histoire de la sainte Église de Vienne, concernant la vie & les actions remarquables des cent dix Archevêques qui en ont tenu le Siège depuis l’an 62, de Jésus-Christ, qu’elle fut fondée par faint Crefcent, Difciple de S. Paul, jufqu’à la prefente année 1708, Lyon, 1708, avertissement).
De
fait, a pu faire remarquer le P. Ceslas Spicq, bibliste et exégète,
« jusqu’au IIe siècle de notre ère, les
écrivains grecs (Polybe [+ 118 av. JC]), Diodore [de Sicile, + 30
av. JC] (« Ceux qui sont « établis au-dessus de la Celtique jusqu’aux parties méridionales de cette région, et qui habitent le long de l’Océan et la forêt Hercynienne, toutes les contrées qui s’étendent jusqu’à la Scythie, sont appelés Galates » (DIODORE DE SICILE, Bibliothèque historique, t. II, livre V, chap. XXXI, traduit du grec par F. Hoefer, Paris, 2e éd., 1865)),
Strabon [+ 20] (Pour lui, tous les Celtes sont désignés par les Grecs du nom de Galates ou Gaulois (CASAUBONUS [Isaac], Strabonis rerum geographicarum, livre 4, c. 4, 1807, p. 131). Un certain nombre de ces références sont reprises par l’abbé GUETTÉE (Wladimir), Histoire de l’Église de France composée sur les documents originaux et authentiques, op. cit., p. 2-3),
[Flavius] Josèphe [+ 100 après J-C], Plutarque [+ 127],
Appien [+ 165], Pausanias [le Périégète, + v. 115],
Dion Cassius [+ 235]) (Parlant de la Bretagne (l’actuel Royaume-Uni), il écrit que l’Océan sépare l’île de la Gaule : o okeanos o metazu tês te nesou kai tês Galatias (Histoire romaine 62, 1, texte publié par GROS (E.), Paris, t. 9, 1867, p. 62-65) désignent la Gaule proprement dite exclusivement par le terme de
Galatia (Keltikê) et ses habitants Galatai, si bien que saint Paul,
voulant parler de la Gaule n’aurait certainement pas écrit
Gallia » (SPICQ (Ceslas), Saint Paul, les Épîtres Pastorales, Paris, 1947, p. 391).
Argument qui, provenant d’un exégète, et non d’un historien,
possède un poids spécifique digne d’égards.
Cet
auteur écrit en 1967 que par Galatiam « il faut très
vraisemblablement entendre la Gaule » (SPICQ (Ceslas), Saint Paul, les épîtres pastorales, 4e éd. refondue, Paris, 1969, t. II, p. 813).
C’est la traduction qu’il retient en l’appuyant sur un abondant
appareil critique (SPICQ (Ceslas), Ibid., p. 811-812. Selon l’abbé ROHRBACHER, « Crescent était parti pour la Galatie ou la Gaule, car c’est en grec le même nom » (Histoire universelle de l’Église catholique, Paris, 1857, t. 4, p. 425).
Ce qui n’empêchera pas tel auteur d’écrire qu’il « est
beaucoup plus vraisemblable » de situer l’apostolat de
Crescent « en Asie Mineure que dans les Gaules, et il serait
absurde de l’identifier à l’évêque de Vienne du même nom » (LATREILLE (A.)-DELARUELLE (E.)-PALANQUE (J.-R.), Histoire du catholicisme en France, t. 1. Des origines à la chrétienté médiévale, Paris, 2e éd., 1967, p. 22),
premier évêque de la ville qui « peut remonter à l’an 200
environ » (LATREILLE (A.)-DELARUELLE (E.)-PALANQUE (J.-R.), Ibid., p. 25).
Pareillement,
dans son édition d’Eusèbe de Césarée dans la collection des
Sources chrétiennes, Gustave Bardy fait remarquer toutefois que
« bien qu’un Crescent figure dans le catalogue des évêques
de Vienne, l’idée d’identifier le disciple de saint Paul et
l’évêque n’apparaît pas avant le IXe siècle » (EUSEBE DE CÉSARÉE, Histoire ecclésiastique, texte grec traduction et annotation par Gustave BARDY, Paris, Cerf, 1952, Livre III, chap. IV, 8, p. 100-101).
