Jeanne d’Arc vue par Mark Twain (1)
Seule, privée d’amis, ignorante, dans la fleur de l’âge, enchaînée, elle affronte, semaine après semaine, un aréopage de juges hostiles, déterminés à l’envoyer au bûcher, choisis parmi les cerveaux les plus instruits et les plus capables de France, et elle leur répond avec une sagesse innée qui tient leur érudition en échec et démonte leurs pièges. Sa naïve sagacité lui gagne, bien malgré eux,
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leur admiration et lui permet de remporter une victoire quotidienne contre une adversité impitoyable. Dans l’histoire intellectuelle de l’humanité, rein de semblable ne s’est jamais produit. Jeanne d’Arc reste unique par le simple fait que sa grandeur s’est manifestée sans l’aide du moindre enseignement, du moindre entraînement, de la moindre expérience propice et préparatoire. Nul ne peut lui être comparé. Tous les gens illustres se sont hissés aux sommets grâce à une atmosphère et à un entourage qui leu ont permis de révéler leur talent, de le nourrir, de l’exprimer. Il y eut, avant Jeanne, des généraux fort jeunes, mais ils étaient tous de sexe masculin, et ils avaient servi comme soldats avant d’être nommés généraux. La Pucelle, elle, débute sa carrière avec le garde de général ; elle commande la première armée qu’elle ait jamais vue ; elle la mène de victoire en victoire, sans perdre une seule bataille. Il y eut certes d’autres commandants en chef de talent, mais aucun n’avait son extrême jeunesse : Jeanne d’Arc reste le seul soldat au monde à avoir obtenu le commandement suprême de l’armée d’un pays à l’âge de dix-sept ans.
Mark Twain, Le roman de Jeanne d’Arc, Éditions du Rocher, 2001, p. 500.
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