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dimanche 28 décembre 2014

La Sainte Famille (5)

La Sainte Famille (5)

Quand Jésus atteint l’âge de douze ans accomplis, il monte pour la première fois en pèlerinage à la Ville Sainte, où il sera tellement heureux de se trouver dans la maison de son Père qu’il y restera trois jours ! Sa joie devait être incommensurable, indescriptible. Que voulait-il voir de plus grand, de plus consolant, de plus réconfortant que d’être pleinement chez soi ? Notre Seigneur déclarera un jour : « En vérité, en vérité, je vous le dis : le Fils ne peut rien faire de lui-même qu’il ne le voie faire au Père » (Jean 5, 19). (lire la suite) Avec un tel modèle sous les yeux, il m’est difficile de ne pas m’efforcer d’en faire autant. Mais je suis soumis à des forces centripètes. Heureusement, Marie et Joseph me saisissent de nouveau par la main, si j’ai cessé de lutter, et me ramènent à mon Jésus, en me suggérant une fois de plus de lui faire le cadeau de ma vie, de mes recommencements, car la vie consiste à commencer et à recommencer sans cesse : « Voilà justement ce que doit être ta vie intérieure : commencer… et recommencer » (saint Josémaria, Chemin, n° 292). Et, en même temps, « c’est toujours par Marie que l’on va et que l’on « revient » à Jésus » (saint Josémaria, Ibid., n° 495). Adressons à la Sainte Famille « notre humble prière d’enfants. Notre langue et notre palais se rempliront alors de lait et de miel ; et ce sera pour nous un délice de parler du Royaume de Dieu, royaume de liberté, de cette liberté qu’il nous à gagnée » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 179). Un très grand bonheur, car le foyer de Nazareth est une école de vertus, la meilleure école pour apprendre l’ensemble des vertus. En effet, la vie que nous y menons est une « vie de louange, comme la Vierge en donne l’exemple dans le Magnificat (Luc 1, 46-55). Une vie de piété, comme le montre leur pèlerinage à Jérusalem et leur fidèle accomplissement de la Loi de Moïse (Luc 2-22-24.39 et 2, 41). Une vie d’obéissance et d’humilité, comme l’indique la soumission du Fils de Dieu à ses parents (Luc 2, 51). Dans la Sainte Famille, « le plus grand se fait serviteur » (Marc 10, 43) ; l’obéissance est à rebours de la dignité des êtres : le Fils de Dieu est soumis à l’Immaculée qui est soumise à l’homme juste. Une vie de service aimant, comme le suggère l’empressement de la Vierge à servir sa cousine (Luc 1, 39). Une vie de prière et de méditation, car « Marie conservait toutes ces choses et les méditait dans son cœur » (Luc 2, 19.51). Une vie pauvre, comme l’indique l’offrande de deux tourterelles prévues pour les personnes de peu de ressources (Luc 2, 24). Une vie d’épreuves qui les mènera comme une famille émigrée à gagner l’Égypte (Matthieu 2, 14). Une vie de labeur dans l’atelier du charpentier (Marc 6, 3). Une vie de foi surtout, car malgré les avertissements célestes dont ils avaient été les bénéficiaires, Marie et Joseph ne cheminaient pas dans la claire vision (2 Corinthiens 5, 7) mais bien dans l’obscurité de notre condition terrestre (Guillaume de Menthière, Je vous salue Marie. L'art de la prière, Paris, Mame-Edifa, 2003, p. 109). (fin)

samedi 27 décembre 2014

La Sainte Famille (4)

La Sainte Famille (4)

Puisque je suis membre de la Sainte Famille, ce n’est pas par pour rien. Cela doit imprimer sa marque à mon existence, avoir des conséquences visibles et opératives. Et celle-là est principale et essentielle. Celle qui conditionne tout le reste et imprime une orientation décisive à toute notre vie, pour toute la vie : se donner à Dieu. Ou bien nous nous donnons à Dieu, et nous menons une vie naturelle et surnaturelle, ou bien nous refusons de le faire et nous nous gardons égoïstement pour nous-mêmes, et nous végétons en attendant de devoir être rejetés in fine par le Seigneur : « Vous vous prendrez à dire : ‘Nous avons mangé et bu sous tes yeux, et tu as enseigné dans nos rues.’ Mais il dira : ‘Je vous dis que je ne sais d’où vous êtes. Écartez-vous de moi, vous tous, fauteurs d’iniquité » (Luc 13, 26-27). « Serviteur mauvais et paresseux ! […] Il te fallait mettre mon argent chez les banquiers et, à mon retour, j’aurais récupéré mon bien avec un intérêt » (Matthieu 25, 26-27). J’étais en droit de l’attendre. Tout homme un tantinet responsable, qui sort de lui-même et s’arrête à réfléchir deux secondes, aurait eu ce réflexe sensé. (lire la suite) Le foyer de Nazareth est la forge dans laquelle on apprend à ne pas vivre chacun pour soi, mais pour les autres par amour de Dieu. Marie et, avec elle, la Sainte Famille, « font entrer de plein pied la vie courante de travail, de prière, de service dans la grande épopée de la Rédemption. Toute l’activité de chaque jour, y compris ce qui semble petit, voire insignifiant, est assumé par Dieu, qui lui attribue une place de choix dans le plan divin du Salut et de la sanctification (bx Alvaro del Portillo, Lettre du 2 février 1979, n° 8, citée par D. Le Tourneau, « La piété mariale chez Álvaro del Portillo », Vir fidelis multum laudabitur. Nel centenario della nascita di Mons. Álvaro del Portillo, a cura di P. Gefaell, Rome, Pontificia Università della Santa Croce, vol. 2, 2014, p. ). Et, dans ce « paquet » du don de soi, se trouve incluse ma volonté propre, mon moi. Contemplant Jésus qui « était soumis » à Marie et à Joseph (Luc 2, 51), c’est-à-dire qui leur obéissait, j’apprends à obéir à mon tour à la Volonté de Dieu, qui est plus sainte que toute autre. Qui s’impose naturellement et surnaturellement à moi. Comment Jésus se comporte-t-il ? Il se soumet aux lois naturelles, en venant au monde comme n’importe quelle autre créature humaine, alors qu’il est Dieu immense et infini ; et il vit dans une famille identique à bien des familles de l’Israël de son temps. Il observe les lois positives : c’est à la suite de la promulgation d’un édit de César Auguste ordonnant un « recensement de tout l’univers » (Luc 2, 1) qu’il naît à Bethléem, accomplissant ainsi la prophétie selon laquelle « et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es nullement la moindre parmi les villes principales de Juda. C’est de toi, en effet, que sortira le chef qui mènera paître Israël, son peuple » (Matthieu 2, 6) ; au huitième jour de sa naissance, il est présenté au Temple et ses parents offrent pour le rachat de leur premier-né – lui qui est venu nous racheter de nos péchés ! ce qui est un comble quand on y pense ; mais ils ne veulent se singulariser en rien – selon ce que la Loi prévoit pour des gens de condition modeste, deux colombes ou une paire de tourterelles (Luc 2, 24) (à suivre…)

vendredi 26 décembre 2014

La Sainte Famille (3)

La Sainte Famille (3)

« Formons une couronne autour de la Sainte Vierge qui a donné la vie humaine dans la nuit de la naissance de Dieu ! Entourons la Sainte Famille ! » (Jean-Paul II, Message de Noël, 25 décembre 1980). Disons-leur que nous les aimons, que nous nous mettons volontiers, de tout cœur à leur service, s’ils le veulent bien. Et que nous ferons de notre mieux, tout en étant conscients de nos énormes limites. Pour l’heure, moi, ne possédant rien de tout ce que ces grands personnages ont remis à mon doux Jésus, totalement dépourvu de richesse personnelle, (lire la suite) je n’ai même pas un morceau de pain à offrir à mon Jésus. Je trouverai bien, en fouillant dans mes poches, un caillou ramassé parce qu’il brillait au soleil, un bout de laine vermillon qui était en trop, un morceau de bois… Mais Jésus n’en a que faire, cela ne lui servira à rien. Mais c’est tout mon trésor. Mais cela, Marie et Joseph le savent fort bien : je suis un tout petit. C’est donc qu’ils pensent à autre chose. Évidemment, ils pourraient me donner quelques piécettes pour que je fasse l’aumône et que j’apprenne la générosité. C’est ce que l’on raconte de Sacha Guitry : Enfant, il accompagne son père en promenade. Voit un mendiant aveugle et va lui donner une pièce. Son père le reprend : ce que tu as fait n’est pas bien, car tu n’as pas souri. - Mais il est aveugle ! - Ça ne fait rien. Qui sait si ce n’est pas un faux aveugle ! Mais Jésus n’a pas davantage besoin de cela. Si je n’ai rien à donner et que je dois faire un geste en faveur de Jésus, c’est que je dois donner ce que je possède le plus en propre, de plus précieux, à savoir moi-même. Et je comprends que c’est justement ce que ses parents ont fait avec leur Enfant. C’est comme cela qu’ils ont agi. Ils lui ont fait le don de leur personne, sans rien garder pour eux, sans se réserver quoi que ce soit. Ils ont pris le parti de renoncer à eux-mêmes, à toute gloire humaine (et les qualités dont Dieu les avait dotés leur auraient permis de l’acquérir sans nul doute très facilement, à moindres frais), à tout succès terrestre, pour l’aimer de tout leur cœur, de toute leur âme et de tout leur esprit (cf. Matthieu 22, 36). Or, « l’amour authentique n’est ni un sentiment vague, ni une passion aveugle. C’est une attitude intérieure qui engage tout l’être humain. C’est un regard posé sur l’autre non pour s’en servir, mais pour le servir. C’est la capacité de se réjouir avec qui se réjouit et de souffrir avec qui souffre. C’est un partage de tout ce que l’on possède, afin que personne ne soit privé du nécessaire. L’amour, en un mot, est don de soi » (Jean-Paul II, 13 février 1994). (à suivre…)

jeudi 25 décembre 2014

La Sainte Famille (2)

La Sainte Famille (2)