Peut-être, mais nous aimerions bien trouver cet autre Crescent,
archevêque de Vienne, dont on nous parle et qui est absent des
listes épiscopales (Ce genre de commentaire fait penser à la réaction de saint Paul VI à propos du théologien allemand Hans Kung : « Il dit que je ne suis pas infaillible. Mais il le dit infailliblement ! » (rapporté par POUPARD [Paul cardinal], « Le pape Paul VI : souvenirs et témoignages », Conférence prononcée à la Villa Bonaparte, à Rome, le 12 juin 2018).
En
remontant plus en arrière, le premier livre des Macchabées, rédigé
vers 100 avant Jésus-Christ, rapporte que Judas Macchabée
« entendit parler des Romains […]. On lui raconta leurs
guerres et les exploits accomplis par eux chez les Galates, qu’ils
avaient soumis et rendus tributaires » (1 Macchabée 8, 2).
Ce texte n’est compréhensible que si l’on identifie les Galates
en question aux Gaulois.
Pour
certains, il est question de la Galatie Orientale, pour les autres de
la Gaule transalpine. La plus ancienne des leçons nous est donnée
par saint Épiphane de Salamine, décédé au tout début du Ve
siècle, en 403. Dans l’Hérésie 51, parlant du ministère
de la Divine parole confié à saint Luc, il écrit qu’il
« l’exerça en passant dans la Dalmatie, dans la Gaule, dans
l’Italie, et dans la Macédoine, mais singulièrement dans la
Gaule, ainsi que saint Paul l’assure dans ses épîtres de
quelques-uns de ses disciples. Crescent est en Gaule », mais il
ne faut pas lire « en Galatie, comme quelques-uns l’ont cru
faussement, mais en Gaule » (Divi Epiphanii episcopi constantiæ cypri, contra octoginta hæreses opus, Panarium, sive Arcula, aut Capsula Medica appellatum, continens libros tres et tomos sive sectiones ex toto septem, Hérésie 51, Paris, 1574, p. 193).
Pour Longueval, peu importe qu’Épiphane ait raison ou non, « il
nous suffit qu’il ait crû qu’on devait lire de la sorte, pour
être en droit d’en conclure qu’il passait alors pour être
constant que saint Crescent avait prêché la Foi dans la Gaule » (LONGUEVAL [Jacques], s.j., Histoire de l’Église gallicane, op. cit. p. 43).
Il n’en reste pas moins que le témoignage d’Épiphane n’est
pas dépourvu de consistance.
Eusèbe,
comme l’a démontré Henri de Valois dans l’édition qu’il en a
donnée, parle comme saint Épiphane. « Théodoret, qui a
maintenu le mot Galatia dans le texte de saint Paul, a préféré
l’appliquer à notre Gaule qu’à la Galatie. Ainsi, les anciens
avaient la conviction que Crescent, disciple de saint Paul, a prêché
dans les Gaules. C’est l’opinion qu’on suivie Bède et Usuard
dans leurs martyrologes » (RAVENEZ (L.-W.), Recherches sur les origines des Églises de Reims, de Soissons et de Chalons, op. cit., p. 47. L’on verra également Ægidii Bucherii, Belgium Romanum, Lib. V, n° 11, p. 153, cité Ibid., p. 51).
Pour
Théodoret de Cyr, dans son Commentaire sur le IIe
épître à Timothée (+ 457), par Galatiam saint
Paul « a entendu la Gaule : car c’eft ainfi [dit-il] que
s’apelloit autre-fois ce païs » (MAUPERTUY (Jean-Baptiste DROUET de), Histoire de la sainte Église de Vienne…, op. cit., avertissement).
Telle est la leçon du Codex Sinaiticus, rédigé en 325-360,
qui porte eis Galliav.
Eusthate
d’Antioche (+ 377) commentant la Description de la terre
habitée de Denys le Périégète écrit qu’au golfe ibérique
succède l’eau Galate, c’est-à-dire la mer Galatique… Or, il
faut savoir que près de cette eau Galate, appelée ainsi du nom des
Galates, près de cette mer Galatique habitent les Celtogalates, et
ces Galates, à ce qu’on dit, sont adonnés au vin […] Massalie
aussi est Galate. Or, elle fut fondée par des Phocéens qui fuyaient
loin de l’Orient le joug de Cyrus » (COUGNY (Edm.), Extraits des auteurs grecs concernant la géographie et l’histoire des Gaules, Paris, 1878, commentaire aux v. 74-75, p. 5).
