Le château du Niedeck : le joujou de la géante
Le château du Niedeck : le joujou de la géante
Une famille de géants résidaient au château de Niedeck. Ces beaux temps sont passés, le château est depuis longtemps ruiné, mais le peuple n’a pas oublié les faits de ses compatriotes d’autrefois, et parle encore de leur taille et de leur force extraordinaire. C’étaient, suivant la légende, des géants énormes qui se tenaient loin du commerce des habitants du voisinage ; étant d’un naturel doux, ils ne faisaient de mal à personne.Or, il arriva que la petite fille du propriétaire châtelain s’éloigna, tout en se promenant, plus qu’à l’ordinaire de Niedeck. La jeune géante porta ses pas dans la forêt voisine et arriva à une vaste étendue de champs et de prés. Elle y aperçut un paysan (lire la suite) avec son cheval et sa charrue. Ce fut une chose toute nouvelle pour la jeune fille ! Pendant quelques instants elle examina avec surprise cet homme labourant son champ. Pleine d’une joie enfantine à cet aspect, elle battit des mains. Les montagnes retentirent de sa joie bruyante, le bon laboureur s’arrêta tout effrayé, son cheval se cabra. « Quel joli joujou ! »s’écria la jeune géante ; avant que le campagnard sur d’où partaient ces paroles, la fille était déjà près de lui ; elle le ramassa, lui, son cheval et sa charrue avec tant de facilité, que si c’eut été un petit objet ciselé dans le Tyrol, et emporta le tout dans son tablier.
Toute joyeuse elle retourna chez son père au château. « Vois donc ! » s’écria-t-elle, toute heureuse, en posant sur la table le paysan avec sa charrue attelée, « vois donc quelles gentilles petites figures je viens de trouver ! un joujou vivant ! oh, j’en aurai plus de plaisir que de toutes mes poupées de cuir qui ne savent pas se mouvoir ! »
Mais le père répondit d’un air sévère : « Ma petite-fille, sais-tu bien ce que tu as fait, sais-tu ce que tu apportes ? Tu as enlevé le paysan de son champ, tu l’as arraché de son travail, lui le plus utile de tous les humains, lui qui ne craint ni soleil, ni pluie, ni vent pour forcer la terre à nous fournir ses fruits ! Sans ce que tu nommes un joujou, dans ton ignorance d’enfant, il n’y a de pain ni pour nous autres géants, ni pour l’humanité en général. Reporte donc bien vite l’homme avec son cheval et sa charrue ; et retiens une fois pour toutes : « Que celui qui se fait méchamment un jouet du paysan laborieux, s’attire la malédiction du ciel. » Et sur les ordres de son père, la fille du géant remit le laboureur avec l’attelage à l’endroit même d’où elle l’avait enlevé.
Légendes et traditions du Rhin de Bâle à Rotterdam par F. J. Kiefer, Mayence, chez David Kapp, 2e. éd. revue et augmentée, 1868, p. 19-20.
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