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lundi 30 juin 2014

Remercier Dieu (7)

Remercier Dieu (7)

Et comme l’Apôtre l’affirme d’expérience, « si Dieu est avec nous, qui est contre nous ? » (Romains 8, 31). Nous avons en cela un autre motif d’action de grâces : la présence continuelle du Dieu Souverain non seulement dans le monde et marchant à côté de nous sur les chemins de la terre, mais prenant possession de notre âme, en état de grâce, et s’y installant comme chez lui. Parce qu’il est effectivement chez lui : « Tu es à moi » (Psaume 2, 7). Cette présence agissante de Dieu – « mon Père ne s’arrête pas de travailler, et je travaille moi aussi » (Jean 5, 17) – nous comble de joie. Nous ne sommes pas seuls, par conséquent, à devoir affronter les aléas de la vie. (lire la suite) Certes, bien des choses nous dépassent et nombre d’entre elles se présentent sous un jour douloureux. Mais nous avons avec nous celui qui essuie « les larmes de tous les visages (Isaïe 25, 8), celui grâce auquel tout devient possible parce qu’il « me rend fort » (Philippiens 4, 13), celui qui est à même de résoudre tous les problèmes et de dénouer les conflits, car le Seigneur « est vainqueur du monde » (Jean 16, 23). Prend alors tout son sens cette béatitude à première vue surprenante que Jésus a proclamée sur la Montagne, au pied de laquelle s’étale le lac de Génésareth : « Bienheureux soyez-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera et qu’on vous calomniera de toute manière à cause de moi ! Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux » (Matthieu 5, 11-12). Que notre nom soit inscrit dans les cieux, voilà une autre merveille ! Toutefois, nous ne disposons pas d’un « passeport pour l’éternité » qui nous assurerait une entrée automatique dans la cité sainte et la compagnie de tous les élus. Mais si nous luttons avec fidélité, jour après jour, et si nous laissons notre Dieu agir dans notre âme, alors notre nom est effectivement inscrit dans les cieux parce que, comme notre Seigneur l’a laissé entendre, il est allé nous préparer une place au ciel (cf. Jean 14, 3) auprès de son Père. Une place marquée à notre nom. La pensée du ciel est quelque chose de singulièrement réconfortant et enthousiasmant. Il n’y a nul égoïsme en cela, parce que cela correspond à la finalité pour laquelle Dieu nous a créés, et pour laquelle il nous a également recréés par son Fils. Cet objectif, qui se profile à l’horizon de notre vie terrestre, dont la durée nous échappe, nous fixe une ligne d’action positive, qui a quand même plus d’allure et de contenu, reconnaissons-le, que les biens poursuivis par ceux qui ne fixent leur existence qu’à notre monde matériel. Horizon étroit, mesquin, en plus d’être stupidement égoïste, parce que « pauvre fou ! Cette nuit même on va te redemander ton âme. Et ce que tu as préparé, qui l’aura ? » (Luc 12, 20). Avec tout ce qui a été dit jusqu’ici, nous comprenons la portée de cette oraison jaculatoire que formulait saint Josémaria, et qui est de lui sans être de lui, puisqu’elle s’est imposée dans son âme comme une locution divine : Ut in gratiarum semper actione maneamus, « demeurons toujours en action de grâces ». Et qu’il ait pu terminer sa vie en affirmant, le 25 mars 1975, à l’occasion de ses noces d’or dans le sacerdoce, et donc trois mois avant son rappel à Dieu : « Merci pour tout, Seigneur. Merci beaucoup ! Je t’ai remercié. Je t’ai habituellement remercié ! Avant de répéter maintenant le cri liturgique – gratias tibi, Deus, gratias tibi ! – je te le disais avec le cœur…, car je n’ai que des raisons de te remercier… La vie de chacun de nous doit être un cantique d’action de grâces…, remercier, ce qui est une obligation capitale. Ce n’est pas l’exigence du moment présent… C’est un devoir constant, une manifestation de vie surnaturelle, une façon humaine autant que divine de répondre à ton Amour, qui est divin et humain » (cité dans S. Bernal, Mgr Escriva de Balaguer, fondateur de l’Opus Dei, Paris, SOS, 1978, p. 397). (fin)

dimanche 29 juin 2014

Remercier Dieu (6)

Remercier Dieu (6)

Si Dieu est reconnaissant de notre reconnaissance et porté de ce fait à nous combler de nouvelles libéralités, à l’inverse l’ingratitude freine cette action bienfaisante, comme le souligne saint Bernard : « L’ingratitude est un vent brûlant qui tarit la source de la piété, qui dessèche la rosée de la miséricorde et qui arrête le courant des grâces » (st Bernard, cité par st Thomas, De Humanitate Iesu Christi Domini Nostri, art. 1). « Qui arrête le courant des grâces. » Cela est fort. C’est un effet identique à celui produit par l’orgueil. Et il est normal qu’il en soit ainsi, parce que l’ingratitude est viscéralement une conséquence de la superbe de celui (lire la suite) qui pense que tout lui est dû et qui s’attribue ses succès. « Apprenons donc, frères, à rendre grâces non seulement aux jours heureux, mais aussi aux mauvais jours. Car dans sa bonté notre Créateur s’est fait pour nous un Père ; il nourrit en nous des fils adoptifs qui hériteront du Royaume céleste. Or il ne refait pas seulement nos forces par ses dons, il nous forme aussi sous les coups de l’épreuve. Apprenons donc à avoir l’abondance, afin de partager avec les démunis tous les biens reçus de lui. Que l’abondance ne nous enorgueillisse pas, en félicitant d’avoir ce qui manque à autrui, et en se réjouissant non pas du bien commun, mais de son bien propre » (saint Grégoire le Grand, Homélies sur Ézéchiel, 2, 7, 17, introduction, traduction, notes et index par Charles Morel, s.j., coll. « Sources chrétiennes » n° 360, Paris, Les Éditions du Cerf, 1990, p. 363). Tout est grâce, encore une fois. Et saint Grégoire le Grand souligne dans cette homélie que Dieu nous forme, nous instruit et nous sanctifie même par ce que nous appelons les « coups du sort », c’est-à-dire du hasard. Or, ils n’ont rien de hasardeux. Comme dans le cas de Job, Dieu s’en sert pour nous refaçonner à son image et à sa ressemblance (cf. Genèse 1, 27). Il est bon de lui demander : » Rends-moi saint, mon Dieu, même si c'est à force de coups. Je ne veux pas être un obstacle à ta Volonté. Je veux répondre, je veux être généreux... Mais mon vouloir est-il sérieux ? » (Forge, n° 391). Toute la question est là : est-ce que je veux vraiment devenir saint selon les plans de Dieu. Mais, si nous l’avons demandé sincèrement, comment pourrions-nous nous en plaindre ensuite, quand Dieu aura répondu à notre invitation ? Si nous manifestons de la sorte notre désir profond de progresser réellement sur la voie de la sainteté, alors nous accueillons avec une joie intense toutes les situations qui surviennent. Aucune d’entre elles ne fera naître en nous des sentiments de rébellion ou de découragement, tout comme Job est resté inébranlable dans sa foi et son amour de Dieu, alors même que celui-ci donnait toute licence au démon pour le tenter dans ses biens et dans sa chair, sans avoir toutefois le pouvoir de toucher à son âme (cf. Job 2, 6). Nous découvrons ainsi que le fait de témoigner de notre reconnaissance envers Celui qui nous donne « la vie, le mouvement et l’être » (Actes 17, 28) est la source d’une paix intérieure, d’une sérénité et d’une joie à toute épreuve. Ceux qui se dressent contre nous, parce qu’ils ne supportent pas que nous appartenions au Christ et qui nous persécutent pour cette raison, deviennent, à leur insu et à leur corps défendant, nos bienfaiteurs, car ils nous font accélérer le pas vers Dieu ; ils nous aident à nous unir plus fortement au Christ souffrant et portant sa Croix tant pour nous que pour eux. « Qui pourra nous séparer de la charité du Christ ? » (Romains 8, 39). C’est une bonne question, excellente, qui traduit la profondeur de notre ancrage spirituel. Aucune rafale de vent, aucune tempête ne pourront arracher les pieux qui retiennent notre tente. Parce que « notre secours est dans le nom du Seigneur » (Psaume 124, 8), le Seigneur qui « est mon berger », auprès de qui « je ne manque de rien » et « ne crains aucun mal », car il est avec moi (Psaume 23, 1.4). (à suivre…)