Eusthate ajoute une précision : Les Celtes, dit-on, s’étendent
jusqu’au Rhin. C’est de leur nom que tous les Galates d’Europe
ont été appelés Celtes par les Hellènes » (COUGNY (Edm.), Ibid., commentaire au v. 288, p. 9. AMMIEN MARCELLIN fait une observation identique en décrivant la Gaule : « Certains auteurs ont affirmé que les Aborigènes, appelés Celtes du nom d’un roi très aimé, et du nom de sa mère, Galates, qui est le nom donné aux Gaulois en langue grecque » (Ammien Marcellin, Histoire. Tomme I (livres XIV-XVI), 15, 9, texte établi et traduit par Édouard Galletier avec la collaboration de Jacques Fontaine, Paris, 1968, p. 134-135).
La
Chronique d’Alexandrie rapporte que Crescent, ayant publié
l’Évangile de Jésus-Christ dans les Gaules, mourut sous Néron (Cité par MAUPERTUY (Jean-Baptiste DROUET de), Histoire de la sainte Église de Vienne…, op. cit., avertissement).
Après
avoir énuméré les sources disponibles, qui nous éclairent sur le
sens à donner à l’expression in Galatiam, venons-en aux
commentaires qui en ont été donnés.
B) Les
commentaires du in Galatiam
L’historien
Louis Duchesne relève bien l’existence de manuscrits du Nouveau
Testament qui portent Galiam au lieu de Galatiam (DUCHESNE (Louis), Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, op. cit., p. 151). Mais il ne s’y arrête pas. Or, il s’agit de manuscrits anciens,
antérieurs à l’invention de l’imprimerie et donc vénérables
et dignes d’attention.
Les
Bollandistes affirment que nous détenons « de puissants
témoignages dans l’antiquité, qui nous assurent que saint Paul
est venu dans les Gaules en allant prêcher en Espagne, et qu’il y
a envoyé saint Crescent, son disciple, pour y répandre la semence
de l’Évangile » (GUÉRIN (Mgr Paul), Les Petits Bollandistes. Vie de saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, Paris, 1878, tome 7, p. 387).
L’auteur de ces propos, Mgr Paul Guérin, affirme que, « du
voyage de saint Paul en Espagne, il est aisé de conclure qu’il
passa en France. Tous les Pères des premiers siècles qui ont eu
occasion de parler de ce voyage en demeurent d’accord : tels
sont, parmi les Grecs, saint Athanase, saint Cyrille de Jérusalem et
saint Jean Chrysostome, et, parmi les Latins, saint Jérôme, saint
Grégoire le Grand et saint Isidore de Séville ». Est-il
raisonnablement permis d’ignorer semblables témoignages ou de les
juger suspects ou d’y voir des reconstructions tardives ?
Les
témoignages sur la mission de saint Crescent dans les Gaules
proviennent de « saint Dorothée, de saint Jérôme, ainsi que,
nous l’avons dit, d’Eusèbe de Césarée, un des plus anciens et
des plus célèbres historiens de l’Église, au livre IV de son
Histoire, chap. 4, selon le véritable texte grec et la
version de Valois.
Saint
Epiphane dans l’Hérésie 51, parlant de saint Luc, dit
qu’il prêcha dans la Dalmatie, dans l’Italie et dans la
Macédoine, mais surtout dans les Gaules, assure aussi que saint Paul
y envoya quelques-uns de ses disciples, entre autres saint Crescent.
Théodoret
ajoute que lorsque cet Apôtre dit qu’il a envoyé saint Crescent
en Galatie il entend les Gaules, que l’on appelait autrefois de ce
nom.
