Voir Dieu (5)
Or, « un monde sans Dieu est un monde sans justice » (Benoît XVI, encyclique
Spe salvi, 30 novembre 2007, n° 44). Voir Dieu a un prix, qui est de vivre sur terre « dans la justice et la sainteté tous les jours de notre vie » (Luc 1, 75). Certes, Dieu nous donne sa grâce à tout moment, et nous attire à lui de toutes les manières possibles – et il faut voir comme il est inventif ! – se servant parfois d’événements on ne peut plus minimes ou banals.
Mais la grâce n’annule pas la justice. Elle ne saurait s’exercer à son encontre. Car toutes deux ont Dieu pour auteur. Mieux encore, toutes deux sont Dieu. C’est pourquoi, comme le pape Benoît XVI l’explique, la grâce « ne change pas le tort en droit » (ibidem). Elle ne peut pas faire que ce qui est mal devienne un bien dans certaines circonstances (celles qui nous conviennent, bien évidemment). Cela ne peut jamais se produire. D’où l’on voit l’erreur crasse de ceux qui admettent la légitimité de ce qu’ils reconnaissent pourtant comme un mal, à certaines conditions, le relativisme moral contre lequel le bienheureux Jean-Paul II a dû s’élever dans son encyclique
Veritatis splendor (du 6 août 1993) sur la splendeur de la Vérité. Soit dit en passant, le titre est particulièrement bien choisi.
(lire la suite)
Benoît XVI poursuit son raisonnement et l’illustre en recourant à Dostoïevski et à Platon : la grâce « n’est pas une éponge qui efface tout, de sorte que tout ce qui s'est fait sur la terre finisse par avoir toujours la même valeur. Par exemple, dans son roman « Les frères Karamazov », Dostoïevski a protesté avec raison contre une telle typologie du ciel et de la grâce. À la fin, au banquet éternel, les méchants ne siégeront pas indistinctement à table à côté des victimes, comme si rien ne s'était passé. Je voudrais sur ce point citer un texte de Platon qui exprime un pressentiment du juste jugement qui, en grande partie, demeure vrai et salutaire, pour le chrétien aussi. Même avec des images mythologiques, qui cependant rendent la vérité avec une claire évidence, il dit qu'à la fin les âmes seront nues devant le juge. Alors ce qu'elles étaient dans l'histoire ne comptera plus, mais seulement ce qu'elles sont en vérité. ‘Souvent, mettant la main sur le Grand Roi ou sur quelque autre prince ou dynaste, il constate qu'il n'y a pas une seule partie de saine dans son âme, qu'elle est toute lacérée et ulcérée par les parjures et les injustices [...], que tout est déformé par les mensonges et la vanité, et que rien n'y est droit parce qu'elle a vécu hors de la vérité, que la licence enfin, la mollesse, l'orgueil, l'intempérance de sa conduite l'ont rempli de désordre et de laideur : à cette vue, Rhadamante l'envoie aussitôt déchue de ses droits, dans la prison, pour y subir les peines appropriées [...] ; quelquefois, il voit une autre âme, qu'il reconnaît comme ayant vécu saintement dans le commerce de la vérité. [...] Il en admire la beauté et l'envoie aux îles des Bienheureux » (Gorgias 525a-526c) » (encyclique Spe salvi, n° 44).
(à suivre…)
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