vendredi 27 juin 2014

Remercier Dieu (5)

Remercier Dieu (5)

Se pourrait-il que nous n’ayons pas cette même politesse, que nous jugeons normale, de rigueur, envers Dieu notre Père ? Et qu’elle ne soit pas une marque permanente de notre vie, puisque Dieu ne se limite pas à nous venir en aide une fois ou l’autre, de temps à autre, mais de façon habituelle et permanente. Nous comprenons ainsi combien il est logique de passer sa vie entière à rendre grâces à Dieu. Encore une fois, Dieu attend notre reconnaissance. Il n’y a même rien à quoi il tienne tant, fait remarquer saint Jean Chrysostome. Il nous montre, en effet, qu’il convient de remercier notre Seigneur pour toute chose et en tout temps, (lire la suite) du premier au dernier moment de notre existence terrestre. Il met sous nos yeux pour cela l’exemple de Moïse : « Seigneur, je te rendrai hommage de tout mon cœur » (Ps 110/111, 1). Pourquoi ces mots « de tout » mon cœur ? C’est-à-dire avec tout le zèle possible, avec force, sans se préoccuper des soucis de cette vie, en élevant son âme à Dieu, en la tenant détachée des liens du corps. « De cœur », c’est-à-dire non pas seulement des paroles, de la langue et de la bouche, mais aussi de la pensée. C’est ainsi que Moïse, lorsqu’il formulait ses lois, a dit : « Tu chériras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur et de toute ton âme » (Dt 6, 5). Il me semble qu’ici hommage est synonyme d’action de grâces ; Je chanterai des hymnes, dit le prophète, je rendrai grâce au Seigneur. C’est à cela en effet qu’il a consacré sa vie entière, c’est par là qu’il débute, c’est par là qu’il finit : c’était sa préoccupation continuelle que de rendre grâce à Dieu tant pour les bienfaits qu’il en avait reçus que pour ceux qui avaient été accordés à d’autres hommes. Il n’y a rien à quoi Dieu tienne tant : c’est le sacrifice, c’est l’offrande qu’il préfère, c’est la marque d’une âme reconnaissante, et c’est un coup sensible porté au diable » (st Jean Chrysostome, Commentaire sur le psaume 110, 1). Ce Père de l’Église nous dit bien qu’il « n’y a rien à quoi Dieu tienne tant » et que ces remerciements sont un « coup sensible porté au diable », ce qui ne peut que nous inciter encore plus à aller dans cette voie. Puis le même saint Jean Bouche d’or nous fait considérer par quoi Job a mérité sa couronne de gloire. Il écrit à ce sujet que « le bienheureux Job a mérité sa couronne et sa gloire, parce qu’il ne se laissa point déconcerter par les nombreux malheurs dont il fut atteint, ni par les conseils pernicieux de sa femme, et qu’il persista à rendre grâces à Dieu pour tout ce qu’il faisait, et non seulement lorsqu’il était riche, mais encore au moment même où il était plongé dans la pauvreté ; non seulement alors qu’il était bien-portant, mais encore au moment même où il était frappé dans sa chair » (st Jean Chrysostome, Commentaire sur le psaume 110, 1). Tel sera également l’enseignement de saint Josémaria, le fondateur de l’Opus Dei, quand il énumère une série d’événements par lesquels nous sommes invités à remercier Dieu, liste qui veut manifester l’universalité de cette attitude attendue de Dieu : « Habitue-toi à élever ton cœur vers Dieu en action de grâces, et souvent dans la journée. — Parce qu’il te donne ceci ou cela. — Parce qu’on t’a humilié. — Parce que tu ne possèdes pas ce dont tu as besoin, ou parce que tu le possèdes. Parce que sa Mère, qui est aussi ta Mère, il l’a voulue si belle. — Parce qu’il a créé le soleil et la lune, et cet animal et cette plante. — Parce qu’il a donné à celui-ci d’être éloquent et à toi de bredouiller… Remercie-le de tout, parce que tout est bon » (Chemin, n° 268). (à suivre…)