Enfin,
sans parler de Sophrone de Jérusalem (+ 639) au livre des
Historiens ecclésiastiques et de la Chronique
d’Alexandrie (D’après CHARVET (Claude), nous y lisons que « Crescent ayant publié dans les Gaules l’Évangile de Jésus-Christ mourut sous l’empire de Néron ») qui enseignent la même chose, Adon, archevêque de Vienne, qui
devait être parfaitement informé de l’ancienne tradition de son
Église, dit en termes exprès, dans son martyrologe, que saint
Crescent, disciple de saint Paul, était venu dans les Gaules, y
convertit plusieurs infidèles à la foi de Jésus-Christ, qu'il tint
quelques années dans son siège épiscopal à Vienne, et qu’ayant
ordonné en sa place saint Zacharie, il s’en retourna au pays des
Galates (les Gaulois orientaux comme les Gaulois étaient les Galates
occidentaux), et employa le reste de sa vie à les fortifier dans la
foi et la religion chrétienne » (GUÉRIN (Mgr Paul), Les Petits Bollandistes. op. cit., tome 7, p. 387-388. Pour Bérault-Bercastel, « il est vraisemblable » que Paul ait envoyé aux fidèles d’Occident « quelques-uns des grands ouvriers qu’il avait formés de la main, savoir, Trophime aux peuples d’Arles dans les Gaules. Crescent à ceux de Vienne... » (BERAULT-BERCASTEL, Histoire de l’Église, nelle éd., Paris, t. I, 1830, p. 105).
Toujours
selon les Bollandistes, après avoir fait de Crescent l’évêque de
Galatie, Paul n’hésita pas à l’en tirer pour le faire prêcher
en d’autres lieux, et surtout il l’envoya dans nos Gaules, qui
étaient sans contredit le plus beau gouvernement de l’empire » (GUÉRIN (Mgr Paul), Les Petits Bollandistes, Ibid., p. 388).
Pour
l’historien Pierre Batiffol « c’est bien la Gaule qu’il
faut voir dans ce passage, de préférence à Galatie, toute fragile
que soit cette préférence » (BATIFFOL (Pierre), Revue Biblique, 1895, p. 140).
Si les mots Celtia, Galatia et Gallia « paraissent avoir été
absolument synonymes dans la langue de l’époque, les circonstances
seules peuvent indiquer s’il s’agit de la Gaule ou de la
Galatie » (MOURRET (Fernand), Histoire générale de l’Église, t. 1. Les origines chrétiennes, nelle éd. Revue et corrigée, Paris, 1920, p. 166).
Pour
résumer la situation, nous avons mentionné huit historiens grecs
allant du IIe siècle avant Jésus-Christ au IIIe
siècle après Jésus-Christ et 5 historiens latins allant du IVe
au VIIe siècles après Jésus-Christ. Ils sont unanimes à
identifier la Galatie à la Gaule. Ces auteurs ne se sont évidemment
pas concertés ni ne se sont copiés. Ils nous rapportent la réalité
toute nue.
Curieusement,
Mgr Duchesne, lui-même historien, ne semble pas accorder d’intérêt
à ce faisceau d’indices. Or, il y a plus. Si nous prêtons
attention à la date à laquelle la traduction en latin ou en
français selon le cas de leurs ouvrages a été publiée, elle
s’étale entre le XVIe siècle et le XVIIIe
siècle, l’ouvrage du P. Spicq datant, lui, du milieu du XXe
siècle.
Pour
sa part, le chanoine Élie Griffe estime « assez
vraisemblable » que Paul vise la Gaule, « si l’on songe
qu’il écrit de Rome : ainsi ses deux collaborateurs, Crescent
et Tite, l’auraient quitté pour gagner les régions voisines de
l’Italie » (GRIFFE (Élie), La Gaule chrétienne à l’époque romaine, op. cit., p. 5).
Nous
sommes donc en présence d’une tradition ininterrompue depuis 21
siècles qui mérite tout notre respect. L’oubli de cette réalité
est difficilement compréhensible. Quelques versions de la Bible s’en
font timidement l’écho (Cf., par ex., « Var. : Gaule. – ‘Galatie’ pouvant alors désigner soit la province de ce nom en Asie, soit la Gaule » (Sainte Bible traduite en français sous la direction de l’École biblique de Jérusalem, Paris, 1956, p. 1572). « Galatie, soit la province de ce nom en Asie Mineure, soit ‘la Gaule’ » (Le Nouveau Testament, traduction nouvelle par E. Osty et J. Trinquet, Paris, 1974, p. 446).
Nous lisons à l’article « Crescens » du Dictionnaire
encyclopédique de la Bible, publié par Brepols, que l’apôtre
Paul « se préoccupait de l’évangélisation de l’Europe
occidentale […] et sans doute de la Gaule » (MERCIER (Jacques), « Crescens », Dictionnaire encyclopédique de la Bible publié sous la direction du Centre informatique et Bible de l’abbaye de Maredsous, Brepols, 1987, p. 315-316).