Au contact de Marie et de Joseph nous découvrons comment nous pouvons nous occuper dans nos diverses activités sans nous séparer mentalement et affectivement de Jésus, en tâchant de ne pas le perdre du regard, et en revenant souvent physiquement auprès de lui, pour le dévorer des yeux, pour laisser notre cœur s’enflammer d’amour et protester de notre désir sincère de nous mettre pleinement à sa disposition, corps et biens, de le servir par tout ce que nous faisons afin de, comme lui, rendre gloire à son Père. Notre vie ne peut avoir d’objectif plus élevé, ni meilleur. Un objectif qui sollicite ce qu’il y a de plus noble en nous, qui nous fait être nous-mêmes de façon plus accomplie. (lire la suite) Évidemment, je peux lâcher les mains qui me tiennent, pour aller courir dernière un papillon qui passe ou cueillir une fleurette, ou, hélas, pour aller faire des bêtises. L’on racontait dans ma famille d’un garçonnet, qui n’avait pas même trois ans, que, sous l’occupation allemande, sa nounou ayant rencontré dans la rue une amie, lui lâcha la main. Et le voilà parti à l’aventure, déambulant seul dans les rues de Paris, où des soldats vêtus de vert de gris faisaient résonner les pavés de leurs pas cadencés. Heureusement, le petit bout de pomme portait une gourmette et une bonne âme, émue de voir ce bambin circuler tout seul en de telles circonstances l’avait ramené au domicile paternel. Celui-ci était déjà en émoi, car la nounou, ayant tout à coup pris conscience de son étourderie, était venue en larmes confesser son erreur et expliquer la situation dramatique qu’elle avait contribué à créer par son insouciance… Ce ne sont pas Marie et Joseph qui agiraient avec une telle légèreté. D’autant qu’ils connaissent bien les dangers auxquels nous sommes exposés, autrement terribles que ceux que les Germains nous firent subir, car il s’agit des embûches du démon qui, « tel un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui dévorer » (1 Pierre 5, 8). Et un enfant sans défense est une proie facile pour l’infernal ennemi irréductible de notre âme. Heureusement Marie et Joseph sont bien avec nous. Alors ils nous suggèrent de faire un cadeau à Jésus. Ils nous racontent, pour nous y encourager, que, dans la nuit de Noël, c’est-à-dire quelques heures à peine après la naissance de notre Sauveur, des bergers, qui gardaient leurs troupeaux dans les environs de Bethléem, prévenus par un ange qu’il leur était « né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur, qui est le Christ Seigneur » (Luc 2, 11), sont venus en hâte l’adorer et lui ont remis en signe de reconnaissance ce qu’ils avaient de mieux sur place, dans la simplicité de leur vie : du fromage et du lait. Et que, plus tard, dans un grand apparat cette fois, montés sur des dromadaires et accompagnés par une suite de serviteurs, de grands savants, des gens très érudits, étaient arrivés du lointain Orient pour adorer à leur tour notre Seigneur, et qu’ils avaient déballé leurs cadeaux en accord avec leur condition : « de l’or, de l’encens et de la myrrhe » (Matthieu 2, 11). (à suivre…)

mercredi 24 décembre 2014

La Sainte Famille (1)

La Sainte Famille (1)

C’est tardivement que l’iconographie chrétienne représente la scène de la Nativité du Seigneur en plaçant Marie et Joseph, agenouillés, de part et d’autre de l’Enfant couché dans la mangeoire sur de la paille, notamment après les révélations de Marie à sainte Brigitte de Suède (1303-73), comme dans le retable de Sully. Auparavant, l’on montrait Marie en gésine, Maria in Wochenbett, alitée et venant d’accoucher. De par notre baptême, nous sommes devenus enfants de Dieu et, à ce titre, nous faisons partie de la Sainte Famille, (lire la suite) comme saint Josémaria aimait à le souligner. Nous en sommes membres à part entière et de plein droit, car frères du Fils Premier-Né de Dieu venu parmi nous. Et comme, « auprès de Dieu qui est éternel, tu es un enfant plus petit qu’un petiot de deux ans auprès de toi » (saint Josémaria, Chemin, n° 860), nous avons besoin de l’aide de la Vierge Marie et du père nourricier du Sauveur. Ils nous prennent tous deux par la main, chacun à notre tour, pour nous mener à Jésus, nous placer en sa présence. Et, se prosternant devant lui, ils nous apprennent à l’adorer, à lui faire l’hommage de tout notre être, de toute notre vie. Ils nous enseignent les rudiments d’une piété à la fois élémentaire et bien sentie. Ils nous initient à ce qui est l’attitude première requise d’une créature envers son Auteur : l’adoration. Adoration qui est la meilleure affirmation de notre moi, car le Seigneur Tout-Puissant nous a créés précisément pour accomplir cette finalité, de sorte que nous puissions être appelés enfants de Dieu et exister vraiment en tant que tels. Que Marie, « saluée par l’Église dans la litanie de Lorette comme Vas insignæ devotionis, nous enseigne à adorer Dieu « en esprit et en vérité » (Jean 4, 23) et à nous ouvrir avec un cœur doux et accueillant à ceux qui sont ses fils et donc des frères. Nous le lui demandons avec les paroles du « Salve Regina » : « … O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria ! » (Jean-Paul II, Angélus, 28 mai 1989). Marie et Joseph nous font comprendre à qui nous avons affaire : le Fils de Dieu en Personne, appelé Jésus, conformément aux instructions de l’ange à Joseph, « car il sauvera son peuple de ses péchés » (Matthieu 1, 21), et Emmanuel, c’est-à-dire « Dieu avec nous » (Matthieu 1, 23). Ils nous montrent tout le respect et la vénération que nous devons lui porter et que, si nous voulons lui faire plaisir et, par voie de conséquence, les rendre eux aussi heureux, nous n’avons qu’une chose à faire, l’imiter en ce que sa « nourriture est de faire la volonté de Celui qui [l’]a envoyé » (Jean 4, 34), et rien d’autre. Aucun autre objectif d’ailleurs ne pourrait répondre à sa perfection et à son identification à son Père : « Je ne fais rien par moi-même » (Jean 5, 30). (à suivre…)

lundi 1 décembre 2014

L'ordre

L'ordre

L’ordre consiste à nous mettre dans la position prescrite à l’homme pour satisfaire à la fin en vue de quoi Dieu l’a créé. Or, Dieu a créé l’homme non en vue de lui-même, mais pour aimer et servir Dieu qui l’a créé. Quand il fait cela, c’est-à-dire quand il a appris à connaître Dieu par la foi et le servir par l’obéissance, il s’est pacé dans l’ordre et il réalise les conditions nécessaires pour que Dieu vienne à lui. Chacun de son côté a fait la moitié du chemin. La vérité et la miséricorde se sont rencontrées, la justice et l’amour se sont donnés le baiser de paix (Ps 84, 11). Si tu détournes ton pied du sabbat, dit Isaïe, c’est-à-dire si tu considères cette vie qui t’a été donnée, le chemin que tu as à y faire, comme au sein de ce jour qui m’a été tout entier consacré, « si tu cesses de faire ta volonté dans mon jour saint, et tu l’appelles un sabbat exquis, le jour saint et glorieux du Seigneur, et si tu le glorifies en ne faisant pas ta propre voie, et si ta volonté personnelle n’y est pas trouvée : alors tu te délecteras sur ton Seigneur, et je t’élèverai au-dessus des hauteurs de la terre, et je te nourrirai de l’héritage de Jacob ton père. Alors la lumière fera irruption comme le matin, et la santé devancera ton attente, et la justice précèdera ta face et la gloire de Dieu te réunira » (c’est-à-dire que tu cesseras d’être dispersé de tous côtés en toutes sortes de pensées, de désirs et d’imaginations inutiles). Paul Claudel, « Lettre à Madame d’A. », 14 mai 1932, dans Toi, qui est-tu ? (Tu, quis es ?), Paris, Gallimard, 58e éd., 1941, p. 93-94.

dimanche 30 novembre 2014

Année de la vie consacrée

Année de la vie consacrée

Le pape François inaugure aujourd'hui l'Année de la vie consacrée, qui s'achèvera par un synode sur le sujet. Je rappelle la parution récente du Vade mecum de la vie consacrée, qui pourra être utile dans ce contexte. « Cet instrument de travail et de consultation devrait rendre le droit plus proche des fidèles concernés. On peut émettre le souhait qu’il contribue à démonter les affects anti juridiques ou anti institutionnels qui constituent encore un obstacle à l’épanouissement et à la croissance des communautés. La vie consacrée est une vie donnée au Seigneur, un signe du Royaume à venir déjà présent dans notre monde. Elle doit resplendir par la netteté de sa profession des conseils évangéliques et de sa participation à la mission de l’Église. La norme canonique, qui a pour suprême critère le salut des âmes, est le garant du respect des droits de chacun et du respect du charisme propre à chaque institut de vie consacrée » (Mgr Roland Minnerath, archevêque de Dijon, Président du Conseil pour les questions canoniques de la Conférence des évêques de France). Ce Vade mecum, rédigé sous forme de questions-réponses est conçu avant tout à l’intention des religieuses, afin de mettre à leur disposition sous une forme pratique l’ensemble des dispositions gouvernant la vie consacrée, qu’il s’agisse des canons du Code de droit canonique de 1983 ou des documents publiés depuis par la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique. Mgr Dominique Le Tourneau Vade mecum de la vie consacrée Traditions Monastiques, septembre 2014 www.traditions-monastiques.com 35 euros

vendredi 28 novembre 2014

Le progrès véritable

Le progrès véritable

Un agnostique des plus connus me demandait naguère si je pensais que l’humanité progressait, régressait ou ne changeait pas. Tranquillement certain que son énoncé couvrait toutes les possibilités, il ne voyait pas qu’il parlait en termes abstraits, en homme de système insoucieux de l’histoire. Je lui demandai à mon tour, s’il pensait que M. Smith progressait, régressait ou ne changeait pas entre sa trentième et sa quarantième année. Il parut alors frappé par cette idée lumineuse que cela dépendait principalement de M. Smith et de ce qu’il décisait. Jusqu’à ce moment précis, mon interlocuteur ne s’était pas avisé que l’humanité avait un pouvoir de décision, que sa course n’était pas une trajectoire rectiligne, ascendante ou descendante, mais ressemblait plutôt à celle d’un homme qui se promène dans une vallée, s’arrête, repart, entre dans une église ou tombe ivre mort dans un fossé. La vie de l’homme est une histoire pleine d’aventures. Et la même chose est vraie, dit notre vision, de l’histoire de Dieu. G. K. Chesterton, L’Homme éternel, Bouère, DDM, 3e éd., 1999, p. 263-264, chap. « La clé de la prison ».

mercredi 26 novembre 2014

Les bienfaits de la patience

Les bienfaits de la patience

La patience, c’est ce qui nous procure la vertu et nous garde pour Dieu. La patience tempère la colère, freine la langue, redresse la pensée, garde la paix, règle les normes de vie, rompt l’élan de la concupiscnece, réprime la violence de l’orgueil, éteint le feu de la haine. […] Elle nous rend humbles dans la prospérité, forts dans l’adversité et doux dans les mensonges et les outrages. Elle enseigne à pardonner immédiatement à ceux qui font le mal ; et elle porte ceux qui ont péché à prier beaucoup et longtemps. La patience vainc les tentations, accueille les tribulations et supporte jusqu’au bout les souffrances et le martyre. C’est elle qui donne un fondement des plus sûrs à notre foi, elle qui porte notre espérance à ses sommets. C’est elle qui dirige nos actes pour que nous puissions nous maintenir sur le chemin du Christ, tandis que nous avançons avec son aide ; c’est elle, enfin, qui nous fait persévérer comme enfants de Dieu. Saint Cyprien, De bono patientiæ 20.