jeudi 26 juin 2014

ête de saint Josémaria

Fête de saint Josémaria

Homélie pour la Saint-Josémaria prononcée en la cathédrale Notre-Dame de Grenoble L’Évangile que nous venons d’entendre nous parle d’un aspect de la vie chrétienne auquel tenait profondément saint Josémaria, le fondateur de l’Opus Dei, dont nous célébrons aujourd’hui la fête liturgique. Cet aspect, il la qualifié d’« unité de vie ». C’est-à-dire qu’il ne doit pas y avoir de compartiments étanches dans la vie du chrétien, du moins du chrétien cohérent avec la foi qu’il professe et qui reconnaît le grand don de la vie que Dieu le Père lui a fait. L’absence de cohérence se traduit par le fait de mener parallèlement la vie de rapports avec Dieu, la vie familiale, la vie professionnelle, la vie de loisirs, la vie sociale, etc., sans qu’elles se rencontrent. C’est-à-dire sans que la foi imprègne toutes nos activités. Saint Josémaria nous invitait à réfléchir à cette rupture par ce point de Chemin, le plus connu de ses ouvrages : « Laïcisme. Neutralité. — Vieux mythes que l’on essaie toujours de rajeunir. As-tu pris la peine de penser à quel point il est absurde de dépouiller sa qualité de catholique, en entrant à l’université ou dans un groupement professionnel, à l’académie ou au parlement, comme on laisse un pardessus au vestiaire ? » (n° 353). C’est pourtant ce que beaucoup font. Mais c’est effectivement absurde. Plus encore, c’est de l’ingratitude envers Dieu. C’est se comporter pour l’essentiel comme si nous n’étions devenus enfants de Dieu par notre baptême. C’est oublier la recommandation de l’Apôtre : « Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quelque autre chose que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Co 10, 31). Ce n’est donc « pas celui qui m’aura dit : "Seigneur, Seigneur !" qui entrera dans le royaume des cieux, mais celui qui aura fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux » (Mt 7, 21). Or, « ce que Dieu veut, c’est votre sanctification » (1 Th 4, 3), écrit Paul aux chrétiens de Thessalonique. Nous ne pouvons pas concevoir une sainteté au rabais, minimaliste, se contenant de concéder quelques miettes à Dieu : la messe dominicale, une prière par-ci par-là, notamment en cas de problème. Cela, ce n’est pas rechercher activement la sainteté, mais plutôt tranquilliser sa conscience et se moquer de Dieu. Notre foi doit tout imprégner. La difficulté que nous éprouvons à tout harmoniser dans notre existence si chargée, et notamment à faire une place à Dieu, disparaît si nous regardons la réalité en face : Dieu ne nous demande pas d’accomplir une multitude de tâches, dans la famille, le travail professionnel, la société, etc., et aussi de nous sanctifier. Non. Il nous invite à nous sanctifier dans les occupations familiales, professionnelles, sociales, de détente, etc., et à partir d’elles ; et il nous donne sa grâce pour y parvenir effectivement. C’est pourquoi saint Josémaria peut affirmer : « Pour l’apostolat, il n’y a aucun roc plus sûr que la filiation divine ; pour le travail, aucune source de sérénité en dehors de la filiation divine ; pour la vie de famille, aucune recette meilleure – et nous rendons ainsi la vie agréable aux autres – que de considérer notre filiation divine ; pour nos erreurs, bien que nous touchions du doigt nos misères personnelles, il n’y a pas de plus grande consolation ni de plus grande facilité, si tu veux vraiment aller chercher le pardon et la rectification, que la filiation divine. » C’est ainsi, en effet, que « quiconque donc entend ces paroles que je dis, et les met en pratique, sera semblable à un homme sensé, qui a bâti sa maison sur le roc » (Mt 7, 24). Ce roc est, nous venons de le dire, le sens aigu de la filiation divine. Dieu est mon Père ; il veut mon bien. Et, pour cela, il n’a pas hésité à envoyer son Fils unique prendre une chair semblable à la nôtre en tout hormis le péché (Hb 4, 15), afin de nous ouvrir les portes du ciel. Oui, la sainteté est accessible dans la vie de tous les jours. Mais il nous faut reconnaître cette présence aimante de Dieu dans notre vie. La sainteté est accessible parce que le germe de la sainteté est en nous : c’est, depuis notre baptême, la présence de la Très Sainte Trinité dans notre âme en état de grâce. Elle est accessible parce que le Fils de Dieu, Jésus-Christ, nous a dit : « Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14, 18) et il est resté dans les sacrements, notamment ceux de l’Eucharistie et de la réconciliation. La sainteté est à portée de la main parce que l’Esprit Consolateur est le Sanctificateur qui nous pousse à clamer : « Abba ! Père ! » (Rm 8, 15) et qui intercède lui-même auprès du Père en notre faveur par des gémissements ineffables ! (cf. Rm 8, 26). Que la Vierge Marie, la Toute Sainte, nous guide sur le chemin de notre vie et nous donne l’ambition de la sainteté, pour que nous sachions unifier notre vie tout entière sous le regard aimant de la Trinité Bienheureuse, Père, Fils et Saint-Esprit. Amen.

mercredi 25 juin 2014

Remercier Dieu (4)

Remercier Dieu (4)