C’est tout de même un aspect singulièrement intéressant et
éclairant pour l’histoire de notre pays et plus particulièrement
pour celle du diocèse de Grenoble-Vienne et du département de
l’Isère.
Nous
sommes ainsi amenés à nous interroger sur la réalité d’une
première évangélisation de notre région. Ce sera notre troisième
et dernière partie.
III
– L’hypothèse d’une première évangélisation de Vienne
Cette
évangélisation aurait eu lieu au Ier siècle, et
l’apôtre Paul y aurait contribué en personne (A), ce qu’un
certain nombre de documents laissent entendre (B).
A) L’hypothèse
de la présence de saint Paul à Vienne
L’apôtre
Paul serait lui-même passé par Vienne, lors de son voyage vers
l’Espagne, en l’an 62, devenant ainsi le premier pasteur de la
ville.
À
l’appui de cette affirmation Jean Le Lièvre (Histoire de l’Antiquité et Saincteté de la Cité de Vienne, op. cit., p. 55) fait appel au témoignage de saint Épiphane, de saint Sophrone (Livre des Écrivains ecclésiastiques, mentionné par Maupertuy, loc. cit., affirme que Crescent prêcha l’Évangile dans les Gaules),
de Perrerius (Prologue in Espistola ad Romanos, disp. 1) et de Genebrad (Lib. 2 Chron.),
puis écrit, au sujet de Paul : « En passant par Arles et
Vienne, il consacra & laissa à Arles son premier Euefque S.
Trophime, & à Vienne S. Crefcent le 4 des Calendes de Iauier,
après auoir catechifé, inftruict & baptizé le peuple en la Foy
et religion Catholique. […] S. Paul confacra vne Chapelle à
l’honneur des faincts martyrs Machabees an lieu dit Paradis, qui
eft la premiere fondation de la Mere Eglife de Vienne ez cloiftres
d’icelle, où eft à prefent la Chapelle appellee Maguelonne » (LE LIÈVRE (Jean), Histoire de l’Antiquité et Saincteté de la Cité de Vienne, op. cit., p. 56. Pour CHIAPPA (Charles), Histoire de l’Église universelle, Paris, 1877, « traversant le midi des Gaules », Paul y « laissa, comme évêque, à Vienne, son disciple Crescent » (p. 179).
Que
Crescent soit venu à Vienne est attesté par des lettres du pape
Étienne III, comme Lelièvre le précise (LE LIÈVRE (Jean), Ibid., p. 184-185. Le même auteur cite en note Clément Durand, chancelier de l’Église de Vienne, Official et vicaire général du diocèse de Rouen, qui « a transmis son sentiment à la postérité dans une inscription qu’on voit encore en partie dans la Chapelle de Sainte Christine, fondée dans l’Église Cathédrale, au bas des peintures qu’il y avait fait faire, et qui représentent le martyre de S. Zacharie (…) : « Origine du Christianisme et du Martyre des Chrétiens dans les Gaules par S. Crescent un des 72 disciples, compagnon de S. Paul Apôtre des gentils, 1er Archevêque de la Ville de Vienne, Métropole des Allobroges, Patriarche de la Foi deçà des Alpes ; par S. Zacharie, 1er Martyr Gaulois (...) » (p. 17). Le Lièvre (p. 57) cite encore « Demochares, Doyen de la Sorbonne, et Chanoine Théologien de Noyon en son livre de l’Institution de la messe, chap. 34, assure que S. Crescent allant aux Espagnes chercher S. Paul, passa par les Allemagnes et s’arrêta à Magonce, métropole du pays, où il enseigna le peuple en la Foi » (p. 57). Il s’agit d’Antoine de Mouchy, « De divino missæ sacrifici Nomine missæ et veteri de longa eius acceptatione, missæ comprobatur », deuxième livre du traité Christianae religionis institutionisque domini nostri Iesu Christi et apostolicæ traditionis…, p. 1562. Il ne nous a pas été possible de retrouver cette référence).
Selon
Symphorien Champier, « saint Paul apôtre, du temps qu’il
prêchait aux Galates, envoya à Vienne un de ses disciples, nommé
Crescens, lequel demeura trois ans environ, prêchant la foi
chrétienne là où il fit plusieurs miracles et convertit tout le
peuple à la foi chrétienne. Ado, en ses commentaires, dit que saint
Paul, en allant aux Espagnes, passa par Vienne et, là, délaissa
Crescent, son disciple, et de là passa par la cité d’Arles » (CHAMPIER (S.), Du royaume des Allobroges avec l’antiquité et origine de la très noble et ancienne cité de Vienne sur le fleuve du Rhône, Lyon, 1884, p. 19).
