ce blog est bloqué à l'entrée en Chine depuis le mois de mai 2007

samedi 31 août 2013

Mission impossible (2)

Mission impossible (2)

Le Tout-Puissant dit encore à Moïse : « Je suis descendu pour le délivrer de l’Égypte et pour le tirer de ce pays dans une terre excellente et vaste, dans une terre ruisselant de lait et de miel » (Exode 3, 8). C’est une très bonne nouvelle. Seulement voilà. Si Dieu est tout à fait capable de délivrer son peuple par sa force que rien ne vient limiter, il veut compter avec une collaboration humaine. C’est pourquoi il formule un ordre à l’adresse de Moïse : « Maintenant, va : je t’envoie vers Pharaon, pour faire sortir d’Égypte mon peuple, les enfants d’Israël » (Exode 3, 10). L’entreprise n’est pas aisée en soi, même si Moïse a été éloigné du palais (cf. Exode 2, 10). Mais Pharaon avait cherché « à tuer Moïse » (Exode 2, 15) à la suite de l’assassinat qu’il a commis. (lire la suite) Aussi Moïse essaye-t-il de se défiler en prétextant qu’il n’a pas la parole facile, qu’il bégaye : « Ah ! Seigneur, je ne suis pas un homme disert, et cela hier comme avant-hier et même encore depuis que tu parles à ton serviteur : car j’ai la bouche et la langue embarrassés » (Exode 4, 10). Dieu veut se servir du truchement de l’homme, mais il ne choisit apparemment pas le plus idoine, le mieux doté pour la fonction qu’il lui confie. Toutefois, il précise : « Qui a donné une bouche à l’homme ? Qui rend muet ou sourd, clairvoyant ou aveugle ? N’est-ce pas moi, le Seigneur ? » (Exode 4, 11). Et, en vue de lui donner de l’assurance, il formule une promesse : « Je serai avec ta bouche et je t’indiquerai ce que tu devras dire » (Exode 4, 12). Tout semble donc pour le mieux. Moïse n’a pas à s’en faire ni à craindre le pharaon. D’autant que Dieu accepte que Moïse s’adjoigne Aaron, nettement plus loquace que lui. Seulement voilà, travailler avec le Seigneur et en son nom n’est pas synonyme de facilité. Certes, ceux qui cherchaient à faire périr Moïse sont morts (cf. Exode 4, 19), mais le Seigneur prédit à Moïse que son entreprise est vouée à l’échec : pharaon « ne laissera pas partir le peuple » (Exode 4, 21). À quoi bon affronter le péril, si l’issue négative est connue d’avance ? (à suivre…)

vendredi 30 août 2013

Obéir aux lois

Obéir aux lois

Comment l’Église peut-elle honorer le soldat Victor comme saint ? Comment peut-elle nous donner comme modèle un homme qui est condamné et exécuté parce qu’il a violé le serment de fidélité au drapeau, parce qu’il a désobéi à l’empereur ?... Le christianisme demande l’obéissance à Dieu, mais aussi aux hommes… Du moment que l’autorité humaine s’oppose aux commandements de Dieu reconnus clairement dans sa propre conscience, qu’elle détruit sa propre dignité, elle perd son droit de commander, elle abuse de son pouvoir… Une obéissance qui asservit les âmes, qui attente à la conscience et au sanctuaire le plus intime de la liberté humaine est l’esclavage le plus rude… c’est une attaque à Dieu lui-même… Saint Victor a confessé par son sang la vérité. Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Ma tête, ma vie appartiennent à l’empereur, mais pas ma conscience. Dieu veut nous donner à nous aussi le discernement et la force héroïque pour que jamais, par égoïsme ou par crainte des hommes, nous ne consentions au péché, salissant notre conscience pour gagner ou conserver la faveur des puissants mortels. C. A. von Galen, Homélie, 9 octobre 1937, citée dans T. Knecht, Mgr von Galen. L’évêque qui a défié Hitler, Paris, Parole et Silence, 2007, p. 50-51.

Mission impossible (1)

Mission impossible (1)

Le peuple élu se trouve depuis quatre siècles et trente ans dans le pays d’Égypte (cf. Exode 12, 41-42), dont la plupart ont été vécues dans la condition d’esclavage, après un début brillant et radieux, grâce à la position privilégiée de Joseph comme premier ministre du pharaon. Mais bien vite « il surgit en Égypte un nouveau roi qui ne connaissait pas Joseph » (Exode 1, 8). Quant bien même l’eût-il connu, lui et ses exploits, qu’il ne s’en serait pas moins inquiété de constater que « le peuple des enfants d’Israël est plus nombreux et plus puissant que nous » (Exode 1, 9). Ce qui semblait à ses yeux une menace intérieure contre la stabilité du régime, une sorte de cheval de Troyes. Aussi le roi décréta-t-il : « Allons ! Ingénions-nous contre lui, de peur qu’il ne s’accroisse [davantage encore], et que, une guerre survenant, il ne se joigne à nos ennemis pour nous combattre et ne sorte du pays » (Exode 1, 10). Réflexion qui peut paraître quelque peu contradictoire et paradoxale. Les Hébreux sont trop nombreux, certes… mais leur présence est quand même bien utile, puisqu’on les a réduits en esclavage et qu’ils fournissent ainsi une main d’œuvre bon marché et abondante et assurent les tâches serviles que les Égyptiens n’entendent pas réaliser par eux-mêmes. Le problème n’est pas d’aujourd’hui… (lire la suite) Voici quatre siècles que cette situation perdure… les générations se succèdent dans que le moindre espoir de renversement des circonstances apparaisse à l’horizon. Jusqu’au jour où Dieu s’adresse à Moïse dans le désert. Celui-ci s’enfuyait d’Égypte au pays de Midyam, car il avait tué un Égyptien qui opprimait ses frères de race ( cf. Exode 2, 12), fait qui était connu de beaucoup (cf. Exode 2, 14). Or, ayant épousé Sippora, la fille de Rouel, il « faisait paître le troupeau de son beau-père, prêtre de Midyam. Il mena le troupeau au-delà du désert, et il arriva à la montagne de Dieu, à Horeb. L’ange du Seigneur lui apparut dans une flamme de feu, du milieu du buisson » (Exode 3, 1-2). Moïse s’approcha du buisson ardent qui ne se consumait pas. Alors Dieu lui parla en ces termes : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob » (Exode 3, 6). Puis il ajouta : « J’ai bien vu la détresse de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu le cri que lui arrachent ses chefs de corvée, car je connais ses peines » (Exode 3, 7). Nous serions tentés de dire ; « Il était temps ! Près de quatre siècles d’asservissement, ce n’est pas rien ! » Mais Dieu a une notion plus exacte du temps que nous. s’il est a-temporel, c’est qui dirige l’histoire et le cours des événements de telle sorte qu’en dépit de la méchanceté des hommes ses plans éternels de salut finissent par s’accomplir tels qu’il les a dessinés. Mais ses voies ne sont pas les nôtres (cf. Isaïe 55, 8). (à suivre…)

mercredi 28 août 2013

Nos Béthanies (5)

Nos Béthanies (5)