L’attitude eucharistique en question est la suivante : « L’attitude de remerciement doit distinguer la vie de tout homme, de tout chrétien en particulier. Les paroles du psalmiste doivent devenir les nôtres, même dans les moments d’angoisse et de douleur : « Venez, poussons des cris de joie vers le Seigneur, acclamons le rocher de notre salut, présentons-nous devant lui avec des actions de grâces, acclamons-le par des chants de joie » (Psaume 65, 1-2). Dans ses épîtres, saint Paul insistait sur ce continuel esprit de reconnaissance : « En toute circonstance, soyons dans l’action de grâces. C’est la volonté de Dieu sur vous dans le Christ Jésus » (1 Thessaloniciens 5, 8). « Recherchez dans l’Esprit votre plénitude… En tout temps et à tout propos, rendez grâces à Dieu le Père, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ » (Éphésiens 5, 19-20). C’est une attitude « eucharistique » qui vous apporte la paix (lire la suite) et la sérénité dans le labeur, vous libère de tout attachement égoïste et individualiste, vous rend docile à la volonté du Très-Haut, même pour les exigences morales les plus difficiles, vous ouvre à la solidarité et à la charité universelle : elle vous fait aussi comprendre l’absolue nécessité de la prière et surtout de la vie eucharistique dans la fréquentation de la sainte messe, l’acte de remerciement par excellence, pour vivre et témoigner avec cohérence la propre foi chrétienne. Remercier veut dire croire, aimer, donner ! Et avec joie, généreusement » (Jean-Paul II, Homélie à la « Journée de remerciement » des agriculteurs, Rome, 9 novembre 1980). Le cas des dix lépreux n’est pas unique, parce que dès que la situation est rétablie, dès que la difficulté a disparu, dès que l’obstacle a été levé, l’homme oublie son bienfaiteur et se replonge dans son égoïsme et son autosuffisance : « Le résultat a été atteint. Ensuite, comme dit le proverbe italien : passato il pericolo, gabatto il santo (une fois le péril passé, tout le monde se moque du saint) (Charles de Gaulle, « Allocution au Congrès des étudiants R.P.F. », 7 mars 1949, Lettres, notes et carnets. 8 Mai 1945-18 Juin 1951, Paris, Plon, 1984, p. 343). Pourtant le cadre général de notre vie n’a subi aucune modification. Qu’il pleuve ou que le soleil brille, qu’il souffle un vent de tempête ou que le calme plat règne, nous sommes et nous restons essentiellement entre les mains de Dieu, dont la Providence admirable continue de nous gouverner avec une sagesse infinie. Par conséquent, les motifs subsistent intégralement pour manifester à notre grand Dieu notre reconnaissance pour tout ce que la vie nous réserve et nous dévoile progressivement grâce à lui et à la mesure de nos forces. Car tout est grâce. Tout est don divin. Les épreuves, y compris, comme les saints en sont bien conscients. Et si nous nous habituons à remercier filialement notre Dieu pour toute chose, pour tout événement agréable ou non aux yeux des hommes, pour toute rencontre, plaisante ou non, pour tout travail couronné de succès ou apportant une déconvenue, et ainsi de suite, en nous habituant donc à remercier Dieu en tout, notre vie est joyeuse, profondément heureuse, et rien ne peut venir altérer ce bonheur qui s’enracine dans notre condition d’enfant de Dieu. N’est-il pas vrai que les remerciements que l’on nous adresse pour un service que nous avons rendu nous font plaisir ? Et que nous restons sur notre faim s’ils ne viennent pas, même si peu importe, en définitive, que l’on nous remercie ou pas, car ce qui compte avant tout, c’est d’agir de façon désintéressée, pour la gloire de Dieu. Mais c’est affaire de politesse élémentaire, de bonne éducation. (à suivre…)

lundi 23 juin 2014

Remercier Dieu (3)

Remercier Dieu (3)

Un seul lépreux donc revient sur ses pas pour remercier le Seigneur Jésus de l’avoir guéri. Il est quand même étonnant de constater que quatre-vingt-dix pour cent de ceux qui ont été délivrés d’une affection aussi honteuse et socialement pénalisante que la lèpre se soient abstenus d’adopter une attitude élémentaire d’action de grâces. Des gens qui appartiennent tous au peuple élu de surcroît. Jésus manifeste son étonnement, peut-être aussi son dépit, nous faisant voir par là qu’il s’attendait à ce qu’ils revinssent à lui, à ce qu’ils manifestassent une certaine exubérance au vu de ce qui leur était arrivé. Eh bien ! Non ! Ils ne se soucient pas de celui (lire la suite) qui les a rétablis dans leur honorabilité et leur permet de reprendre une vie normale. Ils ne pensent qu’à leur avenir. Ils ont bien crié avec confiance : « Jésus, aie pitié de nous ! » Ils ont obtenu ce qu’ils voulaient. Jésus a eu effectivement pitié d’eux et a fait disparaître leur maladie honteuse comme d’un trait de plume. Et eux poursuivent leur petit bonhomme de chemin, indifférents à leur bienfaiteur ! Quant à nous, savons-nous remercier le Seigneur de nous guérir, non pas une fois, mais autant de fois qu’il le faut, d’une lèpre autrement plus laide, repoussante et dangereuse que celle de ces hommes, d’une lèpre qui devrait aussi nous mettre au ban de la société, la lèpre du péché ? Jésus a institué un sacrement merveilleux, délicieux, le sacrement par excellence de sa Bonté et de sa Miséricorde, qui a le pouvoir souverain de purifier notre âme de tous ses péchés. Le sacrement de la réconciliation – ou confession – est vraiment quelque chose d’extraordinaire et de profondément émouvant. Il est comme un bain de jouvence qui nous fait renaître à l’amour de Dieu, qui nous réintègre dans le cercle de ses intimes. Nous devrions bondir de joie après nous être confessés et aller nous prosterner nous aussi devant Jésus-Christ, c’est-à-dire venir nous agenouiller devant la tabernacle, où il est réellement présent, aussi vivant et actif que dans ce bourg des confins de la Samarie et de la Galilée. L’existence bienfaisante de ce sacrement et l’expérience que nous en faisons devraient constituer un de nos principaux motifs de joie et d’action de grâces tout au long de notre vie. Comme il est malheureux, et bien triste en même temps, que tant et tant de catholiques ignorent, délaissent, je n’ose pas dire méprisent, ce sacrement hautement salutaire – la « deuxième planche du salut » - par lequel nous parvient l’Amour fou de Dieu, cet Amour débordant qui l’a conduit au gibet de la Croix et qui continue de se manifester dans ces signes sensibles et efficaces de sa toute-puissance et de sa grâce que sont précisément les sacrements. Savoir gré à Dieu des dons qu’il nous octroie avec une telle libéralité et magnanimité, sans nous tenir rigueur de nos « écarts de conduite » répétés, est une « attitude eucharistique », nous dit le saint pape Jean-Paul II. (à suivre…)

samedi 21 juin 2014

Remercier Dieu (2)

Remercier Dieu (2)

