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samedi 30 mars 2024

Le rôle des laïcs dans l’Église et dans le monde (1)

Si vous prenez l’autoroute A 24, au sortir de Rome, 118 kms plus loin vous arrivez à Abruzzo. À peine entrés dans la ville, vous êtes invités à vous rendre au sanctuaire de la Madonna dei Bisognosi. Ce sanctuaire conserve une grande fresque du jugement universel, bien conservée et restaurée. Elle est significative d’une certaine « idéologie ». Y sont représentés au paradis des sœurs, des clercs et des religieux ; au purgatoire et dans l’enfer, se trouvent des représentants de pratiquement tous les métiers et toutes les professions existant à l’époque.

Le code de droit canonique de 1917, c'est-à-dire la législation universelle de l’Église catholique, parlait d’une sainteté des clercs et des religieux plus grande que celle des laïcs

L’Église était divisée en Église docens – enseignante – et Église discens – enseignée. Les fidèles laïcs n’avaient qu’à obéir à la hiérarchie. Ils étaient considérés comme des chrétiens de seconde zone, inférieurs aux prêtres et aux religieux, et pouvant difficilement se sauver au milieu des récifs de l’océan du monde.

Le peuple chrétien semblait s’accommoder vaille que vaille d’une telle situation subordonnée, même s’il ne manquait pas de fidèles désireux de grandir en sainteté et souffrant de ce que leurs aspirations légitimes fussent bridées.

Cette perspective pessimiste, méfiante et méprisante à l’égard des laïcs, a été fort heureusement renversée par le concile Vatican II. Les pères conciliaires nous renvoyaient ainsi aux origines de l’Église où ces distinguos douteux n’étaient pas de mise.

Quelques auteurs ont préparé cette révolution copernicienne. Je me limiterai à évoquer ici l’apport de saint Josémaria, fondateur de l’Opus Dei, auprès de qui j’ai eu la grande grâce de vivre. Il a été souvent qualifié de pionnier du concile Vatican II.

En effet, il a redécouvert le sacerdoce commun de tous les fidèles, à savoir que, du fait de la réception du baptême, nous naissons tous également à la grâce, nous devenons tous identiquement enfants de Dieu, et nous sommes tous appelés à une même sainteté, la sainteté de Dieu. Autrement dit, en raison du baptême, il existe une égalité radicale de tous les fidèles. Tous possèdent les mêmes droits fondamentaux et les mêmes devoirs fondamentaux dans l’Église. Ce n’est qu’ultérieurement, par la réception d’un autre sacrement, le sacrement de l’ordre sacré, qu’une diversification fonctionnelle intervient. (lire la suite)Le sacerdoce ministériel, essentiellement  distinct du sacerdoce commun des fidèles, est à son service.

J’ai mentionné l’existence de droits et de devoirs fondamentaux des fidèles et des laïcs. Permettez-moi une incise. Reconnus et proclamés par le concile Vatican II, ils ont été repris dans la législation universelle de l’Église, avec une valeur constitutionnelle. Cela signifie que toute disposition prise par l’autorité ecclésiastique doit toujours tenir compte de ces droits et devoirs fondamentaux et les respecter. Et qu’ils s’imposent comme critère herméneutique à l’heure d’interpréter toute loi ecclésiastique.

 

Une sainteté unique

Tout baptisé est appelé à la sainteté, avons-nous dit. Il convient de préciser que, en toute logique, mais c’est ce qui avait été perdu de vue depuis des siècles, il n’existe qu’une sainteté, qu’un modèle : la sainteté de Dieu.

Certes, par notre lutte ascétique de tous les jours, nous ne parvenons pas tous au même degré de sainteté. Mais cela ne saurait dépendre de la condition de chacun : marié, célibataire, jeune ou âgé, laïc, prêtre ou membre de la vie consacrée, ni d’avoir embrassé tel métier plutôt que tel autre, de posséder une culture déterminée, etc. Notre sainteté est fonction de la générosité avec laquelle nous nous efforçons d’aimer Dieu tout au long de notre vie, avec l’aide de la grâce, et de notre rectification, chaque fois que nous avons fait fausse route, de nos demandes de pardon.

Nous pouvons illustrer ce fait par la remarque suivante de saint Josémaria. Qu’est-ce qui est le plus important, le travail d’un balayeur de rue ou celui d’un ministre ? Il répondait : Cela dépendra de la droiture d’intention avec laquelle chacun agit, de l’amour de Dieu qu’il met à réaliser son travail, de son esprit de sacrifice. Si le balayeur de rue met plus d’amour à accomplir sa tâche que le ministre, son travail a plus de valeur aux yeux de Dieu, et donc en vue de la vie éternelle. Nous suivons ici un critère qui n’est pas humain, mais surnaturel, celui du monde dans lequel notre baptême nous a introduit, celui dans lequel nous escomptons bien demeurer pour l’éternité.

Ce principe essentiel étant posé, nous pouvons nous interroger sur le rôle des laïcs dans l’Église.

 

La notion de laïc

Mais auparavant, il convient de préciser ce qu’il faut entendre par laïc, car une certaine confusion subsiste. Nous disposons à cet égard principalement du chapitre IV sur les laïcs de la constitution sur l’Église du concile Vatican II et de l’exhortation apostolique post-synodale de saint Jean-Paul II, Les fidèles laïcs du Christ, de 1988.

Nous lisons dans le texte conciliaire que, « sous le nom de laïc, on entend ici l’ensemble des chrétiens qui ne sont pas membres de l’ordre sacré et de l’état religieux sanctionné dans l’Église, c'est-à-dire les chrétiens qui, étant incorporés au Christ par le baptême, intégrés au peuple de Dieu, faits participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, exercent pour leur part, dans l’Église et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien ».

Il s’agit donc des baptisés tels qu’ils sortent des fonts baptismaux, des laïcs tout court, dont le statut n’a subi aucune modification par suite d’un engagement ultérieur, comme c’est le cas des membres ordonnés et de ceux qui embrassent la vie consacrée. Ce sont ceux qui exercent dans le monde la mission propre au peuple chrétien tout entier, sans qu’il leur soit besoin de recevoir une consécration ultérieure.

La constitution dogmatique précise ensuite que « le caractère séculier – c’est-à-dire le fait de vivre dans le monde – est le caractère propre et particulier des laïcs ». Les membres de l’ordre sacré vivent, certes, eux aussi, dans le monde, mais ils sont, « en raison de leur vocation particulière, principalement et expressément ordonnés au ministère sacré ». Quant aux fidèles qui appartiennent à la vie consacrée, « en vertu de leur état, [ils] attestent d’une manière éclatante et exceptionnelle que le monde ne peut se transfigurer et être offert à Dieu en dehors des Béatitudes ». Mais les laïcs se trouvent par vocation propre et par leur style de vie au milieu du monde au contact direct avec leurs semblables, égaux à eux.

Moyennant quoi, précise encore la constitution dogmatique sur l’Église, « la vocation propre des laïcs consiste à chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des affaires temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu ».)))