L’auteur ajoute que, « et demeurant alors saint Paul deux ans
en Espagne et, après, revint à Rome, et, en passant par Vienne,
envoya Crescent prêcher en Galice » (CHAMPIER (S.), Ibid., p. 20).
Lui
succède saint Zacharie, un disciple de saint Pierre. Le Lièvre
explique ainsi cette succession. Alors que Crescent était parti
rejoindre Paul en Espagne, le prince des apôtres « ignorant de
l’eftabliffement de faint Crefcent faict par S. Paul à Vienne,
appela l’vn de fes Difciples nommé S. Zacharie […] auquel il
donna la miffion de Vienne en la Gaule » (LE LIÈVRE (Jean), Histoire de l’Antiquité et Saincteté de la Cité de Vienne, op. cit., p. 57-58. Il lui dit : « Quid fides nobifcum ? ecce eruditus es de omnibus quæ fecit Dominus Iefus Chriftus, quia in multis interfuifti. Surge, accipe fpiritum fanctum, fimulque Pontificatum, & perge ad urbem quæ dicitur Vienna, quæ eft metropolis ; decoratæ a Romanis, ciuitas in Gallia. Multitudo enim populi illic moratur. Prædica ei de nomine Iefu, quod vere fit filius Dei, qui mortuis vitam reddidit, & ægris intulit verbo medicinam. »).
Fort
de ces précédents, Maupertuy affirme que les passages prouvant la
mission de Crescent « paroiffent avoir un certain degré
d’évidence, qui ne permet pas à la Critique la plus fevere, pour
ne pas dire la plus vetilleufe de la revoquer en doute » (MAUPERTUY (Jean-Baptiste DROUET de), Histoire de la sainte Église de Vienne…, op. cit., avertissement, p. iij et sv.).
S’appuyant sur les mêmes témoignages historiques que Maupertuy et
sur la lecture de 2 Timothée faite par les auteurs grecs, Charvet
écrit : « On ne peut pas douter que S. Crescent n’ait
été envoyé par S. Paul dans les Gaules » (CHARVET (Claude), Histoire de la Sainte Eglise de Vienne, op. cit., p. 10).
Quels
documents permettent-ils d’étayer semblable affirmation ?
B) Les
documents en faveur d’une évangélisation précoce de Vienne
D’aucuns
arguent à l’encontre de cette fondation lointaine l’absence de
mémoire et de traces dans l’Église de Vienne. Or, le P.
Longueval, écrivant au XVIIIe siècle, affirme que,
« elle a crû de temps immémorial, cette Église, que saint
Crescent, son premier évêque fut disciple de S. Paul, et presque
tous les Martyrologes lui donnent cette qualité » (LONGUEVAL [Jacques], s.j., Histoire de l’Église gallicane, op. cit. p. 44).
Le même auteur ajoute un argument de poids à son assertion :
« Il peut paraître étonnant que le P. Petau prétende que la
Gaule, qui fut, selon saint Épiphane, la Mission de saint Luc, était
la Gaule Cisalpine. Il n’y avait plus de Province ainsi nommée du
temps de ce saint Docteur, et quand même le nom de cette Province
aurait subsisté, il est manifeste que dès qu’on nomme simplement
la Gaule, on doit entendre la Gaule proprement dite. On voit
d’ailleurs par le texte de saint Épiphane, que la Gaule où a
prêché saint Luc, est celle-là même où a prêché saint
Crescent, que l’Église de Vienne reconnaît pour son fondateur » (LONGUEVAL [Jacques], s.j., Histoire de l’Église gallicane, Ibid.).
Pour
rejeter le catalogue des évêques de Vienne donné par Adon, Mgr
Duchesne imagine l’action d’un faussaire présumé. Pour rendre
cette hypothèse vraisemblable, il cite une sérier l’existence de
faux produits à l’époque carolingienne dans le domaine des œuvres
d’art. Il s’estime alors en droit d’affirmer tout de go que les
auteurs des listes épiscopales ont procédé de la même façon.