lundi 24 novembre 2014

Primauté de Rome

Primauté de Rome

Je ne reconnais, moi, l’importance centrale de la chaire de Rome que dans le sens où elle était reconnue par saint Maxime le Confesseur et par saint Théodore Studite. Voici ce que dit saint Maxime le Confesseur : jusqu’aux confins de l’univers et partout sur la terre, tous ceux qui confessent notre Seigneur impeccablement et en termes orthodoxes, lèvent les yeux sur la très sainte Église des Romains, la contemplant comme un soleil de lumière éternelle, contemplant a confession et sa foi, recevant d’elle la lumière brillante et éclatante des dogmes sacrés hérités des Pères. […] Car, dès le début même, depuis qu’est descendu vers nous le Verbe de Dieu Incarné, toutes les Église chrétiennes, partout, ont accepté et tiennent / cette Église romaine ; la plus grande parmi les Églises, comme une forteresse unique, solide et ferme, comme le fondement qui, selon la promesse du Sauveur, ne sera jamais ébranlé par les portes de l’Enfer, comme possédant les clefs de la foi orthodoxe en lui et de sa Confession. Soloviev, La grande controverse, 1883, trad. française Paris, 1953, p. 79, cité dans Maxime le Confesseur. La charité avenir du divin de l’homme par Juan Miguel Garrigues, préface de M.-J. Le Guillou, Paris, Beauchesne, 1976, p. 18-19.

samedi 22 novembre 2014

Islam : son succès

Islam : son Succès

Le byzantinisme, qui a été en principe hostile au progrès chrétien, qui a voulu réduire toute la religion à un fait accompli, à une formule dogmatique, et à une cérémonie liturgique, cet anti-christianisme caché sous un masque orthodoxe a dû succomber dans son impuissance morale devant l’anti-christianisme franc et honnête de l’islam. Il est curieux de constater que la nouvelle religion avec son dogme fataliste, est apparue juste au moment où l’empereur Héraclius inventait l’héréise monothélite, c’est-à-dire la négation masquée de la liberté et de l’énergie humaines. On voulait par cet arifice consolider la religion officielle, ramener à l’unité l’Égypte et l’Asie. Mais l’Égypte et l’Asie préférèrent l’affirmation arabe à l’expédient byzantin. Si l’on ne tenait pas compte du long travail anti-chrétien du Bas-Empire, il n’y aurait rien de plus surprenant que la facilité de la conquête musulmane. Cinq années suffirent pour réduire à une existence archéologique trois grands patriarcats de l’Église orientale. Il n’y avait pas de conversions à faire, il n’y avait qu’un vieux voile à déchirer. Soloviev, La Russie et l’Église universelle, 1889, trad. française, Paris, 5e éd., 1922, p. L, cité dans Maxime le Confesseur. La charité avenir du divin de l’homme par Juan Miguel Garrigues, préface de M.-J. Le Guillou, Paris, Beauchesne, 1976, p. 16.

jeudi 20 novembre 2014

Histoire et Evangile

Histoire et Evangile

La pratique de l’histoire m’a aidée à mieux comprendre l’Église, et donc à mieux comprendre comment la foi est à l’œuvre dans le monde ; inversement, les exigences de vérité qu’il y a dans l’Évangile m’ont guidée et encouragée dans ma pratique d’historienne. Un de nos professeurs aux Chartes, Léon Levillain, nous donnait l’Évangile comme exemplaire du point de vue de l’historien. Quatre témoins dont deux sont des témoins oculaires, rapportent les mêmes faits et gestes, avec des petites divergences de l’un à l’autre. Ces divergences, qui témoignent de la personnalité différente de chacun d’eux – Matthieu, un Juif très pénétré des traditions bibliques, Luc, cultivé, qui présente les faits avec un certain raffinement, Marc plus simple, un peu abrupt dans ses exposés, tandis que Jean déclare dès le début son intention de compléter les récits des autres – prouvent qu’il ne peut s’agir d’un texte simplement répété ou recopié de l’un à l’autre, et que nous nous trouvons bien en présence de quatre sources authentiques L’Évangile, loin de s’opposer à la recherche de la vérité, en fait une condition de la foi. Pour l’historien chrétien, faire intervenir abusivement ses convictions religieuses, en dissimulant ou en déformant les faits lorsqu’ils gênent, ce serait non seulement un manquement à l’objectivité, mais aussi un manque de foi. […] // Si j’étais disposée dès l’enfance à accepter les vérités de la foi, je crois en revanche que j’aurais résolument rejeté l’Église, une fois arrivée à l’âge adulte, si je n’avais pas fait l’École des chartes. C’est au contact avec l’Église des temps médiévaux – celle qui a interdit de tuer les petites filles à la naissance, fait disparaître l’esclavage, créé les hôpitaux et le droit d’asile – qui m’a conduite à l’accepter malgré ses graves fautes ultérieures et l’indignité de beaucoup de ses membres. L’Église loui-quatorzième avec sa hiérarchie et les ors de la chapelle de Versailles ne doit pas faire oublier la vraie société des baptisés, vivante et chaleureuse, qu’elle était au temps des églises romanes. On si très bien dans les documents comment l’évolution s’est faite, de Charles VII au fatal concordat de 1516, qui a livré l’Église au pouvoir temporel. R. Pernoud, Villa Paradis, Paris, Stock, 1992, p. 275-276.

mardi 18 novembre 2014

Evangile et Histoire

Evangile et Histoire

La pratique de l’histoire m’a aidée à mieux comprendre l’Église, et donc à mieux comprendre comment la foi est à l’œuvre dans le monde ; inversement, les exigences de vérité qu’il y a dans l’Évangile m’ont guidée et encouragée dans ma pratique d’historienne. Un de nos professeurs aux Chartes, Léon Levillain, nous donnait l’Évangile comme exemplaire du point de vue de l’historien. Quatre témoins dont deux sont des témoins oculaires, rapportent les mêmes faits et gestes, avec des petites divergences de l’un à l’autre. Ces divergences, qui témoignent de la personnalité différente de chacun d’eux (lire la suite) – Matthieu, un Juif très pénétré des traditions bibliques, Luc, cultivé, qui présente les faits avec un certain raffinement, Marc plus simple, un peu abrupt dans ses exposés, tandis que Jean déclare dès le début son intention de compléter les récits des autres – prouvent qu’il ne peut s’agir d’un texte simplement répété ou recopié de l’un à l’autre, et que nous nous trouvons bien en présence de quatre sources authentiques / L’Évangile, loin de s’opposer à la recherche de la vérité, en fait une condition de la foi. Pour l’historien chrétien, faire intervenir abusivement ses convictions religieuses, en dissimulant ou en déformant les faits lorsqu’ils gênent, ce serait non seulement un manquement à l’objectivité, mais aussi un manque de foi. […] // Si j’étais disposée dès l’enfance à accepter les vérités de la foi, je crois en revanche que j’aurais résolument rejeté l’Église, une fois arrivée à l’âge adulte, si je n’avais pas fait l’École des chartes. C’est au contact avec l’Église des temps médiévaux – celle qui a interdit de tuer les petites filles à la naissance, fait disparaître l’esclavage, créé les hôpitaux et le droit d’asile – qui m’a conduite à l’accepter malgré ses graves fautes ultérieures et l’indignité de beaucoup de ses membres. L’Église loui-quatorzième avec sa hiérarchie et els ors de la chapelle de Versailles ne doit pas faire oublier la vraie société des baptisés, vivante et chaleureuse, qu’elle était au temps des églises romanes. On si très bien dans les documents comment l’évolution s’est faite, de Charles VII au fatal concordat de 1516, qui a livré l’Église au pouvoir temporel (R. Pernoud, Villa Paradis, Paris, Stock, 1992, p. 275-276).

Respect du dimanche

Respect du dimanche

Dans le respect de la liberté religieuse et du bien commun de tous, les chrétiens ont à faire reconnaître les dimanches et jours de fête de l’Église comme des jours fériés légaux. Ils ont à donner à tous un exemple public de prière, de respect et de joie et à défendre leurs traditions comme une contribution précieuse à la vie spirituelle de la société humaine. Si la législation du pays ou d’autres raisons obligent à travailler le dimanche, que ce jour soit néanmoins vécu comme le jour de notre délivrance qui nous fait participer à cette « réunion de fête », à cette « assemblée des premiers-nés qui sont inscrits dans les cieux » (Hébreux 12, 22-23). Catéchisme de l’Église Catholique, n° 2188.

dimanche 16 novembre 2014

Unité de vie (4)

Unité de vie (4)

« Vous devez maintenant comprendre — avec une clarté nouvelle — que Dieu vous appelle à le servir dans et à partir des tâches civiles, matérielles, séculières de la vie humaine : c’est dans un laboratoire, dans la salle d’opération d’un hôpital, à la caserne, dans une chaire d’université, à l’usine, à l’atelier, aux champs, dans le foyer familial et au sein de l’immense panorama du travail, c’est là que Dieu nous attend chaque jour. Sachez-le bien : il y a quelque chose de saint, de divin, qui se cache dans les situations les plus ordinaires et c’est à chacun d’entre vous qu’il appartient de le découvrir » (Entretiens, n° 114). Ce « quelque chose de divin », il nous appartient de le développer, de le faire fructifier pour la gloire de Dieu, ad majorem Dei gloriam, en travaillant, non pour des motifs humains, mais premièrement et fondamentalement par amour. (lire la suite) Car, pensons-y bien l’unité de vie, c’est la mise en pratique du grand commandement de l’amour, par lequel Dieu nous demande légitimement de l’aimer, non pas à la petite semaine ou partiellement, mais de l’aimer de tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces et de tout notre esprit (cf. Luc 10, 27). Tout, absolument tout dans notre vie doit ainsi être marqué par l’amour, motivé par l’amour, imprégné d’amour, suinter l’amour et, par suite, être source d’amour. C’est effectivement en aimant Dieu pour de bon, sans restriction, que nous pouvons aimer notre prochain comme nous-mêmes, ce qui est la suite du commandement suprême : tu aimeras « ton prochain comme toi-même » (Luc 10, 27). Car celui qui prétend aimer Dieu, qu’il ne voit pas, alors qu’il n’aime pas son prochain, qu’il côtoie, celui-là est un menteur (cf. 1 Jean 4, 20). Seigneur, je veux être trouvé véridique devant toi. Je veux te servir et t’aimer par touts les pores de ma peau spirituelle, de mon organisme surnaturel. Enseigne-moi à ne pas penser à moi, car chaque fois que je pense à moi je brise, ou du moins je fragilise, cette belle harmonie de la prière, du travail et de l’apostolat. Donne-moi, Seigneur, l’amour avec lequel tu veux que je t’aime, lui demandait saint Josémaria dans sa prière. Donne-moi cet amour, sans restriction, pour que j’arrive une bonne fois pour toutes à t’aimer de tout mon cœur, de toute mon âme, de tout mon esprit et de toutes mes forces. Que je ne cherche pas à me faire remarquer des autres et que je m’efface devant toi une fois que j’ai fait ce que j’avais à faire. Il faut que tu grandisses, toi, et que moi, je disparaisse, comme saint Jean-Baptiste l’a fait (cf. Jean 3, 30). Ce que le fondateur de l’Opus Dei traduira par cette maxime : « Agir et disparaître, afin que Jésus seul brille. » Cela aussi est de la belle et bonne unité de vie : tout pour Dieu, Deo omnis gloria ! (fin)

vendredi 14 novembre 2014

Unité de vie (3)