Car, si elle ne permet pas de prier à tout moment, si elle n’unit pas directement à Dieu, elle perd sa fonctionnalité première, qui est d’être « le Temple du Saint-Esprit » (1 Corinthiens 6, 19), de sorte que nous ne nous appartenions plus (), mais que, « en esprit et en vérité » (Jean 4, 23), ce ne soit plus moi qui vive, mais le Christ qui vive en moi (cf. Galates 2, 20). C’est pour cela que Jésus-Christ descend chez moi. C’est pour cela que mon âme est son Béthanie, le lieu de son repos, la maison de l’Amitié. Il est assez extraordinaire de penser que je puisse contribuer au délassement du Seigneur… mais n’a-t-il pas affirmé qu’il trouve « ses délices parmi les enfants des hommes » (Proverbes 8, 31) ? Mon âme aussi est devenue un autre Béthanie à partir du moment où notre Dieu – la Trinité tout entière cette fois – non seulement y est descendue, mais s’y est établie à demeure. Plût au ciel qu’elle y trouve le repos et non l’agitation de Marthe. Plût au ciel qu’elle trouve des sentiments de paix et non les calculs retors d’un Judas. Plût au ciel qu’elle puisse nous reconnaître pour siens et dire en toute vérité, meus es tu (Psaume 2, 7), tu es vraiment mon enfant, et mes délices, mon bonheur, sont assurément d’être avec toi, chez toi (cf. Proverbes 8, 31). (fin)

mardi 27 août 2013

Nos Béthanies (4)

Nos Béthanies (4)

Béthanie, c’est donc l’oratoire, c’est la chapelle du Saint-Sacrement, où je peux venir m’agenouiller ou m’asseoir, voire me prosterner sans ostentation, en présence de mon Dieu. Et comme l’on comprend l’annotation autobiographique de la sainte d’Avila : « Notre Seigneur lui avait donné une foi si vive [à une âme], que lorsqu’elle entendait dire à quelqu’un qu’il aurait souhaité d’être venu au monde dans le temps que Jésus-Christ, notre Sauveur et tout notre bien, conversait avec les hommes, elle en riait en elle-même, parce que, croyant jouir aussi véritablement de sa présence dans la très sainte Eucharistie qu’elle aurait pu faire alors, elle ne comprenait pas qu’on put désirer davantage » (sainte Thérèse d’Avila, Le Chemin de la perfection, chap. 34). Elle n’a plus rien à espérer, (lire la suite) car il n’y a pas plus sublime ni plus réel en même temps que cette présence sacramentelle de notre Seigneur Jésus-Christ. En effet, que pouvons-nous désirer d’autre, de plus grand, si ce n’est le prolongement éternel de cette contemplation, de cette conversation dans la Jérusalem céleste, où il n’y aura plus de larmes (cf. Isaïe 26, 8) ? C’est pourquoi assurément Marie a choisi la meilleure part (cf. Luc 10, 42). Les pendules devraient s’arrêter, disait saint Josémaria, quand nous sommes face au mystère du Christ qui descend réellement sur nos autels, qui s’y rend aussi présent qu’il l’était il y a deux mille ans quand il instruisait ses disciples en particulier, qu’il enseignait la Bonne Nouvelle aux foules assoiffées de vérité et qu’il honorait de son amitié la maison de Béthanie. Cet autre tabernacle qu’est mon âme devrait être aussi un Béthanie pour le Seigneur. Correspond-elle à ce que Jésus en attend ? Est-elle aérée ou émet-elle les miasmes du péché ? Est-elle ordonnée ou est-ce un fouillis innommable où nul ne se retrouve ? Brille-t-elle de mille feux ou est-elle plongée dans une obscurité où l’on s’esquinte les yeux ? Est-elle calme et paisible ou agitée sous le poids des préoccupations mondaines ? Est-ce la quiétude ou la trépidation qui ne laisse pas de place à l’intériorisation et à la contemplation. Bref, répond-elle à la description faite par notre Seigneur : « Ma maison est une maison de prière » (Luc 45, 19) ? La réponse est facile à apporter. (à suivre…)

lundi 26 août 2013

Nos Béthanies (3)

Nos Béthanies (3)

« Je ne comprends pas comment l’on peut vivre chrétiennement sans ressentir le besoin d’une amitié constante avec Jésus dans la Parole et dans le Pain, dans la prière et dans l’Eucharistie » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 154). Nous avons effectivement bien des choses à voir avec notre Seigneur, bien des sujets de conversation à aborder avec lui. Nous nous sentons souvent désemparés face aux événements, déroutés par le tour même que prend la vie, en expérimentant dans notre corps la loi du péché, selon laquelle, comme l’écrit saint Paul fort de sa propre expérience : « Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas » (Romains 7, 19). Quelle attitude raisonnable adopter alors, sinon de venir voir Jésus dans le tabernacle et de lui ouvrir notre âme en grand, de dresser le constat de notre faiblesse, pour nous entendre répondre : « Ma grâce te suffit, car c’est dans la faiblesse que ma puissance se montre tout entière » (2 Corinthiens 12, 9). Autrement dit, si tu le veux vraiment, tu peux sortir vainqueur de tous tes combats, car je ne permettrai jamais que tu sois tenté au-dessus de tes forces (cf. 1 Corinthiens 10, 13). (lire la suite) Notre âme ne peut vivre en paix que lorsqu’elle repose dans le Christ, comme le constatait saint Augustin : « Seigneur, tu nous as créés pour toi, et comme notre cœur est inquiet tant qu'il ne repose pas en toi » (Confessions 1, 1, 1). Venons au tabernacle, pour poser notre tête contre le Cœur très Doux de notre Seigneur, comme Jean avait coutume de le faire (cf. Jean 13, 25). Nous entendons alors battre ce Cœur d’amour pour nous et pour toute l’humanité. Et nous cherchons à vivre alors à l’unisson de cet Amour. Nous nous sentons poussés à aimer tous les hommes à notre tour, à vouloir « que tous soient sauvés et qu’ils parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée 2, 4). En tant qu’homme, Jésus avait besoin de ces haltes à Béthanie, de l’affection de ses semblables. Et nous, en tant qu’hommes aussi, mais également du fait de notre condition de baptisés, nous avons besoin de revenir à cet autre Béthanie qu’est le tabernacle, où le Seigneur nous attend depuis deux mille ans : « Quand tu t’approches du tabernacle, songe que lui… il t’attend depuis vingt siècles » (saint Josémaria, Chemin, n° 537). « Je vous dirai que le tabernacle a toujours été pour moi comme Béthanie, cet endroit tranquille et paisible ou se trouve le Christ, où nous pouvons lui raconter nos préoccupations, nos souffrances, nos espérances et nos joies, avec la simplicité et le naturel avec lesquels lui parlaient ses amis, Marthe, Marie et Lazare. « C’est pourquoi, quand je parcours les rues d’une ville ou d’un village, je me réjouis de découvrir, même de loin, la silhouette d’une église ; c’est un nouveau tabernacle, une occasion de plus de laisser l’âme s’échapper, pour être, par le désir, aux côtés du Seigneur dans le Saint-Sacrement » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 154). (à suivre…)

dimanche 25 août 2013

Nos Béthanies (2)

