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vendredi 24 octobre 2025

Evangélisation des Gaules au Ier siècle

    Préface à « Le Libre blanc de l’Évangélisation de la Gaule au Ier siècle. » Tel aurait pu être le titre de ce volume bref mais dense.
    Certains esprits daltoniens, passés maîtres dans la pratique de la « méthode Coué », se dressent avec une grande énergie et une assurance de mauvais aloi, contre, non seulement la réalité, mais l’idée même que l’Europe puisse avoir des racines chrétiennes. Cette origine lointaine du catholicisme en France « n’était pas du goût des Gallicans, et encore moins des Protestants », écrit l’auteur, qui ajoute : « Ce sont ces derniers historiquement qui, ne pouvant supporter l’origine apostolique du lien avec le Pape, du culte des reliques et de la dévotion de la Vierge, déplacèrent nos apôtres au troisième siècle, pour sauver leur Religion réformée. ».
    L’ouvrage que nous préfaçons est une explicitation sans appel des racines chrétiennes de la France. L’auteur cite les sources auxquelles il a puisé les informations qu’il livre au public. Certaines d’entre elles sont accessibles en format électronique. Il apporte une citation de saint Justin, de Sénèque, de saint Irénée, de Tertullien, de saint Zozime et de Bossuet. Il évoque également la présence de nombreux vestiges archéologiques à l’appui de sa présentation de l’antiquité de l’évangélisation de notre pays. Il exhume ainsi des maîtres spirituels confinés depuis longtemps dans les oubliettes.
    Une certaine historiographie répugne à reconnaître une évangélisation de la Gaule à l’aurore de l’apparition du christianisme. Elle exige des preuves « sonnantes et trébuchantes » impossibles à lui fournir. L’absence fréquente de documents d’origine authentifiant ce que nous qualifierions volontiers de « première évangélisation de la Gaule » ne doit cependant pas gommer celle-ci et l’ignorer. Si la préoccupation scientifique légitime honore les historiens, nous ne pouvons pas pour autant faire fi de la tradition séculaire de l’Église, de la piété populaire et de la pratique liturgique avalisée par les autorités ecclésiastiques. Que l’on songe, pour ne citer qu’un exemple, aux célébrations des Saintes-Maries de la Mer ou à celles de sainte Marie-Madeleine à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume.

L’on ne saurait trop conseiller de lire attentivement les raisons avancées par l’abbé Étienne Georges, reproduites ici dans l’introduction. Elles semblent emporter aisément l’adhésion du lecteur et balayer les théories voulant dater l’évangélisation du pays du IIIe siècle. Il semble invraisemblable, en effet, que la Gaule ait pu rester en marge du processus d’évangélisation, alors que le pays était largement connu, ne serait-ce que par La Guerre des Gaules, dont César avait commencé la rédaction en 58 avant Jésus-Christ. Il y écrivait que « presque tous les Gaulois s’appliquent avec autant de succès que de persévérance à deux choses, qui sont l’art de la guerre et celui de la parole ». Ce serait, en effet, faire injure aux apôtres et aux disciples du Seigneur que d’imaginer qu’ils aient pu traiter la Gaule avec une telle légèreté et faire ainsi une entorse non négligeable au commandement missionnaire laissé par le Christ avant de remonter auprès de son Père. Quelle piètre idée des apôtres recèle une telle conception de leur apostolat, poussé par ailleurs jusqu’en Inde avec saint Thomas !

Il est courant, certes, de situer le baptême de la France à celui de Clovis, vers 496.  Toutefois, il faut remonter dans le temps, sans nous fixer, redisons-le, au IIIe siècle, mais en allant bien jusqu’à l’émergence du christianisme. C’est dire la valeur inestimable de cet ouvrage, qui présente le mérite de remettre les pendules à l’heure. Comme Monseigneur Gaume l’écrit, faisant parler la France : « Mon acte de baptême date de l’époque écoulée entre la Croix du Calvaire et la ruine de Jérusalem », qui intervient le 8 septembre 70.

L’auteur résume brièvement la vie des divers acteurs de l’évangélisation de notre pays. Défilent ainsi sous nos yeux émerveillés et reconnaissants une soixantaine de personnages, sans compter leurs disciples, au nombre de quarante-cinq. Plus de cent pionniers de la foi sont ainsi offerts à notre admiration. Beaucoup d’entre eux seront des martyrs de la foi, se transformant parfois en céphalophores à cette occasion.

Notre étonnement grandit d’autant plus en découvrant que quinze d’entre d’eux appartenaient au groupe des soixante-douze disciples que notre Seigneur a envoyés dans les villes et les villages pour préparer sa venue, comme saint Luc le rapporte dans son Évangile (10, 1-26).

L’auteur les regroupe en raison de leur provenance : trente d’entre eux sont des disciples de saint Pierre, cinq de saint Paul, douze des saints papes Lin et Clément, un autre et ses compagnons du pape Anaclet. Les envoyés de Lin et de Clément constituent une deuxième vague d’évangélisation qui concerne le nord-ouest du pays. Seize d’entre eux figurent dans la fresque réalisée par Charles-Joseph Lameire, pour l'église de La Madeleine, à Paris (Marie-Madeleine, Maximin, Sidoine, Front, Georges, Austremoine, Marthe, Lazare, Marie Jacobé, Marie Salomé, Marcelle, Trophime, Eutrope, Ursin, Julien et Denis). Ils sont moins nombreux à être décrits dans la Légende dorée, de Jacques de Voragine (Denis, Marthe, Martial, Marie-Madeleine).

Nous voudrions pointer en passant un cas exceptionnel, celui du diocèse de Vienne, qui a vu se succéder saint Crescent, disciple de saint Paul, et saint Zacharie, envoyé par saint Pierre, les deux « colonnes de l’Église ».

Enfin, et ce n’est pas la moindre des qualités de L’Évangélisation de la Gaule au Ier siècle, le graphisme est particulièrement soigné, les illustrations abondantes et toute une série de repères permettent de situer facilement chaque évangélisateur dans son contexte.

La conclusion qui s’impose est que « s’il est vrai de dire que la France naquit dans le baptistère de Reims en 496, il faut ajouter aujourd’hui qu’elle fut conçue dès le premier siècle, par des disciples du Christ et des Apôtres. Ainsi notre histoire de France se trouve parfaitement connectée avec l’Évangile ».

Mgr Dominique Le Tourneau