Unité de vie (3)

C’est le propre des saints, qui vivent si près de Dieu qu’ils se sentent constamment attirés par lui, qui sentent intensément sa présence, et qui peuvent ainsi se réjouir de leurs faiblesses : « Je préfère donc bien volontiers me glorifier de mes faiblesses, afin que la puissance du Christ habite en moi. C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses, dans les opprobres, dans les nécessités, dans les persécutions, dans les détresses, pour le Christ ; car lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort » (2 Corinthiens 9-10). Les saints savent remercier Dieu même quand ils sont humiliés, traînés dans la boue ou quand ils manquent de tout, y compris du nécessaire pour vivre, ce qu’exprime bien cet autre point de Chemin : « Habitue-toi à élever ton cœur vers Dieu en action de grâces, et souvent dans la journée. — Parce qu’il te donne ceci ou cela. — Parce qu’on t’a humilié. — Parce que tu ne possèdes pas ce dont tu as besoin, ou parce que tu le possèdes. Parce que sa Mère, (lire la suite) qui est aussi ta Mère, il l’a voulue si belle. — Parce qu’il a créé le soleil et la lune, et cet animal et cette plante. — Parce qu’il a donné à celui-ci d’être éloquent et à toi de bredouiller… Remercie-le de tout, parce que tout est bon » (Chemin, n° 268). Mais le fait de dire que les saints y sont parvenus ne doit pas nous faire douter d’y arriver, nous aussi, parce que nous sommes tous appelés à la sainteté dans notre vie ordinaire. Et que si nous ne découvrons pas Dieu dans cette vie ordinaire, dans les tâches multiples, bien souvent menues, qui la composent, nous ne le trouverons jamais. C’est ce que saint Josémaria proclamait dans son homélie emblématique du campus de l’Université de Navarre. Écoutons ses propres termes : « Il n’y a pas d’autre chemin, mes enfants : ou nous savons trouver le Seigneur dans notre vie ordinaire, ou nous ne le trouverons jamais. Voilà pourquoi je puis vous dire que notre époque a besoin qu’on restitue, à la matière et aux situations qui semblent les plus banales, leur sens noble et originel, qu’on les mette au service du Royaume de Dieu, qu’on les spiritualise, en en faisant le moyen et l’occasion de notre rencontre continuelle avec Jésus-Christ » (Entretiens, n° 114). Nous trouvons bien là une invitation à l’unité de vie. À nous centrer en Dieu à tout moment, en toute circonstance. À découvrir la main de Dieu en tout, comme Dieu lui-même s’est, là encore, chargé de le faire comprendre à saint Josémaria, par une motion divine dans les années 70 : « Recevez tout comme venant des mains de notre Seigneur Jésus-Christ. » Une invitation à vois dans les autres des âmes pour lesquelles le Christ a versé son Sang, comme pour nous, des âmes que nous devons donc aimer, pour qui nous désirons le vrai bien – c’est-à-dire leur salut éternel – et que nous cherchons donc à approcher de lui. (à suivre…)

mercredi 12 novembre 2014

Unité de vie (2)

Unité de vie (2)

Nous connaissons cette autre interrogation, que nous lisons dans un point de Chemin : « As-tu pris la peine de penser à quel point il est absurde de dépouiller sa qualité de catholique, en entrant à l’université ou dans un groupement professionnel, à l’académie ou au parlement, comme on laisse un pardessus au vestiaire ? » (n° 353). N’est-ce pas ce qu’il nous arrive parfois de faire ? Nous n’osons pas affirmer franchement notre foi, nos convictions, dans notre milieu professionnel ou lors d’une invitation chez des amis, de peur de choquer, d’être mal compris, disons-nous, alors qu’en réalité c’est surtout pour nous éviter des complications. Or, saint Josémaria nous dit également ceci : « ‘Ma vie se heurtant à un milieu paganisé ou païen, mon naturel ne va-t-il pas sembler factice ?’ me demandes-tu. — Je te réponds : il y aura choc, sans doute, entre ta vie et ce milieu ; et ce contraste, où ta foi se confirmera par les œuvres, est précisément le naturel que je te demande (Chemin, n° 380). (lire la suite) Si nous ne parlons pas de Dieu, ne serait-ce que par l’exemple – mais l’exemple ne suffit pas à lui seul – qui d’autre le fera ? Seigneur, fais-moi comprendre que je ne suis pas là où je me trouve par hasard. C’est toi qui m’y a envoyé : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis et qui vous ai établis, pour que vous alliez et que vous portiez du fruit, que votre fruit demeure » (Jean 15, 16). Pour que je porte du fruit. Tu comptes donc sur moi, Seigneur, pour que ton Église s’enracine davantage dans mon milieu professionnel, social, familial ; pour que la vérité gagne du terrain. Et moi, à quoi est-ce que je pense habituellement ? Il ne s’agit certes pas de changer d’activité ou de lieu. Non. Chacun de nous doit rester à cette place où Dieu l’a mis : « Que chacun demeure dans l’état même où l’appel divin l’a trouvé » (1 Corinthiens 7, 20). Il doit continuer d’y faire ce qu’il fait, mais en y mettant plus souvent une intention surnaturelle, en l’offrant à Dieu pour des intentions concrètes. Parmi celles-ci figurent tel collègue qui ne veut apparemment rien savoir de la religion, qui élude toute conversation sérieuse, qui ne se livre pas, mais… Et tel autre collègue qui mène une vie dissolue, mais… Et un troisième qui… De la sorte, notre travail professionnel et toutes nos activités se transforment en prière et en apostolat. C’est cela l’unité de vie. Tel a été l’enseignement constant de saint Josémaria, conduit très tôt sur cette voie par le Saint-Esprit, enseignement relayé par le bienheureux Álvaro. Écoutons le fondateur de l’Opus Dei : « Notre vie consiste à travailler et à prier, et inversement, à prier et à travailler. Car le moment arrive où l’on ne sait plus distinguer ces deux concepts, des deux mots, contemplation et action, qui finissent par signifier la même chose dans l’esprit et dans la conscience. » (à suivre…)

lundi 10 novembre 2014

Unité de vie (1)

Unité de vie (1)

« Alors Jésus parla aux foules et à ses disciples, disant : Les scribes et les Pharisiens se sont assis sur la chaire de Moïse. Faites donc et observez tout ce qu'ils vous disent; mais n'imitez pas leurs actions, car ils disent et ne font pas. […] Ils font toutes leurs actions pour être vus des hommes, car ils élargissent leurs phylactères et allongent leurs houppes » (Matthieu 23, 1-3.5). Combien de gens agissent ainsi ! Être remarqué par les autres, admiré des autres devient le critère de « moralité » des actes. Ce n’est plus la bonté objective qui compte, mais la notoriété, l’approbation de la foule. Ce qui implique que l’on ne se comporte pas de la même façon en privé, en l’absence de public. Comment qualifier quelqu’un de cet acabit ? C’est un pantin désarticulé. Il se situe aux antipodes de ce que doit être une vie chrétienne. Celle-ci, en effet, doit être marquée par l’unité de vie, pour reprendre une expression forgée par saint Josémaria. (lire la suite) Il entend par là que toutes les facettes de notre existence, à commencer par sa dimension spirituelle, bien sûr, mais aussi la vie familiale, le travail, la vie de relations sociales et donc l’apostolat, les loisirs, les différents engagements sans la société, tout cela doit être vécu avec Dieu, en Dieu, et orienté vers lui. Tout doit s’alimenter de la grâce afin de devenir une source de sanctification personnelle et d’autrui, et d’être lui-même sanctifié, c’est-à-dire ramené à Dieu, conformément au précepte de l’Apôtre de instaurare omnia in Christo, tout rassembler dans le Christ, restaurer toutes choses dans le Christ, rechristianiser toutes les réalités de la terre (Éphésiens 1, 10). À l’inverse des pharisiens contre lesquels le Christ vitupère et auxquels il reproche leur hypocrisie, les autres doivent pourvoir nous imiter, reproduire ce qu’ils nous voient faire et, voyant nos bonnes œuvres, rendre gloire à Dieu (cf. Matthieu 5, 16). Saint Augustin pose la question suivante : « Qui donc pourra rendre gloire à Dieu tout le jour durant ? Si tu veux, je vais t’indiquer la solution. Fais bien tout ce que tu fais, et tu auras rendu gloire à Dieu. Lorsque tu chantes une hymne, tu rends gloire à Dieu. En effet, que font ta langue et ta conscience si ce n’est rendre gloire à Dieu ? Cesses-tu de chanter des hymnes pour te reposer ? Ne t’enivres pas et tu auras rendu gloire à Dieu. Fais-tu des affaires avec quelqu’un ? Ne commets pas d’escroquerie, et tu auras rendu gloire à Dieu. Travailles-tu aux champs ? Évite les querelles, et tu auras rendu gloire à Dieu. Prépare-toi à rendre gloire à Dieu pendant toute la journée par la bonté de tes œuvres (st Augustin, Enarrationes in Psalmos 34, 2, 16). Qu’en est-il ? (à suivre…)

samedi 8 novembre 2014

Euthanasie

Euthanasie

L’idée même qu’un être humain puisse perdre sa valeur parce qu’il serait faible, malade ou vieux et, par là-même, dans une situation de perte d’autonomie, me paraît à vrai dire intolérable sur le plan éthique, à la limite des plus funestes doctrines des années trente. […] Que l’on s’oppose à l’acharnement thérapeutique me semble au plus haut point justifié. Reste qu’entre un prétendu geste humanitaire consistant à tuer, fût-ce par charité et un autre visant à entourer d’amour, on me permettra de choisir toujours le second. Affaire de morale, en effet. Luc Ferry, Le Figaro, 26 novembre 2009.