Nos Béthanies (2)

Et la tendresse dont il a fait preuve envers nous, quel langage pourra l’exprimer ? Saint Jean en était frappé, et c’est pour cela qu’il disait : « Car Dieu a tellement aimé le monde ; qu’il a donné son Fils unique » (Jean 3, 16). Et si vous voulez entendre les paroles mêmes de Dieu, et apprendre toute l’affection qu’il a pour les hommes, écoutez ce qu’il dit par son prophète : « Une femme oublierait-elle son nourrisson, n’aurait-elle pas pitié du fruit de ses entrailles ? Quand bien même les mères oublieraient, moi, je ne t’oublierai point ! » (Isaïe 49, 15). […] Et d’autre part : « Comme un père a pitié de ses fils, ainsi le Seigneur a eu pitié de ceux qui le craignent » (Psaume 102, 13) » (saint Jean Chrysostome, Commentaire au psaume 41, 3-4). (lire la suite) « Qu’on n’aille pas me dire ; Et comment puis-je aimer Dieu, que je ne vois pas ? Il y a bien des gens que nous aimons sans les voir, comme par exemple nos amis, nos enfants ou nos parents, nos proches et nos familiers, lorsqu’ils sont en pays étranger. […] Même lorsqu’il s’agit de nos semblables, nous aimons ordinairement non seulement nos amis, mais encore les personnes qu’ils aiment. Et si une personne que nous aimons vient à nous dire : J’aime bien un tel ; quand il lui arrive quelque bonheur, il me semble que c’est à moi que l’on fait du bien ; alors nous faisons tout, nous employons toutes nos ressources pour procurer à cette dernière personne tout notre zèle, comme si nous voyions en elle celle même que nous aimons. Eh bien ! il nous est donné dès maintenant de donner cette preuve de notre amour pour Jésus. Il a dit qu’il aimait les pauvres et que si nous leur faisions du bien, il nous récompenserait comme s’il en avait été lui-même l’objet (cf. Matthieu 19, 21). Faisons alors tout pour leur venir en aide ; que dis-je ? Épuisons pour eux tous nos biens, persuadés qu’une leur personne, c’est Jésus même que nous nourrissons. Si vous voulez vous en convaincre, écoutez cette parole de Jésus-Christ : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli, nu, et vous m’avez vêtu ; j’ai été malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus à moi » (Matthieu 25, 35-36) » (saint Jean Chrysostome, Commentaire au psaume 41, 3). (à suivre…)

samedi 24 août 2013

Nos Béthanies (1)

Nos Béthanies (1)

Nous nous sommes plongés dans le climat de Béthanie à différents moments de la vie de notre Sauveur Jésus-Christ. ne nous en éloignons pas. Fréquentons Marthe, Marie et Lazare, qui ne manqueront pas de nous inviter chez eux pour, avec eux, dans ce nouveau Béthanie qu’est notre tabernacle, continuer d’écouter le Maître et de le servir, d’unir l’action – le travail - à la contemplation pour, avec lui, rendre gloire à son Père, qui est aussi pleinement notre Père, et donner notre vie pour que les autres l’aient – la vraie Vie, celle de la grâce, de l’inhabitation de la Très Sainte Trinité – et qu’ils l’aient surabondante (cf. Jean 10, 20). (lire la suite) Le tabernacle est un Béthanie, parce que nous nous y retrouvons avec notre Seigneur, et que nous pouvons y éprouver toute son affection débordante, l’y voir dans toute sa Beauté et toute sa Bonté, même si ce n’est pas avec les yeux du corps. Mais l’âme, elle, ne s’y trompe pas. Elle sent bien la proximité de son Bien-Aimé. Elle se sent aimée au superlatif. Elle reçoit avec reconnaissance toutes les leçons divines, dont la moindre n’est pas que Jésus se donne précisément lui-même à nous, avec son Corps, son Sang, son Âme et sa Divinité. Et qu’il nous permet de frayer avec lui, malgré notre indignité. Il y a trois choses principales qui font ordinairement naître l’amour en nous, explique saint Jean Chrysostome : « La beauté du corps, la grandeur des bienfaits et l’amour qu’on a pour nous. [Ces conditions] existent toutes les trois [en Dieu] à un tel degré de surabondance que le langage n’y peut atteindre. Et d’abord, la beauté de cette nature bienheureuse et sans tache est quelques chose de si prodigieux et de si inviolable que cela surpasse toute expression et échappe à toue pensée. Et quand je parle de beauté, ne soupçonnons rien de corporel, mon cher lecteur, mais bien une gloire immatérielle et une magnificence ineffable […]. David aussi, ayant en vue cette même beauté, et frappé de la gloire de cette nature bienheureuse, disait : « Ceins ton glaive à ton côté, Dieu puissant, dans ta splendeur, dans ta beauté » (Psaume 44, 4-5). […] Faut-il énumérer ses bienfaits ? Mais ici, encore, les paroles seront impuissantes. Aussi saint Paul disait-il : « Rendons grâce au Seigneur pour le don inexprimable qu’il nous a fait » (2 Corinthiens 9, 15). […] (à suivre…)

vendredi 23 août 2013

L’Ascension (3)

L’Ascension (3)

Les trois amis de Jésus apportaient en Provence le climat affectueux de leur foyer de Béthanie, prolongeant la présence du Christ parmi nous. Ce Christ qui est désormais mort et ressuscité, et qui est assis à la droite du Père, d’où il reviendra pour juger les vivants et les morts (cf. 2 Timothée 4, 1). Ce Christ qui vit parmi nous, car « là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Matthieu 18, 19). Et voici que « je suis avec vous toujours, jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28, 20) et au-delà même, pour l’éternité bienheureuse de la gloire céleste à laquelle je vous destine. (lire la suite) Il est resté d’une manière ineffable dans le très saint sacrement de l’Eucharistie, réellement et substantiellement présent pendant la sainte messe et dans nos tabernacles. Nous pouvons ainsi prolonger notre conversation intime avec le Seigneur. « Il est vrai que notre tabernacle, je l’appelle toujours Béthanie… — Deviens l’ami des amis du Maître : Lazare, Marthe, Marie. — Après quoi tu ne me demanderas plus pourquoi j’appelle notre tabernacle Béthanie » (saint Josémaria, Chemin, n° 322). C’est un conseil fort utile et avisé. C’est pourquoi sainte Thérèse pouvait dire, dans une remarque autobiographique : « Notre Seigneur lui avait donné une foi si vive à une âme], que lorsqu’elle entendait dire à quelqu’un ql aurait souhaité d’être venu au monde dans le temps que Jésus-Christ, notre Sauveur et tout notre bien, conversait avec les hommes, elle en riait en elle-même, parce que, croyant jouir aussi véritablement de sa présence dans la très sainte Eucharistie qu’elle aurait pu le faire alors, elle ne comprenait pas qu’on pût désirer davantage » (sainte Thérèse d’Avila, Le Chemin de la perfection 34). (suite : nos Béthanies)

jeudi 22 août 2013

L’Ascension (2)