Comment se fait-il que nous puissions être aussi indifférents à cette présence réelle, je souligne réelle, de notre Seigneur dans notre âme ? Ce n’est pas seulement une présence par la grâce, mais Jésus-Christ qui se trouve bien vivant en nous, avec son Corps, son Sang, son Âme et sa Divinité. Et nous nous comportons comme si nous l’ignorions. Disons-le-nous bien, « notre amour pour le Christ qui s’offre à nous, nous pousse à savoir trouver, à la fin de la Messe, quelques minutes pour une action de grâces personnelle, intime, qui prolonge dans le silence du cœur cette autre action de grâces qu’est l’Eucharistie » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 92). Que Dieu l’attende de fait est illustré, entre autres, par la scène suivante, prise sur le vif de la vie de notre Seigneur. (lire la suite) « Alors qu’il faisait route vers Jérusalem, il passa aux confins de la Samarie et de la Galilée. Et comme il entrait dans un bourg, il rencontra dix lépreux qui s’arrêtèrent à distance » (Luc 17, 11-12). Ils n’approchent pas, car, à l’époque, la lèpre était jugée particulièrement contagieuse et les dispositions concernant l’éloignement de ceux qui en étaient atteints de tout lieu habité étaient très strictes. Mais cela ne les empêche pas de désirer guérir de leur maladie. Et comme ils ont appris que Jésus de Nazareth, dont on ne se lasse pas de raconter les prodiges, va passer par chez eux, ils sont sortis à sa rencontre. « Ils lui dirent, en haussant la voix : ‘Jésus, ô Maître, aie pitié de nous !’ » (Luc 17, 13). C’est tout. Ils n’en disent pas plus. Ils ne demandent pas davantage, certains que ce Jésus les comprend et qu’il peut, qu’il va certainement faire quelque chose pour eux. Toutefois, ce jour-là le rabbi ne pose aucun geste spectaculaire. Il se contente de leur dire : « Allez vous montrer aux prêtres » (Luc 17, 14). Cela pouvait laisser sous-entendre qu’ils étaient guéris ou qu’ils allaient l’être dans un bref délai, guérison que les prêtres devaient constater. Or, « tandis qu’ils y allaient, ils furent guéris » (Luc 17, 14) effectivement. Mais c’est à ce moment que surgit un problème. En effet, « l’un d’eux, voyant qu’il avait recouvré la santé, revint en glorifiant Dieu à haute voix, et tomba à ses pieds la face contre terre, lui rendant grâces » (Luc 17, 15-16). Jésus le laisse faire. Il ne s’oppose pas à cette manifestation ostentatoire de la joie débordante et obligée de cet homme. Mais ce qui dramatise quelque peu la scène, c’est que, comme le précise saint Luc, il s’agit d’un Samaritain. Or, cela fait longtemps que « les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains » (Jean 4, 9), qui, pour eux, sont des hérétiques. Manifestement, le statut de lépreux permet de s’affranchir de cette coutume. C’est donc un non Juif qui a la finesse d’âme de retourner sur ses pas pour venir témoigner au Seigneur de sa gratitude. Jésus sait bien ce que sa toute-puissance a réalisé. Aussi demande-t-il : « Est-ce que les dix n'ont pas été guéris ? Et les neuf, où (sont-ils) ? Ne s'est-il trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir rendre gloire à Dieu ? » (Luc 17, 17-18). (à suivre…)

jeudi 19 juin 2014

Remercier Dieu (1)

Remercier Dieu (1)

Dieu attend que l’homme le remercie de tous les bienfaits dont il le comble sans interruption, avant même sa naissance. En effet, il nous a « élus en lui, dès avant la création du monde, pour que nous soyons saints et sans tache à ses yeux dans la charité » (Éphésiens 1, 4). C’est-à-dire que nous sommes présents, tout autant que nous sommes, de toute éternité à l’esprit et au cœur de notre Dieu Tout-Puissant et Miséricordieux. La portée de cette affirmation, que nous devons formuler, nous échappe, à un epsilon près. Elle est on ne peut plus véridique cependant. Le premier don que Dieu nous a fait est donc de penser continuellement à nous et de projeter éternellement de nous faire venir un jour à l’existence, à un moment précis de l’histoire éphémère de notre monde terrestre. Ce premier don est double en réalité (lire la suite), car il comporte la décision fermement arrêtée, évidemment éternelle elle aussi, d’envoyer son Fils unique Jésus-Christ nous racheter du péché, car, à l’heure où nous ferions notre apparition sur terre, notre nature humaine aurait été sérieusement gâtée par la désobéissance stupide et complètement irresponsable de nos premiers parents. Cela devrait nous suffire pour passer notre vie tout entière à remercier Dieu. Mais il sait bien, échaudé par l’expérience vécue avec Adam et Ève, que nous sommes facilement ingrats, et que nous nous attribuons avec désinvolture les bienfaits qui viennent de lui. Aussi, sans nous forcer la main – il s’en voudrait de nous imposer quoi que ce soit, lui qui est le parangon de la liberté, qui est la Liberté même – a-t-il prévu, en accord avec son Fils et avec son Esprit Saint, que la deuxième Personne de la Très Sainte Trinité s’incarnerait et que, tout en remontant au ciel au moment fixé, elle resterait sur terre sous la forme sacramentelle d’action de grâces par excellence qu’est la sainte Eucharistie. La sainte messe, mystère de la présence réelle de notre Seigneur Jésus-Christ, qui rend présent le Sacrifice du Calvaire, est la source et le sommet de toute la vie spirituelle du chrétien. Toute notre journée, avec chacun de ses événements, de ses activités, ou de ses rencontres, de ses joies et de ses déceptions, de sa fatigue et de ses loisirs, se donne rendez-vous en quelque sorte à la messe De la sorte, chaque jour qui passe n’est qu’une marque de reconnaissance sans solution de continuité. En instituant le Jeudi Saint ce sacrement dont l’essence est d’être une action de grâces rendue au Père en hommage pour toutes ses marques d’amour envers sa création, en particulier envers les hommes, Jésus-Christ manifeste à l’évidence que Dieu attend des remerciements. Des remerciements qui, si nous nous arrêtons à y penser quelques secondes, sont on ne peut plus logiques. Il est un point que nous devrions soigner beaucoup plus que nous ne le faisons, sur lequel nous devrions faire preuve d’une bien plus grande délicatesse envers le Seigneur. Je veux parler de l’action de grâces après la messe, après avoir reçu le Corps du Seigneur dans la sainte communion. Rares sont les fidèles qui y attachent de l’importance. Nous savons pourtant que l’hostie que nous avons reçue se dissout en nous environ dix minutes après l’avoir reçue. Certes, le prêtre observe en principe un bref temps de silence et de recueillement avant de prononcer la prière après la communion. Mais cet instant est largement insuffisant pour arriver aux dix minutes requises par l’amour. (à suivre…)

mardi 17 juin 2014

Le jugement particulier (6)

Le jugement particulier (6)