Affirmation purement gratuite, qu’un historien devrait prouver
solidement. Ce qui n’est pas le cas.
Comme
l’écrit Mgr Bellet, si l’on suivait ce raisonnement, « saint
Adon devrait être rangé parmi ces hommes peu intelligents du moyen
âge, tellement qu’il aurai été capable de transposer de
pareilles erreurs dans d’autres domaines que celui de
l’archéologie, et qu’enfin la pente naturelle de ses idées
l’aurait précisément amené à créer de toutes pièces
l’identification de Crescent de Vienne et de Sergius Paulus de
Narbonne avec les disciples de saint Paul du même nom » (BELLET (Charles-Félix), Les origines des Églises de France et les fastes épiscopaux, op. cit., p. 288).
Le simple énoncé de cette conjecture en montre le côté hasardeux
pour ne pas dire osé.
Mgr
Duchesne admet, à propos des sept évêques qu’Adon indique à la
date du 15 mai avoir été envoyés en Espagne par les apôtres, que
sa notice « paraît empruntée au récit perdu des actes des
sept saints ». Pourquoi, se demande son contradicteur, « en
serait-il autrement quand il s’agit des saints missionnaires de la
Gaule ? » (BELLET (Charles-Félix), Les origines des Églises de France et les fastes épiscopaux, op. cit., p. 299)
Abondant
en ce sens, M. Mermet Aîné s’élève contre l’idée que nos
vieux chroniqueurs aient pu être conduits « à inventer
l’existence d’évêques antérieurs à saint Just [dont
l’épiscopat date de 350 environ]. Leur véracité est prouvée par
l’accord de toutes les versions, la concordance des époques, et
les vieilles liturgies, les antiques missels, dans lesquels on voit
l’office de saint Crescent et de saints Zacharie » (MERMET AINÉ, Chronique religieuse de la ville de Vienne (Dauphiné), op. cit. p. 10-11).
Et
ce d’autant qu’il est prouvé qu’Adon reproduisait fidèlement
« les textes qu’il avait sous les yeux » (LE BLANT (Edmond), Les actes des martyrs, supplément aux Acta sincera, de dom Reinart, Paris, 1882, p. 5-6).
Or, il faut savoir que le Martyrologium Fuldense (Cf. Analecta Bollandiana, t. 1, 1882, p. 9-48),
connu d’après un manuscrit de Leyde, du Xe siècle,
mais d’origine viennoise, à en juger par le nombre de saints
viennois qui y sont mentionnés, indique à la date du 29 décembre
Eodem die Crescentis… Pauli, avec une lacune dans le texte, mais
qui semble indiquer Crescens, disciple de l’apôtre Paul. Ce
document est sensiblement antérieur à la Chronique d’Adon aurait
donc pu être utilisé par lui pour rédiger sa propre nomenclature (Cf. BELLET (Charles-Félix), Les origines des Églises de France et les fastes épiscopaux, op. cit., p. 303-305).
Il
en ressort, selon Mgr Bellet, que l’identification de l’évêque
de Vienne avec le disciple de saint Paul était « en
circulation dans le pays » bien avant Adon. Et, par suite,
qu’il n’y a pas lieu de soupçonner celui-ci d’avoir « jugé
à propos d’antidater les fondateurs » de l’Église de
Vienne (BELLET (Charles-Félix), Les origines des Églises de France et les fastes épiscopaux, op. cit., p. 305).
Il
n’y aurait rien d’extraordinaire d’ailleurs de voir la mémoire
des saints fondateurs de l’Église de Vienne s’estomper quelque
peu étant donné que, comme les sept évêques réunis, en 567, au
deuxième concile de Tours l’écrivaient à la reine sainte
Radegonde, « quoique la Religion ait été prêchée dès sa
naissance dans les Gaules, elle fut embrassée de peu de
personnes » (SIRMOND (Jacques), Concilia antiqua Galliæ, Paris, 1629, t. I, p. 348).
Certes, nombre d’Églises se targuent d’avoir été engendrées
par des martyrs. Il s’agit d’une pieuse tradition, qui ne peut
guère être prouvée par des documents dignes de foi. Mais cela
n’altère en rien la réalité d’une évangélisation très
précoce de la Gaule, d’une première annonce de la foi qui n’a
pas trouvé d’encrage durable dans la population.
