Voir Dieu (6)
Le désir que Moïse exprime à Dieu de le voir est on ne peut plus légitime, car la connaissance passe par la vision des choses et des êtres, et l’amour a besoin pour s’exprimer d’avoir une expérience sensible de l’être choyé. C’est une aspiration essentielle que Dieu a inscrite au tréfonds de notre être et que rien ne peut annihiler. Elle est indestructible, insubmersible, quoi qu’en prétendent ceux qui ont expulsé Dieu de leur vie. Nous savons instinctivement que nous sommes appelés à vivre avec Dieu éternellement. Il est logique que nous désirions le dévisager dès maintenant. La question de Philippe se comprend replacée dans ce contexte : « Seigneur, montre-nous le Père » (Jean 14, 8).
Jésus lui répond en lui ouvrant des horizons qu’il ne soupçonnait manifestement pas :
(lire la suite) « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père » (Jean 14, 9). Le Fils et le Père ne font qu’Un, ne sont qu’Un (cf. Jean 17, 21). Voir Dieu n’est donc pas reporté à une période ultérieure, plus faste que l’actuelle, quand nous serons délivrés des attaches terrestres. Nous le voyons dès à présent. Et nous comprenons qu’au Moyen-Âge les fidèles aient demandé à voir l’Hostie consacrée à la sainte messe, ce qui a donné lieu à la grande élévation du Corps et du Sang du Seigneur. Et les fidèles du Christ redécouvrent de nos jours le goût pour l’adoration, conscients qu’il y a là plus que quelqu’un, Jésus-Christ, Fils de Dieu, vrai Dieu et vrai Homme, notre Sauveur.
Montre-moi ton visage. Le visage de Dieu, c’est pour nous celui du Christ. En lui nous voyons le Père et le Saint-Esprit, un seul Dieu. Il est vain d’aller chercher ailleurs, d’attendre autre chose dans notre condition présente. « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : Montre-nous le Père ? » (Jean 14, 9). Notre joie est alors parfaite. Notre saine curiosité est satisfaite. À nous de ne pas perdre cette vision, en nous laissant éblouir par les miroirs aux alouettes de notre société de consommation, et de l’entretenir en ayant un véritable esprit d’adoration : « L’heure approche, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, ce sont de tels adorateurs que le Père demande » (Jean 4, 23). Voilà qui ne laisse pas de place à l’ambiguïté.
Ajoutons encore une considération tirée de ce que saint Augustin a fait remarquer à propos de la manne et du Pain de vie, et qui va dans le sens de ce que nous venons de dire.
(à suivre…)
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