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lundi 17 septembre 2007

Le travail le dimanche (2)

Le travail le dimanche (2)

Je termine ici les réflexions sur le travail le dimanche :
« On invoque enfin pour une exception immédiate à la règle de fermeture des magasins le dimanche, le prétexte de l’« accès aux biens et aux services culturels ». Notons que cette demande, à première vue, pourrait s’autoriser de la distinction entre « œuvres serviles » et « non serviles » établie par les moralistes catholiques du passé ! Les obligations culturelles relèveraient alors du genre (lire la suite) « non servile » et pourraient être accomplies le dimanche ! Il faut préciser ici que certains services culturels sont déjà offerts le dimanche : musées, cinémas, théâtres, concerts, vie associative, etc. Quant à « l’accès aux biens et aux services culturels » dont il est question dans le débat actuel, on peut toujours se demander qu’est-ce qui est « culturel » ? Acheter un livre ou le lire ? Acheter un disque ou l’écouter ? Il n’est pas indifférent, certes, d’aller dans une librairie ou chez un disquaire. Mais reconnaissons-le : ce geste n’a de portée que par les actes qui le suivent. Or lire, écrire, faire de la musique, participer à la vie associative, visiter sa ville ou son village, faire du sport, participer à la vie de l’Église… et tant d’autres activités, ne peuvent être assurées que par la sauvegarde d’un temps social libre et protégé. Pour garantir l’« accès aux biens et services culturels », les pouvoirs publics ont d’abord à respecter le temps socialement libre et protégé de notre tradition française : le dimanche.
La portée sociale du débat sur l’ouverture des commerces le dimanche contredit l’apparence d’indifférence et de neutralité politique et culturelle que revêt, à première vue, une telle question. Si une décision générale est prise pour notre société, celle-ci entrera dans une nouvelle phase de destructuration du temps social.
Si elle intervient, une telle mesure fera aussi toucher du doigt le risque d’absurdité de la décision de portée inverse, relative à la semaine continue du travail scolaire pour les écoliers et leurs éducateurs. En effet, pourquoi libérer les « week-ends » des enfants si cette mesure coïncide pour les parents avec des probabilités plus nombreuses de travailler précisément ces jours-là ?
Les chrétiens et les pasteurs ne peuvent pas ne pas s’interroger sur ce problème. À terme très rapproché, « le jour du Seigneur » sera encore moins « le jour du Seigneur ». Puis ce sera le tour des jours de fête, déjà bien mis à mal. Le temps social atteindra alors le degré maximum de sécularisation. Que nous ne disions rien et ne fassions rien n’est pas dans l’esprit de notre foi et de notre responsabilité. Certes, avec près de trois millions de chômeurs, notre pays ne connaît pas là son seul problème. Mais ce débat est un signe parmi d’autres de la dérive de notre société vers une liberté mal comprise, entraînant plus d’effets pervers que de bénéfices moraux, culturels et spirituels. »

Paru dans L'Aquitaine, 10 janvier 1992.

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