Evangélisation des Gaules au Ier siècle
Certains esprits daltoniens, passés maîtres dans la pratique de la « méthode Coué », se dressent avec une grande énergie et une assurance de mauvais aloi, contre, non seulement la réalité, mais l’idée même que l’Europe puisse avoir des racines chrétiennes. Cette origine lointaine du catholicisme en France « n’était pas du goût des Gallicans, et encore moins des Protestants », écrit l’auteur, qui ajoute : « Ce sont ces derniers historiquement qui, ne pouvant supporter l’origine apostolique du lien avec le Pape, du culte des reliques et de la dévotion de la Vierge, déplacèrent nos apôtres au troisième siècle, pour sauver leur Religion réformée. ».
L’on ne saurait
trop conseiller de lire attentivement les raisons avancées par l’abbé Étienne
Georges, reproduites ici dans l’introduction. Elles semblent emporter aisément
l’adhésion du lecteur et balayer les théories voulant dater l’évangélisation du
pays du IIIe siècle. Il semble invraisemblable, en effet, que la
Gaule ait pu rester en marge du processus d’évangélisation, alors que le pays
était largement connu, ne serait-ce que par La Guerre des Gaules, dont
César avait commencé la rédaction en 58 avant Jésus-Christ. Il y écrivait que
« presque tous les Gaulois s’appliquent avec autant de succès que de
persévérance à deux choses, qui sont l’art de la guerre et celui de la
parole ». Ce serait, en effet, faire injure aux apôtres et aux disciples
du Seigneur que d’imaginer qu’ils aient pu traiter la Gaule avec une telle légèreté
et faire ainsi une entorse non négligeable au commandement missionnaire laissé
par le Christ avant de remonter auprès de son Père. Quelle piètre idée des
apôtres recèle une telle conception de leur apostolat, poussé par ailleurs jusqu’en
Inde avec saint Thomas !
Il est courant,
certes, de situer le baptême de la France à celui de Clovis, vers 496. Toutefois, il faut remonter dans le temps,
sans nous fixer, redisons-le, au IIIe siècle, mais en allant bien
jusqu’à l’émergence du christianisme. C’est dire la valeur inestimable de cet
ouvrage, qui présente le mérite de remettre les pendules à l’heure. Comme
Monseigneur Gaume l’écrit, faisant parler la France : « Mon acte de
baptême date de l’époque écoulée entre la Croix du Calvaire et la ruine de
Jérusalem », qui intervient le 8 septembre 70.
L’auteur résume
brièvement la vie des divers acteurs de l’évangélisation de notre pays.
Défilent ainsi sous nos yeux émerveillés et reconnaissants une soixantaine de
personnages, sans compter leurs disciples, au nombre de quarante-cinq. Plus de
cent pionniers de la foi sont ainsi offerts à notre admiration. Beaucoup d’entre
eux seront des martyrs de la foi, se transformant parfois en céphalophores à
cette occasion.
Notre
étonnement grandit d’autant plus en découvrant que quinze d’entre d’eux
appartenaient au groupe des soixante-douze disciples que notre Seigneur a
envoyés dans les villes et les villages pour préparer sa venue, comme saint Luc
le rapporte dans son Évangile (10, 1-26).
L’auteur les
regroupe en raison de leur provenance : trente d’entre eux sont des
disciples de saint Pierre, cinq de saint Paul, douze des saints papes Lin et
Clément, un autre et ses compagnons du pape Anaclet. Les envoyés de Lin et de
Clément constituent une deuxième vague d’évangélisation qui concerne le
nord-ouest du pays. Seize d’entre eux figurent dans la fresque réalisée par Charles-Joseph
Lameire, pour l'église de La Madeleine, à Paris (Marie-Madeleine, Maximin,
Sidoine, Front, Georges, Austremoine, Marthe, Lazare, Marie Jacobé, Marie
Salomé, Marcelle, Trophime, Eutrope, Ursin, Julien et Denis). Ils sont moins
nombreux à être décrits dans la Légende dorée, de Jacques de Voragine
(Denis, Marthe, Martial, Marie-Madeleine).
Nous voudrions
pointer en passant un cas exceptionnel, celui du diocèse de Vienne, qui a vu se
succéder saint Crescent, disciple de saint Paul, et saint Zacharie, envoyé par
saint Pierre, les deux « colonnes de l’Église ».
Enfin, et ce
n’est pas la moindre des qualités de L’Évangélisation de la Gaule au Ier
siècle, le graphisme est particulièrement soigné, les illustrations
abondantes et toute une série de repères permettent de situer facilement chaque
évangélisateur dans son contexte.
La conclusion qui s’impose est que « s’il est vrai de dire que la France naquit dans le baptistère de Reims en 496, il faut ajouter aujourd’hui qu’elle fut conçue dès le premier siècle, par des disciples du Christ et des Apôtres. Ainsi notre histoire de France se trouve parfaitement connectée avec l’Évangile ».
Mgr Dominique Le Tourneau