L’Ascension (2)

Cette affirmation qui avait scandalisé le grand prêtre au point de s’en déchirer els vêtements (cf. Matthieu 26, 65), et plus encore de la considérer blasphématoire et d’en tirer prétexte pour faire condamner Jésus (cf. Matthieu 26, 66), cette affirmation se réalisera un jour. D’ici-là, « comme les apôtres, nous restons à la fois tristes et émerveillés en voyant qu’il nous quitte. Il n’est pas facile réellement de s’habituer à l’absence physique de Jésus, Je suis ému en pensant que — comble de l’amour ! — Il est à la fois parti et resté. Il est allé au ciel, et il se donne à nous comme aliment dans l’Hostie Sainte. Cependant, sa parole humaine, sa manière d’agir, de regarder, de sourire et de faire le bien nous manquent. Nous aimerions Le contempler encore lorsqu’il s’assied à côté du puits, fatigué par la dureté du chemin (cf. Jean 4, 6), quand il pleure sur Lazare (lire la suite) (cf. Jean 11, 35, quand il prie longuement (cf. Luc 6, 12), quand il a pitié de la foule (cf. Matthieu 15, 32 ; Marc 8, 2). Il m’a toujours paru logique que la Très Sainte Humanité de Jésus-Christ monte dans la gloire du Père, et cela m’a toujours rempli de joie, mais je pense aussi que cette tristesse, propre au jour de l’Ascension, est une marque de l’amour que nous ressentons pour Jésus notre Seigneur. Lui qui, étant Dieu parfait, s’est fait homme, homme parfait, chair de notre chair et sang de notre sang. Et il nous quitte pour aller au ciel. Comment ne nous manquerait-il pas ? » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 117). Jusqu’à un certain point. Car « Jésus-Christ est le même, hier, aujourd’hui, et il le sera éternellement » (Hébreux 13, 8). Après l’Ascension du Seigneur au ciel, nous perdons la trace de Marthe, de Marie et de Lazare. Du moins dans les Saintes Écritures. Parce que, selon la tradition… Selon la tradition, ils auraient débarqué à ce qui est aujourd’hui les Saintes-Maries-de-la-Mer, en Camargue, et ce, en compagnie de Marie-Salomé, mère des apôtres Jacques le Majeur et Jean, ainsi que de leur servante Sara, de Lazare, Marthe et Marie-Madeleine, de Maximin et de l’aveugle Sidoine, chassés de Judée par la persécution qui s’y était déclenchée. Toute cette équipée apportait avec elle le corps de sainte Anne, la grand-mère de notre Seigneur, que saint Auspice plaça à Apt, dans le Vaucluse, où il est vénéré de nos jours dans la cathédrale. (à suivre…)

mercredi 21 août 2013

L’Ascension (1)

L’Ascension (1)

Racontant l’Ascension de Jésus au ciel, au terme de quarante jours passés à compléter l’instruction de ses apôtres après sa Résurrection (cf. Actes 1, 3), saint Luc laisse entendre qu’elle se produisit à Béthanie : aduxit eos foras in Bethaniam, « il les emmena jusque vers Béthanie » (Luc 24, 50). Une église de l’Ascension commémore cet événement central du christianisme. Près de cette église, se trouve une chapelle construite par les Franciscains, en 1883. Elle renferme une stèle carrée, sur laquelle sont représentées les différentes scènes de la vie de Jésus-Christ à Béthanie. Elle se trouvait sur la place où la population de Jérusalem venait entendre chanter l’évangile de la rencontre de Marthe et de Marie avec le Seigneur, non loin de leur domicile, alors que leur frère Lazare avait déjà été mis au tombeau (cf. Jean 11, 30). Elle se trouve à l’embranchement de Béthanie à l’antique voie de Jéricho à Jérusalem. (lire la suite) À un kilomètre au sud-est de El-’Azariéh l’on peut voir aussi une petite église avec une coupole et un couvent, présentés aussi comme le lieu de la rencontre des amis de Béthanie. L’on y montre une pierre sur laquelle Jésus se serait assis, mais ce serait plutôt, selon l’évêque Arnulf, le lieu où Jésus venait converser avec ses disciples. « Il les emmena presque vers Béthanie », qui leur était si familier, « et, levant les mains, il les bénit. Alors qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et fut enlevé dans le ciel » (Luc 24, 50-51), « et s’assit à la droite de Dieu » (Marc 16, 19), « une nuée le déroba[nt] à leurs yeux » (Actes 1, 9). Jésus se fait de plus en plus petit au fur et à mesure qu’il s’élève dans les hauteurs célestes, jusqu’à ce que la nuée le cache complètement et que ses apôtres ne le voient plus du tout. « Comme ils tenaient leurs yeux fixés au ciel, alors qu’il s’en allait, voici que se présentèrent à ceux deux hommes vêtus de blanc, qui leur dirent : Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel. Ce Jésus, qui vous a quittés pour être enlevé au ciel, reviendra de la même façon que vous l’avez vu s’en aller au ciel » (Actes 1, 10-11). Quand « toutes les tribus de la terre se lamenteront, elles verront le Fils de l’homme arriver sur les nuées du ciel avec beaucoup de puissance et de gloire » (Matthieu 24, 30). Alors « dans l’avenir vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite de la Puissance et venir sur les nuées du ciel » (Matthieu 26, 64). En effet, le diacre Étienne, au moment de son arrestation, alors qu’une foule en furie l’entoure, déclarera : « Voici que je vois les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu » (Actes 7, 56). (à suivre…)

mardi 20 août 2013

Le figuier desséché (4)

Le figuier desséché (4)

