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lundi 2 juin 2008

Saint Justin (2)

Saint Justin (2)

Ces deux œuvres - les deux Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus-Christ, le Logos, c'est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le « germe » et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des « germes de vérité », également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin, étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle (lire la suite) du Logos dans sa totalité, il en découle que « tout ce qui a été exprimé de beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens » (2 Apol. 13, 4). De cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en justifiant d'un point de vue rationnel la « prétention » de vérité et d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie grecque vise elle aussi au Christ et à l'Évangile, comme la partie tend à s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos. Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec confiance, comme à un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme « pionnier d'une rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un discernement prudent », car Justin, « tout en conservant même après sa conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec force et clarté qu'il avait trouvé dans le christianisme "la seule philosophie sûre et profitable » (Dialogue, 8, 1) » (Fides et ratio, n° 38).
Dans l'ensemble, la figure et l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Église antique pour la philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout compromis. Ils estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés d'« impiété » et d'« athéisme ». Justin en particulier, notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à l'égard de la religion païenne et de ses mythes, qu'il considérait comme des « fausses routes » diaboliques sur le chemin de la vérité. La philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique contre la religion païenne et ses faux mythes. « Notre philosophie... » : c'est ainsi, de la manière la plus explicite, qu'un autre apologiste contemporain de Justin, l'évêque Méliton de Sardes en vint à définir la nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).

(à suivre...)

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