L'arbitre anglais de rugby
L'arbitre anglais de rugby
Sans être un grand technicien du rugby ni connaître à fond la psychologie du sportif et encore moins le for intérieur d'un arbitre anglais, voilà comment je me représente l'âme d'un arbitre anglais : d'une part il a été élevé dans la conviction de base que le Français, frappé d'ignorance congénitale et incurable des règles du rugby, ne peut que chercher à faire valoir son génie bien connu de truqueur total ; d'autre part, (lire la suite) conviction non moins établie que n'importe quel joueur britannique se trouve placé de naissance et à jamais sous la garantie du fair-play qui est un postulat de fabrication anglaise entretenu par une publicité mondiale. Certes, la complicité des snobs continentaux n'est plus ce qu'elle était naguère et les zélateurs dudit ferplet ont un peu perdu de leur candeur, mais le préjugé est encore si tenace que, dans le jargon universel, gentleman a prévalu sur gentilhomme, chose dure à avaler pour le gentilhomme. J'admets que les Anglais jouant entre eux, puissent faire du fair-play et même qu'ils nous fassent envie par leur façon d'observer la loi du gang insulaire. Pour le reste, on sait assez de par le monde qu'il vaut mieux ne pas trop s'endormir sur la balançoire du fair-play.Pour en revenir à l'arbitre, je conçois aisément qu'au plus fort des mêlées, l'amour de la patrie vienne troubler son jugement. C'est humain, et je m'octroie en retour, au nom du même amour, la faiblesse de conspuer l'arbitre, et de lui demander à grands cris raison de son fair-play.
Jacques Perret, Cheveux sur la soupe.
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