Si, en approchant de nous, les autres ne trouvent que des feuilles, peut-être très reluisantes, d’un beau vert, mais des feuilles, ils pourraient aussi nous maudire, car notre condition de baptisé ne serait qu’un vernis, et ils ont droit à ce que nous leur enseignons la vérité, à ce que nous les guidions vers la Lumière. Ils seraient frustrés dans leur attente, car ils étaient en droit de trouver des fruits, de pouvoir recevoir de nous la nourriture substantielle, et d’être éclairés sur le chemin de leur vie. Quel malheur si, au lieu d’être une lumière, nous étions devenus ténèbres, car « les ténèbres dne l’on point reçu » (Jean 1, 5), Celui « en qui était la vie, et la vie était la lumière du monde » (Jean 1, 4). Nous serions alors un aveugle et un guide d’aveugles. « Or, si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse » (Matthieu 15, 14). (lire la suite) De retour enfin de journée, à la nuit tombée, les apôtres passent près du figuier maudit. Il fait alors trop sombre, malgré la lune naissante, pour qu’ils puissent vérifier l’état de l’arbre. D’ailleurs, la fatigue aidant, il n’y pensent probablement pas, mais ont plutôt hâte d’arriver chez leurs hôtes et de se délasser. Ce n’est donc que le lendemain matin qu’en passant « ils virent que le figuier était desséché jusqu’à la racine » (Marc 11, 20). Comme d’habitude, le Seigneur n’a pas fait son travail à moitié… L’arbre est définitivement sec, du sommet à la base, sans le moindre espoir qu’un surgeon puisse renaître un jour. Le figuier n’est plus bon qu’à être débité et jeté au feu. « Alors Pierre se souvint et lui dit : Rabbi, le figuier que tu as maudit est desséché » (Marc 11, 21). Qui pouvait en douter ? Ses feuilles ont jauni subitement et jonchent déjà le sol. C’est sans remède. « À ce spectacle, les disciples furent saisis d’étonnement et dirent : Comment le figuier s’est-il desséché instantanément ? » (Matthieu 21,20). Drôle de question, puisqu’ils en connaissent la réponse. N’avaient-ils pas entendu Jésus maudire le figuier ? Eux qui ont été témoins de miracles spectaculaires, d’un calibre nettement supérieur, les voilà qui sont malgré tout plongés dans la perplexité. Jésus doit leur répondre : « En vérité, je vous le dis : Si vous avez la foi et que vous n’avez pas d’hésitation, non seulement vous ferez le coup du figuier, mais même si vous dites à la montagne que voici – il leur désigne le mont des Oliviers sur lequel ils se trouvent – : Déplace-toi et jette-toi dans la mer ! cela arrivera » (Matthieu 21, 21). « Aussi je vous le dis : Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et vous l’obtiendrez » (Marc 11, 24). Priez avec foi, comme si c’était déjà fait, parce que mon Père nous l’a déjà accordé en esprit. C’est une question de foi. Qui nous amène quand même à dire au Seigneur : « Je crois, mais viens en aide à mon peu de foi » (Marc 9, 23), parce que quant à déplacer des montagnes d’ici à la mer… (suite : l’Ascension)

dimanche 18 août 2013

Le figuier desséché (3)

Le figuier desséché (3)

Nous avons l’obligation de porter du fruit. C’est pour cela que nous nous trouvons sur terre, et que nous appartenons à l’Église. « Ce n’est pas vous qui m’avez choisis, mais c’est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez, que vous donniez du fruit et que votre fruit soit durable » (Jean 15, 16). « Que plus jamais personne ne mange de tes fruits ! » (Marc 11, 14). « Parole dure en vérité ! Que jamais plus tu ne portes de fruits ! Quelle dut être la réaction des disciples, surtout s’ils songeaient que c’était la Sagesse de Dieu qui parlait ! Jésus maudit cet arbre, parce qu’il n’y a trouvé qu’une apparence de fécondité, que du feuillage. Nous apprenons ainsi qu’il n’y a pas d’excuse à l’inefficacité. Il se peut que l’on dise : « Je n’ai pas les connaissances requises... » Il n’y a pas d’excuse ! (lire la suite) Ou que l’on affirme : « C’est que la maladie, c’est que mon talent n’est pas grand, c’est que les conditions ne sont pas favorables, c’est que le milieu.. » Ces excuses ne tiennent pas davantage ! Malheur à qui se pare du feuillage d’un faux apostolat, à qui fait ostentation de la frondaison d’une vie apparemment féconde, sans essayer sincèrement de porter du fruit ! Il donne l’impression de profiter de son temps, d’agir, d’organiser, d’inventer de nouvelles méthodes pour tout résoudre... Mais il est improductif. Personne ne se nourrira de ses œuvres parce qu’elles manquent de sève surnaturelle » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 51). Comme toujours, les gestes du Seigneur ont valeur d’enseignement. Il ne maudit pas le figuier par déception, ou comme pour se venger d’une être inanimé, ce qui serait une imperfection de sa part, mais pour nous apprendre que nous devons toujours porter du fruit, nous qui ne sommes pas inanimés, en toute saison, à toutes les étapes de notre vie, dans tous les milieux où nous sommes présents. Nous ne pouvons pas nous abriter derrière de fausses excuses pour ne pas mettre la main à la pâte et ne pas participer à la tâche de l’évangélisation, ou pour ne pas nous préoccuper sérieusement de l’état de notre âme : je n’ai pas le temps, je suis trop pris par mon travail, je n’ai pas les qualités requises, « j’ai d’autres chats à fouetter », ma santé est fragile, il faut que je me repose, qui suis-je pour donner des leçons aux autres ? « Suis-je le gardien de mon frère ? » Genèse 4, 9). Le temps file entre nos doigts et les fruits ne viennent pas. Nous donnons l’apparence d’être très occupés, mais hélas pas à l’essentiel. « Mets ton temps à profit, je t’en prie. — N’oublie pas le figuier maudit. Il faisait pourtant quelque chose : produire des feuilles. Comme toi. — Ne me dis pas que tu as des excuses. — Le figuier n’a pas été sauvé, rapporte l’évangéliste, bien que lorsque le Seigneur alla pour en cueillir, ce ne fût pas le temps des figues. — Et le figuier demeura stérile à jamais » (saint Josémaria, Chemin, n° 354). (à suivre…)

samedi 17 août 2013

Le figuier desséché (2)

Le figuier desséché (2)

Jésus a faim. « Apercevant de loin un figuier qui avait des feuilles, il alla voir s’il y trouverait quelque chose ; mais étant allé auprès, il ne trouva que des feuilles, car ce n’était pas la saison des figues » (Marc 11, 13). Nous pourrions nous demander pourquoi le Seigneur prétend trouver des figues alors que ce n’est pas l’époque où l’arbre ploie sous ses fruits : nous ne sommes qu’en mars ou avril. C’est quand même singulier. En l’accompagnant, les apôtres ont dû être perplexes. Ils s’attendaient peut-être à un miracle, et à voir le figuier se couvrir tout à coup de quantité de figues, qui eussent fait leur délice… Il est vrai qu’il moissonne là où il n’a pas semé et recueille là où il n’a pas répandu (cf. Matthieu 25, 24). Et qu’en ordonnant de jeter le filet « à droite de la barque » (Jean 21, 6), il fait réaliser une pêche abondantissime au moment le plus inapproprié… (lire la suite) Ce n’est pas l’époque des fruits, et cependant Jésus voudrait en trouver, car il a faim ! Et c’est la déception. Qui pousse Jésus à une geste inattendu, presque disproportionné. « Alors il lui dit : Que jamais plus personne ne mange de tes fruits » (Marc 11,14). Et l’évangéliste de noter que « ses disciples entendaient » (Ibid.) cette malédiction qu’il avait portée. Comment se fait-il que le figuier ne porte que des feuilles ? Pensons à notre propre vie, aux fruits qu’elle est censée produire et qu’elle ne fournit peut-être pas. Pourquoi ? si nous accomplissons nos tâches quotidiennes par orgueil, pour plaire aux autres, pour être complimenté et loué (cf. Matthieu 6, 2), pour briller aux yeux des hommes, pour nous affirmer face aux autres, pour les écraser éventuellement, pour être considéré…, alors nous ne pouvons porter que des feuilles. Notre vie donne une apparence de vertu, mais cela ne peut pas aller plus loin. « Gardez-vous de faire vos œuvres de justice devant les gens, pour vous donner en spectacle ; autrement, vous n’aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux » (Matthieu 6, 1). Pour porter du fruit, et un fruit qui demeure (cf. Jean 15, 16), il nous faut œuvrer pour Dieu, lui offrir notre travail et chacune de nos journées. Car, « comme le sarment ne peut donner du fruit par lui-même, s’il ne demeure pas sur la vigne, ainsi, vous non plus si vous ne demeurez pas en moi. C’est moi qui suis la vigne, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit. […] Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il sera jeté dehors avec les sarments, et il deviendra sec : les sarments secs sont ramassés et jetés au feu, où ils brûlent » (Jean 15, 4-6). (à suivre…)

lundi 12 août 2013

La vie à Béthanie (2)