Parlant
de la cinquième persécution déclenchée en 177 par Marc-Aurèle
contre les chrétiens, Sulpice-Sévère, Gaulois de naissance, écrit
que « ce fut alors seulement qu’on vit dans les Gaule les
premiers martyrs, la religion ayant été reçue plus tard au-delà
des Alpes qu’ailleurs » (SULPICE SÉVÈRE, Abrégé de l’histoire sacrée, trad. nouv. Par l’abbé Paul, Lyon, 1805, p. 331-332).
Le lent établissement de la foi est affirmé aussi dans le récit de
la vie de saint Sernin premier évêque de Toulouse, mort martyr en
250. Ce texte, datant au plus tard de 450, rapporte que « c’était
le temps où, après la venue corporelle du Sauveur, le soleil même
de la justice, qui s’était levé dans les ténèbres, avait
commencé à illuminer de la splendeur de la foi la contrée de
l’Occident. Insensiblement et graduellement, la parole des
évangiles se répandit par toute la terre et, par un lent progrès,
la prédication des apôtres brilla dans nos régions » (« Passion de saint Sernin, évêque et martyr de Toulouse », 2, Actes et Passions des martyrs chrétiens des premiers siècles. Introduction, traduction et notes de P. Maraval, Paris, coll. « Sagesses chrétiennes », 2010, p. 181-190).
De
ces textes nous déduisons, non pas une évangélisation tardive,
mais, dans un premier temps, un accueil lent et limité de la foi
catholique en Gaule.
*
* *
L’étude
des origines de l’Église de Vienne nous a permis de confronter les
thèses en présence, celle de Mgr Louis Duchesne écartant de façon
assez catégorique tout apport apostolique, l’autre, celle défendue
par Mgr Bellet montrant au contraire qu’elle est tout à fait
plausible et que les arguments avancés contre l’origine
apostolique se heurtent à des raisons solides de penser le
contraire.
Il
ne fallait de toute façon pas s’attendre à un raisonnement
prouvant par A + B que saint Crescent et saint Zacharie sont bel et
bien les deux premiers évêques de Vienne. Une certitude en la
matière ne pourrait provenir que d’une série de documents digne
de foi remontant si possible à leu époque. Il est peu probable d’en
exhumer un jour. Que faut-il donc penser de ce débat sur les débuts
de l’évangélisation à Vienne ? Faut-il admettre une
christianisation tardive ? Devons-nous, au contraire la faire
remonter au Ier
siècle ? Rappelons-nous que l’évangélisation des campagnes
par saint Martin de Tours était restée superficielle, et qu’il a
fallu attendre l’arrivée des moines irlandais, au VIIIe siècle,
pour la reprendre en profondeur. Ne nous trouverions-nous pas ici en
présence d’un phénomène de même nature ? À savoir, une
annonce de l’Evangile qui serait le fait en premier lieu de saint
Crescent de sainte Zacharie, suivie d’une sorte de mise en
sourdine, avant une structuration durable de l’évêché de Vienne
au IIIe siècle.
C’est
somme toute l’hypothèse qui, au terme de cette étude, recueille
notre faveur. Si elle était avérée, il s’en suivrait que saint
Crescent aurait été le premier évêque de Vienne en 63 (Toujours selon LE LIÈVRE (Jean), « Symphorien Champis au traité qu’il a fait de Vienne, rapporte que du temps de S. Crescent la Cité de Vienne était très riche et opulente en tous biens » (Histoire de l’Antiquité et Saincteté de la Cité de Vienne, op. cit., p. 59),
et saint Zacharie le deuxième, en 68 (Cf. LE LIÈVRE (Jean), Histoire de l’Antiquité et Saincteté de la Cité de Vienne, op. cit., p. 17).
Moyennant quoi l’Église de Vienne présenterait la particularité
rarissime, sinon unique, de relever simultanément des « deux
colonnes » de l’Église que sont les apôtres Pierre et
Paul (Galates 2, 9),
« les
lumières du monde » (Origène, Comment. In Ioann. 1, 25),
selon
le qualificatif d’Origène, eux qui, comme Péguy le
décrit, « furent les premiers saints de la chrétienté, les
fondateurs, après Jésus, avec Jésus les fondateurs de toute
chrétienté » (PÉGUY (Charles), « Le mystère de la charité de Jeanne d’Arc », Œuvres poétiques complètes, Paris, Gallimard, Collection La Pléiade, 1975, p. 493).