jeudi 6 novembre 2014

Judas (4)

Judas (4)

La trahison de Judas a commencé par un petit manquement à la pauvreté. Il s’est permis un jour de prendre pour lui quelques piécettes de la bourse. Oh ! Ce n’était pas grand chose. Ce n’est jamais grand-chose au départ. C’était sans importance. Cela semblait ne rien remettre en cause. Si justement. Cela remettait en cause la fidélité, qui doit être sans faille, car c’était commencer à trahir la fidélité à son Seigneur et à ses compagnons. Cette fidélité n’était en apparence pas entamée dans l’immédiat. Mais l’amour de l’argent allait insensiblement grignoter du terrain et remplacer l’amour de Dieu au point que Judas soit capable de franchir le pas et d’aller livrer, d’aller vendre son Maître pour une poignée de pièces de monnaie, pour « trente pièces d’argent » (Matthieu 26, 15). (lire la suite) Un marché dont il est le dupe, car ce n’est pas cela qui va lui permettre de mener une vie indépendante de Jésus. C’est dire à quel aveuglement l’on peut parvenir quand l’on ne sait pas rectifier, quand l’on ne demande pas pardon et que l’on ne prend pas la ferme résolution de lutter, de ne plus recommencer à faire le mal. Cela a commencé par une peccadille et tout a fini par la honte de la trahison, suivie de la pendaison de l’ex-apôtre, « devenu enflé, il a crevé par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues » (Actes 1, 18) ; et peut-être sa damnation éternelle, quoi que nous puissions compter sur la miséricorde divine. Judas n’est pas foncièrement pervers. Il n’a pas résisté à l’attrait des biens de ce monde… Mais il a aussi manqué d’espérance. Son comportement nous montre bien comme cette vertu est belle et importante ! Car Judas a reconnu la sainteté du Christ : « J’ai péché, dit-il, en livrant un sang innocent » (Matthieu 27, 4). Il s’est repenti du crime qu’il avait commis en le livrant lamentablement aux grands prêtres et aux Anciens du peuple. Il a pris l’argent de sa trahison, qui lui brûlait les mains et il « le jeta dans le sanctuaire » (Matthieu 25, 5). Mais il a manqué d’espérance et, pris de remords, il « se retira et alla se pendre » (Matthieu 25, 5). S’il avait eu un tant soit peu d’espérance, il aurait pu reprendre sa place parmi les Douze et devenir un grand apôtre, comme les autres. De toute façon, nous ne savons pas ce qui s’est passé entre Dieu et lui au dernier moment. En tout cas, nous comprenons que les grands saints aient insisté sur la nécessité de bien vivre la vertu de pauvreté, de savoir être détaché des biens matériels. Et le plus sera le mieux. (fin)

mardi 4 novembre 2014

Judas (3)

Judas (3)

La vie qui est si belle et joyeuse avec notre Seigneur, comme il est facile d’en faire l’expérience, devient de plus en plus aigrie et intolérable pour lui. Là où les autres respirent un air frais, sans cesse renouvelé, parce que Jésus ne parle pas comme les scribes et les pharisiens (cf. Marc 1, 22), mais avec une autorité naturelle (cf. Marc 1, 32), qui attire, qui enthousiasme, lui, il étouffe comme dans un carcan, dont il finit pas décider de se libérer, mais de mauvaise manière. L’exemple de Judas est là pour nous montrer jusqu’où peut aller l’appât du gain, (lire la suite) même modeste, le fait de ne pas savoir vivre la pauvreté. Judas détient la bourse commune, et s’y sert selon ses besoins, c’est-à-dire selon les nécessités qu’il se crée, et qui ne cessent d’augmenter, comme de bien entendu. Il agit en cachette, à l’insu des autres, qui sont à cent lieues d’imaginer son comportement ignoble. Eux qui sont si prompts à discuter et à se disputer pour des broutilles (cf. Luc 9, 46-47), ils auraient là un vrai motif pour s’enflammer et donner libre cours à leur colère. Mais, en dehors de Jésus, qui n’est pas dupe et a repéré dès le premier instant les manipulations frauduleuses de Judas, nul ne s’en rend compte. Qu’il n’y ait pas grand-chose dans la bourse ne surprend pas les autres, parce qu’elle reste rarement pleine longtemps. Autant dire même jamais. Jésus est prodigue en libéralités, et le groupe des apôtres et des disciples se contente d’une vie frugale. Mais Judas, lui, a des besoins particuliers à satisfaire. Il agit à la dérobée. Il ne s’empare pas de grosses sommes à la fois. Non. Il procède par petites touches. Puisqu’il n’est pas repéré, il s’enhardit, et la fréquence de ses menus larcins s’accélère. De fil en aiguille, cela doit faire un beau magot, qu’il dépense pour satisfaire ses caprices. Il est étrangement habile pour tout dissimuler et ne rien laisser paraître. Il n’y pas chez lui l’ombre de « signes extérieurs de richesse », comme on dit. Tout semble normal dans son attitude. Il sait les éviter soigneusement. Et ainsi, progressivement, son esprit ne se sépare plus de cette bourse qui pend à sa ceinture et qu’il caresse furtivement à longueur de journée, soupesant ce qu’il pourra en retirer. Il ne cesse d’y penser, Judas, il la tâte avec volupté, avec convoitise. Son cœur s’y attache de plus en plus. Et quand le Seigneur a enseigné que nul ne peut servir deux maîtres à la fois, « car où il aimera l’un et haïra l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre » (Luc 16, 13), il a vite fait d’étouffer la voix de sa conscience et d’éteindre tout remords quant à sa conduite. Il a déjà choisi son maître, à vrai dire, même s’il continue de cheminer avec Jésus et les onze autres. Mais son cœur, sa tête sont ailleurs. Il trépigne de rage quand il voit Marie briser un vase de parfum d’un grand prix pour en oindre la tête et les pieds du Seigneur chez Simon le Lépreux. Il a vite fait d’en évaluer le prix : « Trois cents deniers que l’on aurait pu donner aux pauvres » (Jean 12, 5), et sur lesquels j’aurai pu prélever ma dîme. Quelle imbécile ! C’aurait été une belle affaire. Il ne disait pas cela par souci des pauvres, dont il n’avait cure, « mais parce qu’il était voleur, et qu’ayant la bourse, il dérobait ce qu’on y mettait » (Jean 12, 6). (à suivre…)

dimanche 2 novembre 2014

Le souvenir des défunts nous faire porter notre regard vers ceux qui se purifient encore, pour être dignes de rencontrer Dieu face à face. Ainsi, la solennité de la Toussaint et le souvenir des fidèles défunts forment comme un unique appel à la prière : une prière de gloire et de louange, un Te Deum céleste, une prière d’imploration pour ceux qui attendent que nous nous souvenions d’eux devant Dieu. […] // Demandons pour eux la lumière éternelle et le repos en Dieu : « Bon Jésus et notre Seigneur, donne-leur le repos éternel. Que resplendisse pour eux la lumière éternelle, là où se trouvent tous les saints. » […] // « Rappelle-toi, ô Seigneur, de libérer ton Église de tout mal et de la rendre parfaite dans ton amour. Recueille aux quatre vents l’Église que tu as sanctifiée, pour la rassembler dans le royaume que tu lui as préparé » (Didaché). […] // Les chants du « jour des morts » me reviennent à l’esprit, ils me reviendront sur les lèvres, aujourd’hui et demain, et pendant tout le mois de novembre : « Jésus, toi qui agonises au jardin de Gethsémani, dont la sueur s’est transformée en sang, les âmes du purgatoire se languissent, elles aspirent à ta fraîcheur, ô Jésus ! » Et aussi : « Salut, Reine du ciel, Mère de miséricorde. Salut, notre espérance dans le découragement et la douleur […]. Ô Jésus, fais en sorte que nous puissions te voir après la mort. Ô Marie, obtenez pour nous ce que nous désirons ». Jean-Paul II, Méditation, 1er novembre 1995

samedi 1 novembre 2014

Toussaint

Toussaint

Tous les saints, tous les anges sont à nous. Nous pouvons nous servir de l’intelligence de saint Thomas, du bras de saint Michel et du cœur de Jeanne d’Arc et de Catherine de Sienne et de toutes ces ressources latentes que nous n’avons qu’à toucher pour qu’elles entrent en ébullition. Tout ce qui se fait de bien, de grand et de beau d’un bout à l’autre de la terre, tout ce qui fait de la sainteté comme un médecin dit d’un malade qu’il fait de la fièvre, c’est comme si c’était notre œuvre. L’héroïsme des missionnaires, l’inspiration des docteurs, la générosité des martyrs, le génie des artistes, la prière enflammée des clarisses et des carmélites, c’est comme si c’était nous, c’est nous ! P. Claudel interroge le Cantique des cantiques.

vendredi 31 octobre 2014

Judas (2)

Judas (2)

Les habitants de Carioth sont peut-être comme cela, mais aucun d’eux, en dehors de Judas, n’a été choisi pour partager la vie du Rédempteur de l’humanité et pour prolonger son action dans le temps, pour devenir une colonne de l’Église à venir. Or, cette proximité de Jésus, cette intimité de tous les jours avec lui n’avaient rien de banal. Cela aurait dû exercer une influence positive irrésistible sur son cœur, qui n’excluait certes pas la faiblesse, comme on le constate chez dix des onze autres apôtres. Mais ils ont su la reconnaître et la confesser, demander pardon au Maître et reprendre leur rang. Ils ne sont pas allés se pendre lamentablement, désespérant de la bonté infinie de Jésus. (lire la suite) Le commerce journalier avec notre Seigneur était on ne peut plus doux, aimable, agréable. S’il y a bien quelqu’un qui savait se faire aimer, c’est Jésus, le Fils de Dieu, Dieu parfait et Homme parfait. Cette perfection absolue du Seigneur ne passait pas, ne pouvait pas passer inaperçue et se manifestait en tout, c’est-à-dire y compris dans la façon de s’adresser aux hommes, à ses apôtres en particulier, et de prendre soin d’eux, sans compter de prier et de se mortifier continuellement pour eux. Cela ne rend que plus incompréhensible l’éloignement progressif de Judas de ce foyer ardent d’Amour. Le mystère d’iniquité s’épaissit. Judas a clairement manqué de sincérité et s’est enveloppé dans son orgueil. Il ne comprenait pas le sens profond des paraboles. Qu’importe ? Il lui suffisait de le dire et Jésus le lui aurait expliqué, au besoin à lui en particulier, s’il craignait de passer pour un imbécile aux yeux de ses collègues. Tel aspect de l’enseignement du Messie lui semblait non seulement dur à entendre (cf. Jean 6, 60), mais surtout à mettre en pratique ? Cela n’avait pas d’importance, à condition toutefois qu’il s’en ouvrît au Maître qui lui aurait éclairé les yeux et l’entendement, tout comme il expliquera plus tard à ses disciples d’Emmaüs, à partir des Écritures, comment il fallait que tout ce dont ils avaient été témoins à Jérusalem se réalisât pour que les prophéties formulées à son sujet s’accomplissent (cf. Luc 24, 25-27). Mais Judas n’a pas l’humilité de reconnaître ouvertement, ni d’avouer qu’il est choqué par ce qu’il entend, par ce qu’il voit, plus encore peut-être par ce que le Christ demande. Il n’a pas la simplicité de lui ouvrir son âme avec confiance. Cela ajouté à l’avarice est un double poison qui peu à peu asphyxie son âme, comme deux pinces qui se resserrent sur elle et finissent par l’étouffer, par lui enlever toute possibilité de respirer ; comme les deux faces d’un étau qui écrasent progressivement tout élan d’amour de Dieu en lui. (à suivre…)

mercredi 29 octobre 2014

Judas (1)