Ce n’est pas pour rien que l’Église a qualifiée aussi Notre Dame de « toute-puissance suppliante », signifiant par là qu’elle ne se contente pas d’intercéder, mais qu’elle supplie comme une bonne mère sait le faire, et qui souffrirait terriblement dans sa chair que son enfant soit condamné, quand bien même serait-il coupable. Et qui, de surcroît, intervient avec sa « toute-puissance » d’intercession, une puissance telle que Dieu ne peut rien lui refuser, car, soulignent les théologiens et les saints, elle n’a elle-même jamais nié à Dieu ce qu’il lui demandait, et qu’elle a accepté de devenir la Mère du Fils de Dieu devenant notre Rédempteur. Elle n’assiste pas au procès passivement. (lire la suite) Elle en connaît la mécanique et elle sait bien en quoi il consiste et ce sur quoi il peut déboucher : « Le Nouveau Testament parle du jugement principalement dans la perspective de la rencontre finale avec le Christ dans son second avènement, mais il affirme aussi à plusieurs reprises la rétribution immédiate après la mort de chacun en fonction de ses œuvres et de sa foi. La parabole du pauvre Lazare (cf. Lc 16, 22) et la parole du Christ en Croix au bon larron (cf. Lc 23, 43), ainsi que d’autres textes du Nouveau Testament (cf. 2 Co 5, 8 ; Ph 1, 23 ; He 9, 27 ; 12, 23) parlent d’une destinée ultime de l’âme (cf. Mt 16, 26) qui peut être différente pour les unes et pour les autres. Chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification, soit pour entrer immédiatement dans la béatitude du ciel, soit pour se damner immédiatement pour toujours » (Catéchisme de l’Église Catholique, nos 1021-1022 Mari ne veut pas que le diable gagne la partie. Alors elle intervient avec autorité. Sa plaidoirie est vraiment du grand art. Elle est sublime. Notre Dame fait feu de tout bois. Elle s’appuie sur le moindre indice en notre faveur. Elle se souvient de ce que nous n’avons cessé tout au long de notre vie de lui demander de prier pour nous à l’heure de notre mort (cf. Je vous salue Marie). Alors elle s’engage à fond dans notre défense. Et si d’aventure elle ne savait plus par quel bout prendre notre affaire, si la situation devenait dramatique pour nous, et que l’issue s’annonce fatale, Marie sortirait l’argument ultime et décisif, à même d’emporter la décision du tribunal, elle pèserait de tout son poids dans la balance, abattant sa carte maîtresse face à laquelle le juge se trouverait totalement désarmé : « C’est mon fils. Je veux qu’il soit avec moi ici, au paradis. » « Qu’il soit donc fait selon votre parole » (cf. Luc 1, 38), répondra notre Juge. Il frappe alors un coup de marteau sur la table et prononce le verdict : « Acquitté ! » à notre grand soulagement, et à la grande joie aussi de Marie, et de Dieu lui-même, tout heureux de s’être laissé faire par Marie, que saint Joseph approuvait en opinant du chef. Toute la société des saints se presse alors autour de nous pour nous féliciter et nous conduire dans une liesse indescriptible à notre place en la présence contemplative du Dieu trois fois Saint, où commence notre bonheur complet aussi bien qu’éternel. (fin)

dimanche 15 juin 2014

Le jugement particulier (5)

Le jugement particulier (5)

L’acte d’accusation sera lu par satan en personne, ou par le démon qu’il a chargé de s’occuper de nous, ce qui évidemment n’est pas fait pour nous rassurer. Sa présence est terrifiante, comme en témoigne Estelle Faguette, la voyante de Pellevoisin : « Dans la nuit du 15 au 16 février 1876, c’est-à-dire du lundi au mardi, j’étais très malade. Je ne sais trop ce que j’éprouvais ; si c’est du sommeil, je n’en sais rien. Je cherchais à me reposer, quand tout à coup apparut le diable au pied de mon lit. Oh ! Que j’avais peur. Il était horrible ; il me faisait des grimaces. À peine était-il arrivé que la sainte Vierge apparut de l’autre côté, dans le coin de mon lit. […] Ses grands yeux doux me remirent un peu, mais pas tout à fait, car le diable apercevant la sainte Vierge, il recula en tirant mon rideau et le fer de mon lit. Ma frayeur était abominable. Je me cramponnais à mon lit. Il ne parla pas, il tourna le dos. Alors la Vierge lui dit sèchement : « Que fais-tu là ? Ne vis-tu pas qu’elle porte ma livrée et celle de mon Fils ? » Il disparut en gesticulant. Alors elle se retourna vers moi et me dit doucement : « Ne crains rien, tu sais bien que tu es ma fille » (lire la suite) (M.-R. Vernet, La Vierge à Pellevoisin. Dieu au cœur d’une mère. Lecture théologique et spirituelle des documents, Paris, Téqui, 1995, p. 47). Le démon prendra un malin plaisir, un plaisir de Malin, à ne rien omettre de nos iniquités et à mélanger savamment le moins important avec le plus grave, et nous en sommes assommés, sonnés. À quoi s’ajoutent sans doute des surprises désagréables, inattendues, qui pourraient nous faire désespérer de nous en sortir, n’était la présence de Marie, notre Mère, dans le box de la défense… Et la lecture du deuxième document, qui nous permet de relever peu à peu la tête et de nous tourner vers Marie, qui est là, prête à nous défendre et qui, nous en sommes certains,saura trouver les mots justes, et dire tout le bien qu’elle pense de nous… Jésus-Christ est le témoin à charge. Il montre ses Plaies au fur et à mesure de l’énoncé des griefs qui nous sont légitimement reprochés. « Voici l’empreinte des clous et la plaie de mon côté » (cf. Jean 20, 25). Nous baissons la tête, car nous ne pouvons pas supporter la vue de ces blessures dont nous reconnaissons alors que nous en sommes les auteurs, et que, par nos péchés, nous sommes de ceux « qui viennent à tomber » et qui de ce fait, « pour leur compte, […] crucifient de nouveau le fils de Dieu et le mettent au pilori » (Hébreux 6, 6). Mais en même temps, notre Seigneur se tourne vers son Père à chaque fois, lui disant avec un regard plein de compassion : « Père, pardonne-lui, car il ne savait pas ce qu’il faisait » (cf. Luc 23, 34). Le moment où Notre Dame doit prendre la parole est venu. L’Église et, avec elle, ses fidèles, lui ont décerné le titre d’Advocata nostra, « notre Avocate ». Aucun avocat, fût-il près la Cour d’Assise et particulièrement brillant, n’a le talent, l’éloquence, la force d’argumentation, l’art de convaincre que cette Avocate, qui est aussi notre Mère. Nous avons en cela une différence de plus d’avec les procès que nous connaissons ici-bas. Car les membres de notre famille surnaturelle sont parties prenantes. Le Juge est notre Père et notre Avocate est notre Mère. Nous sommes entre personnes connues, en famille. Certes, nul ne cherche un arrangement qui lèserait la justice. Mais nous pouvons être assurés que la Sainte Vierge fera tout ce qu’elle peut pour nous tirer du guêpier dans lequel nous nous sommes fourvoyés volontairement. (à suivre…)

vendredi 13 juin 2014

Le jugement particulier (4)

