Prière du soir à Marie
Prière du soir à Marie : « Encore
un de mes jours envolé comme une ombre… / Mère, encore un soleil qui ne brillera plus, / Et qu'il faut ajouter à la liste sans nombre / Des soleils et des jours à jamais disparus. / Je ne les compte point : Le chêne qui s'effeuille / Et qui pressent déjà le printemps approcher / Compte-t-il les rameaux que l'orage lui cueille / Pour les semer, de-ci, de-là, par le sentier ? / Sur le vaste océan la rapide hirondelle / Compte-t-elle, en partant chercher des jours plus beaux, / Les plumes que le vent arrache de son aile / Et qui s'en vont flotter sur le cristal des eaux ? / Moi je m'envole aussi vers une autre patrie, / Et j'espère un printemps qui doit durer toujours. / Mère, qu'importe donc que j'effeuille ma vie, / Qu'importent le grand vent, et l'orage, et mes jours ? / Et je viens à tes pieds finir cette journée / Pour que son souvenir, en renaissant parfois, / Soit un soleil d'hiver à mon âme fanée, / Quand je ne vivrai plus que des jours d'autrefois. / Mère, il fait bon prier devant ta douce image ! / Quand je suis à genoux, les yeux fixés sur toi, / Tu me parles, j'entends ton suave langage, / Puis, je me sens pleurer, et je ne sais pourquoi… / Je suis heureux pourtant… Quand je t'ai dit : Je t'aime, / Quand mon regard se lève et cherche ton regard ; / À travers le vitrail lorsque la lune blême / Nous éclaire tous deux de son rayon blafard ; / Quand tout s'endort au loin dans la morne nature, / Quand partout le silence avec l'ombre descend, / Mon âme alors vers toi monte, paisible, pure, / Et je sens le bonheur m'inonder doucement. / Mère, à mon dernier soir, semblable à la corolle / Qui s'incline vers toi, ce soir, sur ton autel, / Oh ! Tourner mon regard vers ta douce auréole, / Et m'endormir… dormir… sur ton sein maternel »
(Félix Anizan,
Les Roses de mon vieux jardin).
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