Judas (1)

« Ayant jeté les pièces d’argent dans le sanctuaire, il se retira et alla se pendre » (Matthieu 27, 5). Comment Judas en a-t-il pu arriver à une telle vilenie ? Est-il possible que son cœur fût déjà corrompu quand Jésus l’a fait sortir du rang des disciples pour le faire accéder à celui d’apôtre ? Certainement pas. Jésus le connaissait bien, comme il connaît tout de l’intérieur de l’homme, nous étant plus intime à nous que nous-mêmes, ainsi que le notait saint Augustin, à la suite d’une intense expérience intime (cf. saint Augustin, Confessions). Mais en même temps, en le choisissant pour faire partie des Douze ; notre Seigneur faisait un pari sur sa liberté et sa capacité d’être fidèle parce que lui, Jésus, l’aiderait en ce sens d’un bout à l’autre de sa vocation. Qu’est-ce qui a donc tourné la tête de Judas au point de brûler ses amours d’antan ? (lire la suite) Saint Jean-Paul II laisse entendre que c’est l’amour de l’argent : cette avarice a dû se conjuguer avec une soif de pouvoir qu’il entrevoyait à sa façon dans la restauration attendue du royaume d’Israël et le rôle que les Douze apôtres du Seigneur seraient amenés à y jouer, tout gens du commun qu’ils fussent. Ce qui était donc aussi une manifestation d’orgueil démesuré. Il interprétait sans doute mal la promesse de Jésus aux termes de laquelle les Douze siègeraient un jour sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël (Matthieu 19, 28). Il semble d’ailleurs qu’il interprète rapidement de travers, avec une vision très humaine, tout ce que Jésus disait, le prenant au premier degré et ne sachant pas s’élever à un certain niveau d’abstraction ni aux conséquences morales à en tirer. « Tout mon malheur est qu’à aucun moment je n’ai pu perdre mes facultés de contrôle et de critique. Je suis comme ça. Les gens de Carioth sont comme ça. Une espèce de gros bon sens. Quand j’entends dire qu’il faut tendre la joue gauche et payer aussi cher pour une heure de travail que pour dix, et haïr son père et sa mère, et laisser les morts ensevelir les morts, et maudire son figuier parce qu’il ne produit pas des abricots au mois de mars, et ne pas lever un cil sur une jolie femme, et ce défi continuel au sens commun, à la nature et à l’équité, évidemment je fais la part de l’éloquence et de l’exagération, mais je n’aime pas ça, je suis froissé. Il y a en moi un appétit de logique, ou, si vous aimez mieux, une espèce de sentiment moyen, qui n’est pas satisfait. Un instinct de la mesure. Nous sommes tous comme ça dans la cité de Carioth. En trois ans je n’ai pas entendu l’ombre d’une discussion raisonnable (P. Claudel, « Mort de Judas », Figures et Paraboles). (à suivre…)

dimanche 19 octobre 2014

Paul VI béatification

Alors que le pape François procède aujourd'hui à la béatification de son prédécesseur, le pape Paul VI (1963-1978), je vous indique que les encycliques de Paul VI ont fait récemment l'objet d'une première édition intégrale en français, en format numérique, que vous pouvez vous procurer pour 2 euros aux Editions Blanche de Peuterey. Bonne lecture.

jeudi 16 octobre 2014

Fidèles et laïcs dans l'Eglise

Fidèles et laïcs dans l'Eglise

Alvaro Del Portillo, Fidèles et laïcs dans l’Eglise. Fondements de leurs statuts juridiques respectifs, Montréal, Wilson & Lafleur, coll. Gratianus, 2e éd. française, traduction de l’original et des mises à jour par D. Le Tourneau
Distributeur en Europe : editions@lelaurier.fr

A l'occasion de la béatification d'Alvaro del Portillo, le 27 septembre dernier, en l'année du centenaire de sa naissance, je rappelle cet ouvrage très important pour bien comprendre, entre autres, la place des laïcs dans l'Église. L’origine de cet ouvrage est un long votum, ou rapport, présenté par l’auteur au groupe de consulteurs de la commission pontificale pour la révision du code de droit canonique, chargé d’examiner le projet de texte des canons sur les droits et les devoirs des fidèles laïcs dans l’Église. (lire la suite) Alvaro del Portillo abordait avec décision une problématique qui a été très présente dans les travaux du concile Vatican II: l’identité théologique et canonique de deux concepts, celui de fidèle et celui de laïc, d’ordinaire utilisés indifféremment dans le langage ecclésiastique, mais ontologiquement différents. Ce votum a exercé une influence déterminante sur la préparation du projet de la nouvelle législation ecclésiastique.
Del Portillo se demandait : « Existe-t-il une vocation et une condition juridique spécifiques au laïc venant s’ajouter à sa vocation et à sa condition juridique générale de fidèle, de baptisé ? » Il donnait une réponse résolument positive. La vocation du laïc est certainement la vocation du fidèle du Christ, du christifidelis, avec l’appel baptismal à la sainteté et à l’apostolat, mais vécue au beau milieu des structures et des circonstances ordinaires de la vie séculière.
[…] Del Portillo tint particulièrement compte de l’ecclésiologie de Vatican II, notamment de la constitution Lumen gentium, qui voyait dans la « sécularité […] une composante théologique spécifique de l’identité du laïc chrétien : « La nature séculière est un domaine propre aux laïcs et qui les caractérise. […] De par leur vocation propre, il revient aux laïcs de chercher le royaume de Dieu en administrant les choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu » (n° 31/b). L’auteur affirmait certainement que les laïcs chrétiens en pleine communion ecclésiastique possédaient tous les droits et les devoirs qui leur revenaient en tant que « fidèles », mais il ajoutait qu’il était nécessaire de formuler aussi et séparément certains droits et devoirs spécifiques qui leur revenaient en tant que « fidèles laïcs ». Il n’est donc pas étonnant que ce long et riche votum ait exercé une influence sur la formulation définitive des canons sur les fidèles et sur les laïcs, aussi bien dans le Code de droit canonique promulgué en 1983, qu’indirectement sur le Code des canons des Églises orientales promulguée en 1990.

Extrait de la préface du card. J. Herranz, président émérite du Conseil pontifical des textes législatifs

dimanche 21 septembre 2014

Béatification d'Alvaro del Portillo, le 27 septembre

Béatification d'Alvaro del Portillo, le 27 septembre

Dans cinq jours aura lieu la béatification de Mgr del Portillo. La cérémonie se déroulera à Madrid, ville dans laquelle il est né il y a exactement cent ans. Vous trouverez différents documents sur le site de l'Opus Dei en France.

vendredi 19 septembre 2014

27 septembre : béatification d'Alvaro del Portillo

Les moyens de communication sociale se sont déjà largement fait l'écho de la béatification de Mgr Alvaro del Portillo, premier successeur de saint Josémaria et premier évêque-prélat de l'Opus Dei. La cérémonie aura lieu samedi 27 septembre, à Madrid, où le futur bienheureux est né il y a cent ans cette année. Mgr le Gall, archevêque de Toulouse, accompagne les pèlerins français et explique le sens de sa démarche. L'on peut voir sur le site de l'Opus Dei en France les déclarations des cardinaux Poupard et Tauran. Quand au cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris, il célèbrera une messe d'action de grâces le lundi 29 septembre, à Paris, à 18h45, en l'église Saint-François-Xavier.

lundi 18 août 2014

Pain et Parole (8)

Pain et Parole (8)

Le diable, lui, « est menteur et père du mensonge » (Jean 8, 44) depuis les origines. C’est pourquoi sa parole est une parole de mort et engendre une culture de mort, comme nous le constatons tous les jours, semant partout la haine, la désolation et le désespoir. « Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut » (Genèse 1, 3). Notre Seigneur dit : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi » (Luc 22, 19). Jésus s’exclame en un grand cri : Consummatum est, « c’est consommé (Jean 19, 30), et nous sommes sauvés à jamais. Voilà vraiment une Parole qui fait vivre, qui donne le goût de vivre, qui est source d’une joie communicative, qui apporte la paix profonde, (lire la suite) la sérénité, qui ancre l’âme dans la croix rédemptrice : In hoc signum vinces, « c’est par ce signe que tu vaincras » (devise de l’empereur Constantin). S’il ne nous fallait garder qu’un livre par devers nous, choisissons la Bible sans la moindre hésitation. Et si on l’arrachait de nos mains malgré tout, qu’importe : cette Parole révélée est inscrite dans notre cœur, au tréfonds de notre être. Elle retentit en nous jour et nuit et ne cesse de nous répéter : « Tu es mon fils, aujourd’hui je t’ai engendré (Psaume 2, 7), je t’ai engendré par les souffrances de la Croix en vue de ta participation à la vie éternelle. Tiens bon, car « je serai avec vous toujours, jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28, 20). « Bien, serviteur bon et fidèle ; en peu tu as été fidèle, […] entre dans la joie de ton Maître » (Luc 25, 20). (fin)

samedi 16 août 2014

Pain et Parole (7)

Pain et Parole (7)