La vie à Béthanie (2)

Ce que Jésus a proclamé sur les chemins et dans les villages à grands traits, bien souvent en usant de paraboles, il nous l’explique alors plus à fond… Certes, le suivre n’est pas tous les jours une sinécure. Car l’effort nous fait peur. « Tu entends en toi une voix : « Qu’il est pesant ce joug dont tu t’es chargé librement ! » ... C’est la voix du diable, le fardeau... de ton orgueil. Demande l’humilité au Seigneur, et toi aussi tu comprendras ces paroles de Jésus : Iugum enim meum suave est, et onus meum leve (Matthieu 11, 30), que j’aime à traduire librement ainsi : mon joug est la liberté, mon joug est l’amour, mon joug est l’unité, mon joug est la vie, mon joug est l’efficacité » (saint Josémaria, Chemin de Croix, 2e station, point de méditation n° 4). (lire la suite) Ses amis de Béthanie sont des gens avec qui Jésus s’entend à merveille. Ils ne vont pas lui poser des questions piège, pour le prendre en défaut (cf. Matthieu 22, 15) et avoir de la matière pour l’accuser auprès des autorités juives (cf. Matthieu 12, 10). La situation n’est pas tendue, conflictuelle, qui exige d’être tout le temps sur le qui vive. L’on n’entend aucun propos malveillant. Et comme c’est calme après les attroupements bigarrés, les foules enthousiastes qui en réclament toujours plus, qui se bousculent continuellement pour s’approcher du Seigneur, « se jetaient sur lui pour le toucher » (Marc 3, 10), et parvenir à ne toucher ne serait-ce que le bord de son manteau, sachant par expérience que tous ceux qui le touchaient étaient guéris (cf. Matthieu 14, 36). C’était vraiment épuisant en permanence. Mais Jésus faisait face, le sourire aux lèvres, à ces assauts sans cesse renouvelés, car ces gens étaient là « comme des brebis sans pasteurs » (Marc 6, 34) et qu’il venait à eux en tant que Bon Pasteur, qui donne sa vie pour ses brebis (cf. Jean 10, 11), et qu’il est ému de compassion en constatant leur détresse morale (cf. Matthieu 9, 36). À Béthanie, il n’y a rien de tout cela. C’est une véritable oasis. Marthe peut troubler éventuellement un peu la paix, l’affaire de quelques instants (cf. Luc 10, 40). Mais il s’agit d’une énervement passager, et qui amuse même le Seigneur, parce qu’il part d’une bonne intention. Lazare attendait le retour du Maître. Et Jésus, lui aussi, attendait l’occasion de revenir à Béthanie, manifestant par là sa très Sainte Humanité. Cor meum vigilat, « Je dors, mais mon cœur veille » (Cantique des cantiques 5, 2). Il espère que nous lui ouvrions notre âme et que nous lui raconterons tout ce qui nous est arrivé, tout ce dont nous avons été témoin ou acteur, que nous lui parlions des membres de notre famille, de nos collègues, de nos amis et que nous lui fassions part de leurs besoins… (suite : le figuier desséché)

dimanche 11 août 2013

La vie à Béthanie (1)

La vie à Béthanie (1)

Quand il se rend à Béthanie en fin de journée, le Seigneur doit gravir les pentes du jardin des Oliviers. Il passe à proximité de la propriété de la mère de l’évangéliste saint Marc, si l’on en croit la tradition, où il aimait aussi se réunir avec ses apôtres, et où il devait connaître les pires heures de sa vie, le moment de son agonie et de son arrestation. Certes, il se rend chez ses amis, Marthe, Marie et Lazare, ce qui est une perspective réjouissante. Mais il ne peut en même temps s’empêcher de penser à ce qui l’attend en ces lieux et qui occupe son esprit en permanence, car, (lire la suite) comme il le précisera, « c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure » (Jean 12, 27). À la joie d’une journée bien remplie et du bien qu’il a produit dans tant d’âmes, des miracles accomplis, et à celle de retrouver l’hospitalité si bienfaisante de ses amis, s’unissent des pensées d’amertume et de tristesse qui étreignent son cœur. La tristesse qui lui arrachera des sanglots quand il se rendra pour la dernière fois à la Cité Sainte (cf. Luc 19, 41), venant précisément de Béthanie. La vie est ainsi faite, d’un mélange de sentiments contrastés. Mais nous devons savoir les orienter tous vers Dieu. Nous pouvons appliquer ici ce que le Seigneur a dit un jour : « (). Simon le lépreux a été guéri de sa maladie corporelle. La femme a été guérie de sa maladie spirituelle. Un exemple nous a été donné, pour que nous fassions de même et que nous soyons compréhensifs envers les autres et leur accordions volontiers notre pardon. Voyez-vous comme le contact avec le Seigneur nous est bénéfique ? Et comme il nous aide à vivre le conseil fondamental de toute vie chrétienne qui se respecte : « Aspirez aux dons supérieurs », aux dons meliora, « les meilleurs » (1 Corinthiens 12, 31). C’est, en effet, que le bien tend à se répandre par lui-même (cf. saint Thomas d’Aquin). Le Christ ne répand que le bien sur son passage : bene omnia fecit, « il a tout [très] bien fait, à la perfection (Marc 7, 37). Et sa fréquentation nous guérit de nos infirmités en même temps qu’elle fait naître en nous des désirs de dépassement, de fidélité amoureuse, d’œuvres de foi. C’est dans l’atmosphère normale d’une famille normale que je veux entendre le Seigneur m’exposer la normalité d’une vie consacrée tout entière à le suivre et à l’aimer. C’est dans ce contexte, où l’on s’aime et où l’on se comprend, que j’attends de lui des orientations concrètes pour ma vie normale et courante. (à suivre…)

samedi 10 août 2013

L’entrée triomphale à Jérusalem (3)

L’entrée triomphale à Jérusalem (3)

C’est le trône que Jésus a choisi pour entrer à Jérusalem – cet âne bien quelconque – et pour se rendre présent dans le monde, la pauvre étable de notre âme dont la propreté laisse tant à désirer… Il veut régner à partir de là. Sans façon. Sans éclat. Mais bien réellement. « Rappelez-vous les traits caractéristiques de l’âne, non de ceux du vieil âne, têtu et rancunier qui se venge d’une ruade traîtresse, mais de ceux de l’âne jeune, aux oreilles dressées comme des antennes, austère dans sa nourriture, obstiné dans le travail, au trot allègre et décidé. Certes, il existe des centaines d’animaux plus beaux, plus habiles et plus cruels, mais c’est lui qu’a choisi le Christ pour se présenter en roi au peuple qui l’acclamait. Car Jésus n’a que faire de l’astuce calculatrice, de la cruauté des cœurs froids, de la beauté qui brille mais qui n’est qu’apparence. Notre Seigneur aime la joie d’un cœur jeune, la démarche simple, la voix bien posée, le regard limpide, l’oreille attentive à sa parole affectueuse. C’est ainsi qu’Il règne dans l’âme » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 281). (suite : la vie à Béthanie)

vendredi 9 août 2013

L’entrée triomphale à Jérusalem (2)