Le jugement particulier (4)

Que Dieu veuille notre bien n’emporte pas que le procès sera bâclé ou biaisé. Tout à l’inverse. Tout jugement divin est un modèle du genre. Il n’existe pas sur terre de cause traitée avec autant de rigueur, avec une compétence semblable, avec un caractère aussi scientifique et rigoureux. Rien n’y est laissé de côté, rien n’est omis. Si, dans un procès humain, des zones d’ombre peuvent subsister, qui empêchent les juges, ou les jurés, de parvenir à l’intime conviction nécessaire pour trancher, au moins sur certains chefs d’accusation, il n’en va pas de même ici. Aucune obscurité n’est possible, car tout sera mis à plat, tout ce qui est le plus secret dans le cœur de l’homme,(lire la suite) et que notre Juge-Père voit (cf. Matthieu 6, 4.6.18) sera mis à jour et dévoilé et proclamé sur les toits (cf. Matthieu 10, 27). Il sera procédé à un examen minutieux et consciencieux de tous nos faits et gestes. Mais ici intervient une autre différence d’avec les procès de ce monde. Les tribunaux ne s’intéressent qu’à ce qui fait l’objet de la plainte. Ils ne prennent en compte que ce qui a trait à elle. Ils n’ont pas à juger en dehors des points qui leur sont soumis, sous peine de nullité de leur sentence. En revanche, notre jugement particulier, au terme de notre vie terrestre, ne se borne pas à un ou deux chefs, mais suppose un acte d’accusation volumineux et quasiment interminable reprenant tous nos délits par pensée, par parole, par action et aussi par omission. Il a pour contrepoids un autre acte qui, lui, énumère tout le bien que nous avons fait sciemment ou pas. S’applique ici au pied de la lettre la parabole du jugement dont l’importance est alors cruciale : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’ai été sans foyer, et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus me voir » (Matthieu 25, 35-36). Il faut donc procéder à l’examen de notre vie et nous demander : « Quelle est la qualité de ma confession ? Comment est-ce que je soigne tous les actes de ce sacrement : examen, douleur, résolution de ne plus recommencer, sincérité et clarté dans la confession, accomplissement de la pénitence ? » Nous devons reconnaître que nous manquons d’amour quand nous remettons à plus tard cette rencontre avec Dieu, qui nettoie la conscience et fortifie l’âme avec la grâce sacramentelle. Comment ne pas éprouver le besoin de recevoir toujours avec foi, avec douleur et diligence, et sans retard ce sacrement de la miséricorde divine ! Un examen de conscience quotidien, qui prépare ce « grand oral » qu’est notre jugement particulier, sachant qu’il existe un ennemi petit, sot, mais efficace, qui est le manque d’effort à s’examiner. Les moments d’examen qui ponctuent notre journée existent pour un motif d’efficacité. Si nous avons à un moment donné la tendance à être scrupuleux, l’examen doit être très bref et se ramener à quelques questions très simples, du genre : « Qu’ai-je fait de mal ? » pour en demander pardon au Seigneur. « Qu’ai-je fait de bien ? », pour l’en remercier. « Qu’aurai-je pu faire de mieux ? », afin de prendre une résolution concrète. Deux minutes, une demi minute suffira. Et l’examen particulier du point concret, de ce sur quoi nous nous sommes proposé de livrer la bataille à l’ennemi, afin que l’ennemi ne l’organise pas là où cela ne nous convient pas. Ce n’est pas pour autant que nous sommes pleinement confiants en comparaissant devant notre Juge souverain. (à suivre…)

mercredi 11 juin 2014

Le jugement particulier (3)

Le jugement particulier (3)

Nous avons en cela une première réalité réconfortante : nous serons tous traités pareillement. C’est en réalité une deuxième réalité réconfortante, car la première est évidemment que notre Juge est en même temps notre Père et qu’il ne peut pas faire taire ses entrailles paternelles : « Et notre père, avec une dureté feinte dans la voix et le visage sévère, nous a réprimandés…, alors même que son cœur était attendri ; il connaissait notre faiblesse, et pensait : pauvre enfant, comme il s’efforce de bien faire ! » (saint Josémaria, Chemin, n° 247). C’est dire que notre Juge est de notre côté. Il n’est pas un accusateur acharné, vindicatif, partisan à la Saint-Just. Non ! (lire la suite) Il est acquis à notre cause, parce qu’il a envoyé son Fils donner sa vie pour nous, afin que nous puissions nous sauver, sortir de la salle d’audience blancs et non noirs. « Je ne suis pas venu, non pour condamner le monde, mais pour le sauver » (Jean 12, 47). Dieu n’a pas envie de nous condamner ! Nous pourrions même aller jusqu’à dire qu’il n’a aucun intérêt à le faire. Et qu’il ne le fera que si nous l’y contraignons, que si nous nous condamnons nous-mêmes en refusant encore, au terme du procès, de nous laisser aimer par lui et de l’aimer. Toute la question se ramène en effet à cela. Comme saint Jean de la Croix l’affirmait, « à la fin du jour [c’est-à-dire de la vie], c’est sur l’amour qu’on vous examinera. Apprenez donc à aimer Dieu comme Il désire l’être et laissez là ce que vous êtes » (St Jean de la Croix, Les Maximes, 80). Partant de ce principe, nous pouvons être sûrs que Dieu fera tout son possible pour que nous soyons innocentés. Il n’est pas un juge austère, sévère, impitoyable : « J’ai dû sourire à vous entendre parler des « comptes » que vous demandera notre Seigneur. Non, pour vous tous, il ne sera pas un juge, au sens austère du mot. Il sera simplement Jésus. » — Ces mots, écrits par un saint évêque, qui ont consolé plus d’un cœur en tribulation, peuvent parfaitement consoler le tien » (saint Josémaria, Chemin, n° 168). C’est un juge bienveillant, mais éminemment juste, équitable, qui « rend à chacun selon ses œuvres » (Romains 2, 6), qui, en quelque sorte, accepte de se plier à notre volonté, de nous suivre dans notre décision. Une volonté qui peut s’opposer à la sienne. Quelle est-elle ? Ce que Dieu veut, c’est de pouvoir nous dire à la fin des débats : « C’est bien, serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton Maître » (Matthieu 25, 21). Comme saint Augustin le fait remarquer, « s’il menace de venir en qualité de juge, c’est pour ne trouver personne à punir quand il viendra. C’est pour cela que toutes les menaces des prophètes n’ont pas d’autre but que notre correction. Si Dieu voulait condamner, il se tairait. Personne, voulant en frapper une autre, ne lui dit : prend garde. Tout ce que l’Écriture nous fait entendre, mes frères, c’est la voix de Dieu qui nous dit : prends garde ; et tout ce que nous souffrons de tribulations en cette vie, c’est le fouet de Dieu qui veut nous corriger pour n’avoir pas finalement à nous damner » (Sermon 22, 4). Le même saint Augustin souligne à la fois la miséricorde et la justice de Dieu, dont l’une n’annule pas l’autre, mais la tempère seulement : « Par un effet de notre perversité nous voulons que Dieu soit miséricordieux et non pas juste ; d’autres, au contraire, trop confiant dans leur innocence, veulent que Dieu soit juste et non miséricordieux. Dieu se montre l’un et l’autre, ces deux attributs sont de son ressort ; la miséricorde n’empiète pas sur les droits de la justice et la justice ne supprime pas la miséricorde. Il est miséricordieux et juste. Comment prouvons-nous qu’il est miséricordieux ? Parce qu’il épargne aujourd’hui les pécheurs et donne le pardon à ceux qui s’accusent. Comment prouvons-nous qu’il est juste ? Parce qu’il viendra le jour du jugement. Dieu le diffère aujourd’hui, mais il ne le supprime pas, et quand ce jour sera venu, il rendra à chacun selon ses mérites » (Sermon 22, 5). (à suivre…)