« Combien disent maintenant : Je voudrais voir sa forme, son visage, ses vêtements, ses chaussures ! Eh bien ! voici que tu le vois, tu le touches, tu le manges. Tu désires voir ses vêtements, mais il se donne à toi, non seulement pour que tu le voies, mais pour que tu le touches et le manges, et que le reçoives en toi ! Donc que personne ne s’approche avec un manque de confiance, personne avec tiédeur – que tous soient enflammés, tous fervents et vigilants » (saint Jean Chrysostome, Homélies sur l’Évangile de saint Matthieu 82, 4). De plus, l’Amour de Dieu envers nous l’a poussé à nous promettre de faire une expérience non pas ponctuelle, unique, de sa proximité réelle d’avec nous, mais à rester en permanence au cœur de notre existence quotidienne, qui peut ainsi devenir prière, se transformer en source de sainteté, être le point de départ de l’évangélisation du monde. (lire la suite) Dans l’Eucharistie, nous rejoignons Jésus-Christ, « vrai Dieu et vrai homme » (Symbole d’Athanase), même si l’humanité est aussi cachée à nos yeux que la divinité (cf. hymne Adoro te). Nous nous rencontrons avec celui qui a dit : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » (Matthieu 24, 35). Elles ne passent pas puisqu’il est le Verbe consubstantiel du Père. Chaque fois que le prêtre prononce, en la personne du Christ, les paroles de la consécration, celles-là mêmes que notre Seigneur a prononcées le soir du Jeudi Saint au Cénacle, le prodige de la transsubstantiation se produit et le Ressuscité du matin de Pâques vient parmi nous et nous dit : « Paix à vous ! » (Jean 20, 19.21). À la messe, il se produit une transformation. Je m’enferme dans la Croix pour accueillir le Christ, pour être un autre Christ, pour le laisser célébrer le saint Sacrifice. Car je suis au Calvaire, non dans une église ou une chapelle. Au Calvaire, où le Fils de Dieu s’offre à son Père pour moi et pour l’humanité tout entière. Je me fonds dans le saint bois de la Croix, pour m’imprégner du Sang rédempteur. « Des fleuves d’eau vive sortiront de Jérusalem » (Ézéchiel 14, 8). Ils jaillissent du Golgotha. Ils surgissent de la messe, de chaque messe, quand bien même le prêtre se retrouverait tout seul. Voilà pourquoi je veux m’en imbiber au contact de mon Dieu. « Rien n’est plus vrai que cette parole de Vérité » (hymne Adoro te). Ces mots de l’hymne eucharistique nous ont servi de point de départ pour ces réflexions sur le Pain et la Parole en lien avec la Vérité. Nous en vérifions le réalisme. Dieu « ne peut ni se tromper ni nous tromper » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 156). (à suivre…)

jeudi 14 août 2014

Pain et Parole (6)

Pain et Parole (6)

Le drame de l’homme contemporain est qu’il oublie que Dieu est présent au milieu de nous, plus vivant que nous ne le sommes nous-mêmes, parce que notre vie vient de lui, source de toute vie, lui qui est la Vie (cf. Jean 14, 6). C’est une vraie calamité pour nous de l’oublier à ce point et de ne pas nous précipiter toujours pour l’adorer. « L’adoration eucharistique nous soumet au rayonnement du corps et du sang du Christ qui reproduit en nous ses vertus, notamment la charité qui préside à l’institution de l’Eucharistie, l’obéissance au Père et le courage de Jésus en sa passion, la chasteté qui purifie et discipline les impulsions du corps et du sang en nous, la bienveillance et le dévouement inculqués par le Saint-Esprit. L’immobilité de l’adoration agit sans heurt (lire la suite) et engendre le mouvement des vertus avec l’efficacité discrète, patiente et sûre, qui caractérise le travail de la grâce. l’adoration contemplative et silencieuse n’est donc pas opposée à l’action vertueuse et expressive. Portant directement sur Dieu, elle ouvre la porte à l’action efficiente de la charité éclairée par la foi et la prudence spirituelle. Elle se tient à la source des vertus comme à leur fin, car elles doivent mener le croyant vers la vision admirative et aimante » (Servais Pinckaers, Plaidoyer pour la vertu, Le Muveran, Parole et Silence, 2007, p. 193). Tel est le cheminement du chrétien qui suit la voix du Bon Pasteur. Celui-ci le conduit vers de bons pâturages (cf. Jean 10, 3), là où se trouve notre Dieu, fort, éternel et tout-puissant. Cette Parole est un puits d’eau vive « jaillissant pour la vie éternelle » (Jean 4, 14). Or, « tel est le pain qui descend du ciel que celui qui en mange ne mourra pas. C’est moi qui suis le pain vivant descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c’est ma chair, pour la vie du monde » (Jean 6, 50-51). On ne saurait être plus explicite. Nous ne pouvons donc comprendre pleinement – à la mesure, certes, de notre comprenette forcément très limitée – comprendre la Parole qu’à partir de l’Eucharistie, dans laquelle il s’est incarné, s’est fait chair de notre chair pour que nous puissions assumer notre condition d’enfants de Dieu, d’être créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Genèse 1, 26) et de nous laisser diviniser. C’est dans le Saint-Sacrement que nous venons adorer à l’autel et dans le tabernacle que la Parole de Dieu se fait plus éloquente et nous parle de la façon la plus convaincante qui soit de l’Amour qu’il nous porte à nous, les hommes. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jean 15, 13). Et qu’est chaque messe, qu’est la sainte réserve eucharistique, sinon la preuve la plus tangible, la plus palpable de cet Amour ? « Ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nous avons touché de nos mains pour ce qui est du Verbe de vie […], nous vous l’annonçons à vous aussi, afin que vous soyez, vous aussi, en communion avec nous » (1 Pierre 1, 1.3). (à suivre…)

mardi 12 août 2014

Pain et Parole (5)

Pain et Parole (5)

Ils passent à table. À ce moment-là, Jésus « prit du pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur présenté. Alors leurs yeux s’ouvrirent et ils le reconnurent, mais il disparut de devant eux » (Luc 24, 30-31). Leur cœur avait été préparé à reconnaître notre Seigneur par l’écoute de la Parole vivante qui leur avait ravivé le goût de la vie, et tout simplement donné le goût de la Vie présente dans le pain rompu, dans l’Eucharistie. Notre Dieu n’est pas un dieu muet, comme les idoles que les païens se donnaient à eux-mêmes, « qui ont une bouche et ne parlent pas » (Psaume 115, 5). Les muets, Jésus les guérissait et leur redonnait l’usage de la parole (cf. Marc 7, 37). Notre « Dieu a parlé une seule fois » (Ps 61, 12), « parce qu’il a engendré un seul verbe (lire la suite) par qui il a tout fait. Ce Verbe, c’est sa parole. Il y a donc une seule parole de Dieu, parce qu’il y a un seul Verbe de Dieu. Un seul véritablement, parce que seule et d’un seul ; non pas développée en une pluralité d’énoncés, mais totalisée en un seul et simple verbe » (Hugues de Saint-Victor, Six opuscules spirituels, La Parole de Dieu 1). Mais cette Parole est prononcée dans un éternel présent. Elle « est efficace, plus acérée qu’aucune épée à deux tranchants, si pénétrante qu’elle va jusqu’à séparer l’âme et l’esprit, les jointures et les moelles ; elle démêle les sentiments et les pensées du cœur » (Hébreux 4, 12). Il n’existe qu’un Verbe, une seule Parole, mais ô combien efficace ! Jésus dit : « Jeune homme, je te le dis, lève-toi ! Et le mort se redressa sur son séant et se mit à parler » (Luc 7, 14-15). Et à un homme possédé d’un esprit impur, il ordonne : Tais-toi et sors de lui. Et le démon l’ayant jeté par terre au milieu, sortit de lui sans lui avoir fait aucun mal » (Luc 4, 35). Si l’on voulait juguler la Parole de Dieu, « les pierres crieront » (Luc 19, 40). Depuis deux mille ans, bien des puissants et d’autres à leur service, ont voulu la faire taire effectivement : « Nous vous avions expressément défendu d’enseigner en ce nom, et voilà que vous avez rempli Jérusalem de votre enseignement » (Actes 8, 5). Cette Parole est la Vérité, que l’on veuille ou non la reconnaître pour telle. Et la Vérité finit toujours par l’emporter sur l’hypocrisie, par s’imposer au mensonge. Cette Vérité, c’est que Jésus-Christ est le Verbe du Père éternel et qu’il est tout aussi présent et actif enfermé dans cette prison d’amour qu’est le tabernacle que lorsqu’il se laissait approcher par tous les miséreux de la terre (cf. Marc 1, 32) et qu’il disait, dans sa miséricorde, « venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau, et je vous soulagerai » (Matthieu 11, 28) ; venez, vous tous qui languissez dans des maux les plus variés, et je vous redonnerai de la force. (à suivre…)

dimanche 10 août 2014

Pain et Parole (4)

Pain et Parole (4)

C’est la générosité sans limites de la présence eucharistique, ce torrent de ton amour, Seigneur, qui balaye tout sur son passage, qui nous purifie et nous fortifie, qui donne vie et robustesse. La vie partout. La vie sans cesse renouvelée. La vie offerte gratuitement. La vie jamais mesurée. « Une source sortira de la maison du Seigneur » (Joël 4, 18). Elle est sortie. Elle a jailli. Des mains et du côté transpercés de Jésus en Croix au Calvaire. Une source large, abondante, intarissable. « À celui qui a soif, je donnerai gratuitement de la source de l’eau de la vie » (Apocalypse 21, 6). J’ai soif, Seigneur, j’ai soif de Toi, de ton amour. Et tu as répondu en faisant jaillir cette source de vie éternelle qu’est ta propre Vie, qui est ton Eucharistie, sacrement par excellence de ton Amour. (lire la suite) « La Vérité nous parle, il n’est rien de plus vrai » (hymne Adoro te). L’écoute de la Parole de Dieu prédispose à recevoir notre Seigneur dans le sacrement de l’Eucharistie. Nous le voyons clairement dans l’épisode des disciples d’Emmaüs. Ils sont totalement découragés par la tournure prise par les événements qui viennent d’avoir lieu à Jérusalem lors de la grande fête annuelle de la Pâque, qui s’en est trouvée gâchée, et du renversement dramatique de la situation qui s’est produit : « L’affaire de Jésus de Nazareth, qui était un prophète puissant en œuvres et en parole, devant Dieu et devant tout le peuple, et comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont fait crucifier. Nous autres, nous avions l’espoir qu’il était celui qui délivrerait Israël. En plus de cela, on en est au troisième jour depuis que ces choses sont arrivées » (Luc 24, 18-21). Alors Jésus, qui les a rejoints sur leur route, mais en restant méconnaissable à leurs yeux de chair, se fait pédagogue et, « commençant par Moïse et continuant par tous les prophètes, il leur expliqua ce qui, dans les Écritures, le concernait » (Luc 24, 27). Ce qui, soit dit en passant, nous montre à l’évidence que le contenu de la Parole est beaucoup plus riche que nous pouvons l’imaginer et que des textes bien connus peuvent renfermer une contenu qui nous échappe jusqu’à ce que l’Esprit Saint veuille bien nous le révéler et nous éclairer… Leur cœur se réchauffe devant un panorama qu’ils n’avaient pas découvert jusque-là, malgré leur familiarité avec les textes sacrés. Ils forcent l’inconnu à descendre chez eux : « Reste avec nous, car on arrive au soir et déjà le jour décline » (Luc 24, 29). (à suivre…)

vendredi 8 août 2014

Pain et Parole (3)