L’entrée triomphale à Jérusalem (2)

Jésus se contente de peu. Et nous ? Peut-être veut-il nous inviter à méditer sur les qualités de l’âne : un animal austère, travailleur, laborieux, patient, humble pourrions-nous dire. Un animal qui, faisait remarquer saint Josémaria, sait persévérer jour après jour en tournant autour de la noria pour faire monter l’eau qui inonde la terre et permet au jardin maraîcher de produire ses fruits et ses plantes, qui serviront de nourriture aux habitants de la contrée. Ne serait-il pas l’image de ce que nous devrions être ? Constamment occupés à travailler à notre place, bien souvent modeste, répétant (lire la suite) humblement chaque jour les mêmes gestes, et, par l’offrande de nos activités, répandant autour de nous l’eau de la grâce qui apporte aux autres des bienfaits surnaturels, la vie divine, qui n’a pas d’équivalent parmi les biens de la terre. « Ceux qu’il envoyait partirent, et ils trouvèrent tout comme il le leur avait dit. Comme ils détachaient l’ânon, ses maîtres leur dirent : Pourquoi détachez-vous cet ânon ? Ils dirent : C’est le Seigneur qui en a besoin. Ils l’amenèrent à Jésus » (Luc 19, 32-35). Sur le moment, ils n’y pensent pas, mais ils se rappelleront plus tard que « cela arriva pour que s’accomplît la parole du prophète, quand il dit : Dites à la fille de Sion : voici que ton roi vient à toi, modeste et monté sur une ânesse et sur un ânon, le petit d’une bête de somme » (Matthieu 21, 4-5). En plus d’accomplir cette prophétie de Zacharie (9, 9), le fait que Jésus jette son dévolu sur un humble monture nous rassure quant à notre participation aux plans de salut, quant à la coopération que nous pouvons apporter au Seigneur. « Si la condition, pour que Jésus règne en ton âme et en la mienne, était qu’Il trouve en nous une demeure digne, nous aurions de quoi nous désespérer. Mais sois sans crainte, fille de Sion: voici venir ton roi, monté sur le petit d’une ânesse (Jean 12, 15). Voyez de quel pauvre animal Jésus se contente pour trône. je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais personnellement cela ne m’humilie pas de me reconnaître âne aux yeux du Seigneur: j’étais une brute devant toi. Et moi, qui restais devant toi, tu m’as saisi par ma main droite (Psaume 72, 23-24), tu me conduis par le licol » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 281). (à suivre…)

jeudi 8 août 2013

L’entrée triomphale à Jérusalem (1)

L’entrée triomphale à Jérusalem (1)

Jésus arrive de Jéricho, où il a guéri l’aveugle Bar-Timée qui criait à tue-tête : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi » (Luc 18, 38), et où il a obtenu la conversion foudroyante du publicain Zachée qui est totalement transformé, décidé même « à donner la moitié de mes biens aux pauvres, Seigneur, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je lui rendrai le quadruple » (Luc 19, 8). Notre Seigneur se rend à la Cité Sainte pour sa dernière Pâque parmi nous. « Il prit résolument la direction de Jérusalem » (Luc 9, 51) marchant « en tête » (Luc 19, 28). Il est pressé d’en finir, car, comme il le déclare : « J’ai un baptême à recevoir, et comme je suis dans l’angoisse jusqu’à ce qu’il soit accompli » (Luc 12, 50). « Quand il approcha de Betphagé et de Béthanie, vers le mont dit des Oliviers, il envoya deux de ses disciples » (Luc 19, 29) en avant. C’est donc dans les environs de Béthanie, des parages bien connus et si souvent parcourus, que va se former le cortège improvisé, mais combien étonnant et bigarré, au milieu duquel Jésus va faire son entrée triomphale dans la Ville Sainte, monté sur un âne paisible, et comme indifférent à tout ce qui se passe autour de lui. (lire la suite) Le Cœur Sacré de Jésus déborde du désir ardent de nous racheter, de sauver toute l’humanité, et de devenir l’Agneau pascal du festin des noces salvatrices, qui porte un coup fatal et définitif à l’ennemi héréditaire et triomphe à jamais du péché, de tout péché. Le royaume de Dieu est sur le point de déployer toute sa puissance. Le Sauveur veut comme nous laisser un témoignage éclatant de son libre abandon à la Volonté du Père. C’est pourquoi, arrivé à la hauteur de Béthanie, il dépêche deux de ses disciples avec pour mission : « Allez-vous-en, dit-il, au village d’en face. En y entrant, vous trouverez un ânon attaché, sur lequel personne au monde n’est jamais monté ? détachez-le et amenez-le » (Luc 19, 30). Un âne n’a rien d’une monture exceptionnelle. N’eût-il pas été plus spectaculaire d’entrer monté sur un chameau ou un dromadaire ? Mais le Maître est pauvre, terriblement pauvre. Il a toujours vécu dans le dénuement. Et si « les renards ont des tanières et les oiseaux des nids », le Fils de l’homme « n’a pas où reposer sa tête » (Matthieu 8, 20). Et son corps reposera dans un tombeau d’emprunt (cf. Matthieu 27, 60). Alors il se contentera d’un ânon, emprunté lui aussi, le temps de la fête. « Que si l’on vous demande : Pourquoi le détachez-vous ? vous direz : C’est le Seigneur qui en a besoin » (Luc 19, 31), et il le « renverra sans retard » (Matthieu 21, 3). (à suivre…)

mercredi 7 août 2013

Chez Simon le lépreux (7)

Chez Simon le lépreux (7)