samedi 7 juin 2014

Le jugement particulier (2)

Le jugement particulier (2)

Face à la justice divine, nous sommes tous égaux. Nous ne nous présentons pas avec les atours de nos fonctions terrestres ou en excipant de nos titres et de nos réalisations ni en cherchant des passe-droits. Nous sommes obligés de nous dépouiller de tout cela, comme le requérait le cérémonial des funérailles pour les souverains de l’empire austro-hongrois, dont voici le récit : Quand le cortège « arriva à la hauteur du caveau des Capucins, se déroula le cérémonial d’usage. Le maître des cérémonies, Heinz Haffner, frappe par trois fois au portail de l’église. Le père gardien demande, de l’intérieur : « Qui demande à entrer ? » Le cérémoniaire énumère alors les « grands titres » de sa Majesté : Impératrice Zita, (lire la suite) reine couronnée de Hongrie, reine de Bohême, de Dalmatie, de Croatie, Slavonie, Galicie, Lodomérie et Illyrie ; reine de Jérusalem ; archiduchesse d’Autriche, grande-duchesse de Toscane et de Cracovie ; duchesse de Lorraine, de Bar, de Salzbourg, Styrie, Carinthie, Ukraine et Bukovine ; Grande-duchesse de Siebenburgen, marquise de Moravie ; Duchesse de Haute et Basse-Silésie… Comtesse-princesse de Habsbourg et Tyrol… Marquise… Contesse de… Souveraine de Trieste… Grande-voïvode de la Voïvodine de Serbie ; Infante d’Espagne, princesse du Portugal et de Parme. Père Gardien : « Je ne connais pas. » Le cérémoniaire frappe trois fois au portail de l’église des Capucins. P. Gardien : « Qui demande à entrer ? » Cérémoniaire : « Zita, Sa Majesté l’Impératrice et reine. » P. Gardien : « Nous ne la connaissons pas. » Le cérémoniaire frappe encore trois fois au portail de l’église des Capucins : P. Gardien : « Qui demande à entrer ? » Cérémoniaire : « Zita, une créature mortelle et pécheresse. » P. Gardien : « Qu’elle entre » (Erich Feigl, Zita de Habsbourg. Mémoires d’un empire disparu, Paris, Criterion, 1991, p. 429-430). Face à Dieu, nous sommes tous égaux, tous ses enfants, et il ne fait pas de distinctions relevant de considérations humaines, qui ne sont pas de son ressort. Pour lui il n’existe qu’une seule race, celle de ses enfants, ce que soulignait saint Josémaria : « Il n’y a qu’une seule race sur la terre: la race des enfants de Dieu. Nous devons tous parler la même langue, celle que nous apprend notre Père qui est aux cieux: la langue du dialogue de Jésus avec son Père, la langue que l’on parle avec le cœur et avec la tête, celle dont vous vous servez en ce moment dans votre prière » (Quand le Christ passe, n° 13). (à suivre…)

jeudi 5 juin 2014

Le jugement particulier (1)

Le jugement particulier (1)

Le jugement qui sera prononcé sur chacun de nous – appelé pour cela jugement particulier – au soir de notre vie, quand nous quitterons ce monde, est un véritable jugement, tout en étant un procès divin, non un procès humain. Ce dernier n’a rien d’instantané. Il peut intervenir après de nombreuses années d’instruction et d’attente angoissante en prison, si le coupable présumé a été incarcéré. Il lui faut faire appel à un avocat – qui fait aussitôt verser une avance substantielle sur honoraires – ou à un groupe d’avocats, dans les affaires importantes et plus complexes. Il faut s’atteler à réunir le plus possible de preuves et de documents en sa faveur. L’on fait appel à tous les témoins qui acceptent de venir à la barre. (lire la suite) L’avocat prépare sa plaidoirie, ce qui peut prendre du temps si les actes du procès font plusieurs mètres linéaires… Un supplément d’enquête peut être ordonné. Dans certaines affaires, l’on se déplace sur les lieux pour y effectuer une reconstitution des faits. Et ainsi de suite. Il n’en va pas du tout de même pour notre comparution devant Dieu. Elle ressortit davantage au flagrant délit et à la procédure d’urgence. À ceci près qu’elle ne porte pas sur un fait délictuel qui vient d’être commis et qu’il convient de sanctionner au plus tôt, mais sur notre vie tout entière. L’image que nous nous faisons de la justice humaine est celle de personnages austères, d’une sentence couperet, même si des recours sont possibles. De la fragilité des décisions prises aussi. Que d’erreurs judiciaires au long des siècles ! Peut-être dues dans certains cas à la vénalité des juges. « Selon que vous serez puissants ou misérables, les jugements de cour vous rendront blancs ou noirs », constatait déjà Jean de La Fontaine, dans Les animaux malades de la peste. Devant cette justice-là, les gens simples sont désarmés et craintifs. (à suivre…)