Arrêt sur christianisme (79)
Ni le subtil intellectualisme de la démythologisation ni le pragmatisme de l’aggiornamento [la mise à jour] n’arrivent à emporter la conviction. N’est-ce pas la preuve que cette déviation du scandale sur lesquelles ni théories ni recettes n’ont directement prise. En un certain sens, l’on saisit ici sur le vif l’originalité du scandale « chrétien », ce que l’on pourrait appeler le positivisme chrétien, le positivisme irréductible du christianisme. je veux dire : la foi chrétienne n’a pas seulement pour objet, comme on pourrait d’abord le supposer, ce qui est éternel et en vertu de son altérité resterait totalement en dehors de notre monde et en dehors du temps ; son objet immédiat, c’est plutôt le Dieu qui est entré dans l’histoire, Dieu fait homme. En paraissant ainsi combler le fossé entre l’éternel et le temporel, entre le visible et l’invisible, en nous faisant rencontrer Dieu comme un homme, l’Éternel comme un être soumis au temps, la foi se reconnait comme révélation. Sa prétention d’être révélation est fondée dans le fait qu’elle introduit pour ainsi dire l’Éternel dans notre monde : « Nul n’a jamais vu Dieu, le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître » (Jean 1, 18) ; il est devenu « exégèse » de Dieu, aurait-on presque envie de dire suivant l’expression grecque. Mais restons au mot allemand (
aus-legen = en-poser) que l’original nous autorise à prendre au pied de la lettre : Jésus a « ex-posé » Dieu, il l’a sorti de lui-même ; ou comme le dit Jean d’une manière encore plus frappante dans sa première Épître : « Il l’a donné à voir, à toucher, à tel point que Celui que personne n’ a jamais vu, nous pouvons maintenant le toucher de nos mains » (1 Jean 1, 1-3).
Joseph Ratzinger, La Foi chrétienne hier et aujourd’hui, Paris, Les Éditions du Cerf, 2005, p. 18.
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