La pêche miraculeuse (9)
La pêche miraculeuse (9)
Mais la scène ne s’arrête pas là, car, « quand ils eurent fini de déjeuner, Jésus dit à Simon-Pierre » (Jean 21, 15). Il a attendu patiemment que ses disciples se soient reposés et détendus. Il agit toujours avec doigté et délicatesse. Alors il demande à Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que tous ceux-ci ? » (Jean 21, 15). La question est un peu embarrassante, car il faut se prononcer devant les autres et répondre au risque de passer pour un prétentieux. C’est pourquoi Simon se montre prudent dans sa réponse. Jésus a utilisé le verbe agapaô, qui implique un amour total, complet, inconditionnel poussé jusqu’au don de soi absolu. Pierre, lui, répond par un phileô, qui ne traduit qu’un attachement d’amitié, plus imparfait donc, affectueux et confiant. (lire la suite)Evidemment, avec son passé, avec son passif, Pierre se sent incapable d’user de l’agapaô. Ce serait être en déphasage avec la réalité. Et même si le Seigneur l’invite à être audacieux, à viser plus haut, il ne s’en sent pas la force, du moins pas encore. Plus tard, sa vie sera un amour au sens le plus plénier du terme. Il pourra redire et répéter au Seigneur, dans sa prière fervente, avec une joie indescriptible : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que agapaô, tu sais bien que je t’aime à fond, de tout mon cœur, de tout mon esprit, et que, cette fois-ci, je suis prêt pour de bon à donner ma vie pour toi (cf. Jean 13, 37), parce que toi, tu as donné la tienne pour moi et pour nous tous. »
Mais pour l’instant, il doit se borner à dire : « Oui, Seigneur, lui dit-il, tu sais que je t’aime », au sens de phileô. « Il lui dit : « Pais mes agneaux. » Il lui redit pour la seconde fois : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » (Jean 21, 15-16). Jésus continue d’employer le verbe agapaô, mais ne demande plus à Pierre s’il l’aime « plus que les autres ». Il se contentera de l’entendre dire qu’il l’aime. L’apôtre apporte exactement la même réponse, en faisant appel au même verbe limitatif phileô : « Oui, Seigneur, lui dit-il, tu sais que je t’aime. » Il lui dit : « Pais mes brebis. » Il lui dit pour la troisième foi : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut attristé de ce qu’il lui eût dit une troisième fois : « M’aimes-tu ? » (Jean21, 16-17).
Il s’attriste parce qu’il a fini par comprendre où Jésus veut l’amener. Il a saisi que cette question par trois fois réitérée entend effacer son triple reniement. Et le souvenir si amer de ce triste épisode qu’il préférerait oublier, mais qui est encore frais d’une quinzaine de jours à peine. Il se rend peut-être aussi compte que Jésus a rabaissé son exigence et qu’il a employé cette fois-ci le même verbe que lui… Jésus se contentera du phileô…
(à suivre…)
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