Un moyen de rajeunir
On dit que l’aigle, lorsqu’il a vieilli, ne peut prendre sa nourriture, parce que son bec s’est allongé outre mesure. La partie supérieure de son bec, qui se recourbe sur la partie inférieure, prend un accroissement excessif par l’effet de la vieillesse, de telle sorte que l’aigle en vient à ne plus pouvoir ouvrir le bec, parce que la partie supérieure est comme rivée au-dessus de la partie inférieure. Or, s’il n’y a aucun intervalle qui s’ouvre entre les deux, le bec ne peut plus faire, pour ainsi dire, office de ciseaux et donner à l’oiseau le moyen de de déchirer sa nourriture, pour la faire entrer dans son gosier. c’est pourquoi, la partie supérieure s’étant ainsi allongée et recourbée, l’oiseau ne peut plus ni ouvrir le bec ni saisir sa proie. Tel est chez lui l’effet de la vieillesse. (lire la suite)
Accablé par la faiblesse que donnent les années et privé de nourriture, il tombe dans une langueur extrême par suite de ces deux causes, l’âge et la faim. c’est pourquoi, tirant de son instinct naturel un moyen de se faire, en quelque sorte, dans une certaine mesure, une nouvelle jeunesse, l’aigle, dit-on, frappe et brise sur une pierre la partie supérieure de son bec, dont l’accroissement exagéré fermait l’entrée à la nourriture ; et en la brisant ainsi sur une pierre, il la fait tomber, et se délivre de ce fardeau qui faisait obstacle à tout aliment.
Aussitôt il se remet à manger et ses forces reviennent. De vieux qu’il était, le voilà comme un jeune aigle ; ses membres retrouvent de la vigueur, sa plume de l’éclat, ses ailes la force de voler ; il s’élève comme autrefois dans les aires, et il se fait en lui comme une sorte de résurrection. C’est là, en effet, que tend cette comparaison ; comme celle que l’on tire de la lune qui, après soin déclin et sa disparition, renaît et se remplit de nouveau, symbole de notre résurrection ; mais parvenue à son plein, elle décroît de nouveau, pour reproduire constamment le même symbole.
Il en est ainsi de ce que l’on dit de l’aigle ; son renouvellement de vie ne lui donne pas de ne point mourir, tandis que le nôtre nous assure la vie éternelle. Mais cette comparaison nous a été proposée pour nous apprendre que la pierre nous délivrera de tout obstacle. Ne présumez donc pas de vos forces. c’est la solidité de la pierre qui bris en vous le vieil homme. « Or la pierre, c’est le Christ » (1 Co 10, 4). notre jeunesse sera donc renouvelée dans le Christ comme celle de l’aigle.
Saint Augustin, Discours sur le psaume 102, 9.
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