Pain et Parole (3)

De sorte que nous arrivons progressivement à l’identification avec Dieu que l’Apôtre avait atteint : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est que le Christ qui vit en moi » (Galates 2, 20). Et que nous puissions dire à notre Seigneur : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jean 3, 34). « Je pense que l’Évangile est le Corps du Christ ; je pense que les Saintes Écritures sont son enseignement. Et quand il dit : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang » (Jean 6, 53), ses paroles se réfèrent au Mystère [eucharistique], toutefois, le Corps et le Sang du Christ sont vraiment la Parole de l’Écriture, c’est l’enseignement de Dieu. (lire la suite) Quand nous nous référons au Mystère et qu’une miette de pain tombe, nous nous sentons perdus. Et quand nous écoutons la Parole de Dieu, c’est la Parole de Dieu et le Corps et le Sang du Christ qui tombent dans nos oreilles » (saint Jérôme, In Psalmum 147). C’est une nourriture qui rassasie sans rassasier, une Parole toujours nouvelle : « Le pain qui refait les forces sans s’épuiser lui-même, le pain qui peut être mangé mais ne peut être consommé » (saint Augustin, Sermon 130, 2). Nous nous rappelons ce cri du cœur de Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jean 6, 68). T’écouter, te parler, c’est déjà avoir la vie éternelle. « Le grand mal de notre époque est que l’on ne va pas vers Jésus comme vers notre sauveur et notre Dieu. L’amour pour Dieu qui n’est pas centré sur le saint sacrement de l’Eucharistie s’éteindra comme un bûcher qui n’est pas alimenté. Il faut retourner à la source, à Jésus ; non seulement à Jésus venu sur terre et glorifié dans le ciel, mais aussi et surtout à Jésus qui est toujours parmi nous dans l’Eucharistie » (saint Pierre Julien Eymard). Notre monde conspire contre cette écoute de Dieu, car il centre l’homme sur lui-même, il l’enferme dans un monde artificiel et bruyant. Or, l’écoute de Dieu suppose d’instaurer le silence intérieur : « Tu dois te taire : alors le Verbe de cette naissance pourra être prononcé en toi et tu pourras l’entendre ; mais sois bien sûr que si tu veux parler, lui doit se taire. On ne peut mieux servir le Verbe qu’en se taisant et en sortant. Si donc tu sors complètement de toi-même, Dieu entrera tout entier » (Jean Tauler, Sermon 1 pour la fête de Noël). Jésus s’adresse à nous du haut de la Croix, et il nous parle aussi, par conséquent, du tabernacle, dans lequel il s’est établi à demeure. « Ô vous qui avez soif du salut, venez aux eaux » (Isaïe 55, 1). Les eaux qui seules peuvent étancher la soif de notre âme, les eaux qui, comme le Seigneur nous le promet, sont vraiment cause de notre salut éternel. « Tout être qui se meut, partout où entrera l’eau du torrent, vivra […] : car dès que ces eaux y arriveront, les autres deviendront saines, et il y aura de la vie partout où arrivera le torrent » (Ézéchiel 47, 9). (à suivre…)

mercredi 6 août 2014

Pain et Parole (2)

Pain et Parole (2)

« Nous appelons cet aliment eucharistie, et personne ne peut y prendre part s’il ne croit à la vérité de notre doctrine, s’il n’a reçu le bain pour la rémission des péchés et la régénération, et s’il ne vit selon les préceptes du Christ. Car nous ne prenons pas cet aliment comme un pain commun et une boisson commune. De même que par la vertu du Verbe de Dieu, Jésus-Christ notre Sauveur a pris chair et sang pour notre salut, de même aussi l’aliment devenu eucharistique grâce à la prière formée pat les paroles du Christ, cet aliment qui doit nourrir par assimilation notre sang et nos chairs, est la chair et le sang de ce Jésus incarné : telle est notre doctrine » (saint Justin, Apologie 1, 66). Telle est notre conviction la plus profonde, corroborée, (lire la suite) avalisée par notre expérience et celle de nos frères et sœurs dans la foi qui adhèrent pleinement à cette réalité. Hugues de Saint-Victor s’exprime dans le même sens : « Le Verbe de Dieu revêtu de la chair humaine est apparu une seule fois de façon visible, et maintenant, chaque jour, ce même Verbe vient lui-même à nous sous le couvert d’une voix humaine. Différente, certes, est la manière dont il se fait connaître aux hommes, suivant que c’est par sa chair ou par la voix humaine. Et pourtant, d’une certaine façon, la voix du Verbe est à comprendre à présent comme la chair de Dieu l’était alors » (Hugues de Saint-Victor, Six opuscules spirituels, La Parole de Dieu 2). En participant activement au saint Sacrifice de la messe nous écoutons d’abord la Parole de Dieu que nous recevons ensuite sous une forme sacramentelle, de sorte qu’elle pénètre dans tout notre être et le façonne à son gré, « comme l’argile entre les mains du potier » (Jérémie 18, 4). C’est notre unique ambition. Nous nous abreuvons consciemment du Pain et de la Parole pour être à même de ressembler de plus en plus à notre Maître et Seigneur, de ne faire qu’un avec lui, tout comme toi, mon Père, tu es en moi, et moi en toi, pour que, eux aussi, ils soient un en nous, afin que le monde croire que tu m’as envoyé » (Jean 17, 21). Elle alimente donc toute notre existence, cette Parole. Il convient de la faire nôtre et de l’assimiler, de l’avaler en quelque sorte : « Mange ce livre, et va parler à la maison d’Israël. […] Fils d’homme, remplis ton ventre et repais tes entrailles de ce livre que je te donne. Je le mangeais et il fut dans ma bouche doux comme du miel » (Ézéchiel 3, 1.3). Cette Parole que nous entendons et sur laquelle nous nous arrêtons pour la méditer en profondeur, la retourner dans tous les sens et en tirer la « substantifique moelle » (Rabelais, Gargantua), elle nous est redonnée sous forme sacramentelle. Car elle ne fait qu’un avec Jésus-Christ réellement, authentiquement présent dans le très Saint-Sacrement. Elle est Jésus-Christ en Personne. Nous l’écoutons donc et nous la mangeons. Nous la savourons et par l’intelligence et par le cœur. (à suivre…)

lundi 4 août 2014

Pain et Parole (1)

Pain et Parole (1)

« Rien n’est plus vrai que cette Parole de Vérité » (hymne Adoro te). Quelle pauvreté dans notre langage ! Nous n’arrivons pas à exprimer correctement ce que nous ressentons et croyons de ce qui est, en effet, inexprimable en soi. Rien n’est plus vrai que cette parole, car il s’agit de la Parole, de Dieu lui-même. Et cette parole est vraiment de vérité, car elle s’identifie à la Vérité, elle est Dieu, selon ce que le Seigneur a dit : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie » (Jean 14, 6). Seule cette parole est donc vraie, authentiquement vraie. Elle seule mérite l’assentiment inconditionnel de notre intelligence et de notre volonté, l’adhésion de la foi. C’est une parole qui ne trompe pas. Elle projette une lumière d’une extraordinaire intensité sur notre chemin de vie. Car cette Parole est assurément la Lumière qui est venue dans le monde pour annihiler les ténèbres, pour renverser le cours de l’histoire et réorienter l’homme vers les choses d’en haut (cf. Colossiens 3, 1), vers son Créateur et Père. (lire la suite) Il n’est pas de parole plus exacte et plus précise, plus concrète et plus positive, plus utile et bienfaisante. Elle coule en nous comme le miel et le lait dans la Terre Promise (cf. Exode 3, 8), car elle est à elle seule la Jérusalem céleste, la nouvelle Terre de promission. Si le ciel est un « état de bonheur suprême et définitif » (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 1024), il nous fond en Dieu, il se confond avec Dieu, qui est Bonheur infini et ineffable, qui rassasie sans rassasier, auquel nous restons suspendus dans un émerveillement qui ne cesse de s’accroître et de se renouveler, qui nous fait voler de ravissement en ravissement, qui nous fait accéder à des sommets de paix et de joie. Cette Parole est vivante, car Jésus-Christ est « le même hier et aujourd’hui, et il sera éternellement » (Hébreux 13, 8). C’est une Parole qui nourrit non seulement notre intelligence en l’éclairant sur les vérités éternelles et fondamentales, mais qui rassasie également la faim de Dieu qu’abrite notre âme. En effet, « moi je suis le pain de vie, déclare Jésus. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif » (Jean 6, 35), car nous avons là « un médicament d’immortalité, antidote de la mort et vie éternelle en Jésus-Christ » (saint Ignace d’Antioche, Lettre aux Éphésiens 20, 2). Nous ne pouvons accéder au banquet eucharistique que si nous avons accueilli au préalable la Parole de Dieu qui nous révèle la vérité profonde de ce mystère sacramentel : la Parole qui nous affirme qu’elle est elle-même réellement et substantiellement enfermée dans les espèces du pain et du vin devenus le Corps et le Sang du Verbe éternel. La foi en cette vérité centrale de notre existence chrétienne doit précéder la réception du Pain des anges. (à suivre…)

samedi 2 août 2014

Le secret du Père (9)

Le secret du Père (9)

Ne pas rendre gloire à Dieu pour tout ce qu’il nous a donné – et il nous a donné magnanimement tout ce que nous possédons : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu de Dieu » (1 Corinthiens 4, 7) –, c’est nous approprier indûment ce qui lui appartient en propre, c’est commettre un vol, et un vol sacrilège puisque nous faisons nôtres des biens divins. (lire la suite) Veillons et prions donc ici-bas. Devenons de plus en plus des âmes de prière, conscientes qu’il faut « toujours prier et ne pas se lasser » (Luc 18, 1), sans discontinuer. S’il nous trouve ainsi, en train de prier, quand il viendra nous chercher, le Seigneur ne pourra que prolonger définitivement cette prière, en s’offrant à nous comme l’objet unique de notre contemplation amoureuse où tout est joie et bonheur absolu, que nul ni rien ne peut plus affecter. Seul un surcroît de gloire est envisageable. Une prière qui sera guidée par celle de la très Sainte Vierge, notre Mère si bonne et si sainte, qui a déjà animé et soutenu la prière de la chrétienté primitive, de l’Église naissante, au Cénacle d’abord (cf. Actes 1, 14) et par la suite, de façon si intime, la prière de Jean qui, dès le Samedi Saint, « la prit chez lui » (Jean 19, 27). (fin)