Ce mouvement important de foule, tous ces gens, certains influents, attirés par ce qui s’est produit les jours derniers, irrite et inquiète au plus haut point les autorités juives, qui en prennent ombrage. Nous savons qu’après la résurrection de Lazare, elles avaient déjà décidé de faire mourir notre Seigneur (cf. Jean 11, 53). Cette fois, « les grands prêtres décidèrent de faire mourir aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs les quittaient à cause de lui et croyaient en Jésus (Jean 12, 10), ce qui leur apparaissait comme « l’abomination de la désolation » (Daniel 9, 27), car cet homme, étant homme, « disait encore que Dieu était son Père, se faisant égal à Dieu » (Jean 5, 12). (lire la suite) « Dans l’impuissance de l’accuser en suivant leur tactique ordinaire, et devant un miracle aussi resplendissant, ils en viennent à des projets homicides. Ils en fussent venus là également à propos de l’aveugle-né sans la circonstance de la violation du sabbat. Et puis, ce dernier était un homme obscur ; aussi le chassèrent-ils du Temple. Lazare, au contraire, était un, personnage important, comme il est aisé d’en juger par le grand nombre de Juifs qui vinrent offrir à ses sœurs leurs consolations ; enfin, sa résurrection s’était accomplie sous les yeux d’une foule nombreuse et de la manière la plus admirable. Parce que l’on accourait de tous les côtés à ce sujet, et que l’on désertait la fête pour venir à Béthanie. Les Juifs en étaient extrêmement vexés. C’est pourquoi ils tentèrent de faire périr Lazare, comme s’il s’agissait d’une chose ordinaire, tant leur inclination au meurtre était prononcée ! Aussi la loi qui leur était destinée commençait-elle par ces paroles : ‘Vous ne tuerez pas’ (Exode 20, 13) ; et le prophète leur adressait-il ce reproche : ‘Vos mains sont souillées de sang’ (Isaïe 1, 15) » (saint Jean Chrysostome, Homélies sur saint Jean 66, 1). (suite : l’entrée triomphale à Jérusalem)

mardi 6 août 2013

Chez Simon le lépreux (6)

Chez Simon le lépreux (6)

Dans le récit de Jean, c’est ce Judas, « un des disciples, celui qui devait le livrer, [qui] dit : Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, qu’on aurait donné à des pauvres ? » (Jean 12, 5). « Judas, dans un semblant de charité, reprend Marie de son action. Le Christ lui répond : ‘Elle a fait une excellente chose, en vue de ma sépulture.’ Pourquoi ne le reprend-il pas vivement au sujet de cette femme, et ne déclare-t-il pas, ainsi que le fait l’Évangéliste, quel était le motif secret de son observation ? Il voulait par sa patience le pousser à changer. Qu’il connût ses projets de trahison, il le lui avait montré ouvertement en disant que tous ses disciples ne voyaient pas ‘que l’un d’entre eux était un démon’ (Jean 6, 71). Qu’il connût donc les projets de Judas, il le fit voir clairement ; toutefois, (lire la suite) il ne les lui reproche pas formellement, et il use d’indulgence, afin de l’amener à de meilleurs sentiments. Un autre évangéliste ne dit-il pas que tous les disciples se récrièrent en même temps ? Ils se récrièrent tous, Judas comme les autres, mais ceux-ci dans une autre intention que celui-là » (saint Jean Chrysostome, Homélies sur saint Jean 65, 2). Marie a bien agi. C’est elle qui a raison, comme Jésus tient à le souligner. Le dénouement est le même que chez l’autre évangéliste. Marie ne pensait pas faire quelque chose d’extraordinaire, car, quand l’on aime vraiment, l’on ne calcule pas. Et, quand celui que l’on aime est Dieu, rien n’est trop beau. Marthe et Marie n’avaient-elles pas reconnu quelques jours plus tôt la divinité de Jésus quand il était venu chez elles et qu’il avait ressuscité leur frère Lazare ? « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Messie, le Fils de Dieu, qui devait venir dans le monde » (Jean 11, 27). Marie a peut-être eu l’intuition que, le moment venu, elle n’aura pas le temps suffisant pour oindre le corps de Jésus et l’embaumer comme il faut. Elle prend les devants : « Elle a, par avance, parfumé mon corps pour l’ensevelissement » (Marc 14, 8). « Des Juifs en foule considérable surent qu’il était là, et ils y vinrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir Lazare qu’il avait ressuscité d’entre les morts » (Jean 12, 9). La curiosité s’y mêle sans doute. Mais ces gens ne peuvent que louer le Tout-Puissant qui a donné un tel pouvoir à un homme. Ils rappliquent de partout. C’est que ce miracle n’a rien de banal. C’est en quelque sorte la « mère des miracles », et comme une annonce de la Résurrection à venir du Christ. s’il a le pouvoir de ressusciter des morts, il pourra bien revenir lui aussi de la mort. Il l’a d’ailleurs annoncé clairement : « Je donne ma vie pour la reprendre. Personne ne me l’enlève ; mais je la donne de moi-même. J’ai pouvoir de la donner et j’ai pouvoir de la reprendre » (Jean 10, 17-18). (à suivre…)

lundi 5 août 2013

Chez Simon le lépreux (5)

Chez Simon le lépreux (5)

Le récit du même événement par saint Jean diffère quant à la date, « six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie, où était Lazare, que Jésus avait ressuscité des morts » (Jean 12, 1), et quant au lieu, car il semble se dérouler chez Marthe, Marie et Lazare. C’est d’ailleurs l’hypothèse que n’hésite pas à retenir le même commentateur, saint Jean Chrysostome : « Comment douter de la résurrection de Lazare en le voyant manger et agir plusieurs jours après ? Il s’ensuit manifestement que le repas se donna alors dans la maison même du ressuscité ; car ses sœurs et lui reçoivent Jésus comme des amis tendrement aimés. […] Marie, elle, ne servait pas ; elle était toute occupée à écouter Jésus. Ici aussi elle nous offre une conduite beaucoup plus spirituelle. Si elle ne servait pas, si elle ne vaquait pas aux soins ordinaires de la maison, c’est qu’elle était appelée : son unique dessein était d’honorer le Sauveur, de l’honorer non comme un homme, mais comme un Dieu. Voilà pourquoi elle répand sur sa tête un parfum et elle l’essuie avec ses cheveux, preuve évidente qu’elle a de Jésus une idée toute autre que le vulgaire » (saint Jean Chrysostome, Homélies sur saint Jean 65, 2). (lire la suite) Pour le reste, nous avons aussi une différence notable en ce que, cette fois-ci, c’est Judas l’Iscariote qui se révolte contre le « gaspillage » apparent de cette femme versant de l’huile. Cette femme est appelée ici Marie. C’est donc la sœur de Lazare et de Marthe, ce qui milite bien en faveur du déroulement de l’action chez elle… « Marie prit alors un parfum de nard vrai, d’un grand prix, en oignit les pieds de Jésus – et non plus la tête, comme chez saint Matthieu et saint Marc – et lui essuya les pieds avec ses cheveux : toute la maison fut pleine de l’odeur du parfum » (Jean 12, 3). Matthieu et Marc parlaient d’un flacon. Pour un flacon, c’est un grand flacon, puisqu’il contient une livre de parfum… Cette fois-ci donc c’est Judas qui proteste. Sans doute reçoit-il le consentement, l’approbation des autres apôtres et peut-être même de tus les convives scandalisés par le comportement insensé de cette femme. mais Jean fait remarquer qu’en critiquant Marie, « il dit cela, non qu’il eut souci des pauvres, mais parce qu’étant voleur et que, tenant la bourse, il dérobait ce qu’on y mettait » (Jean 12, 5). « Si l’on demande la raison pour laquelle le Sauveur avait confié au disciple infidèle l’argent destiné aux pauvres, et choisi pour trésorier le disciple que dévorait l’avarice, nous répondrions que Dieu seul connaît ce mystère ; tout au plus oserions-nous dire par conjecture qu’il voulait le rendre ainsi de tout point inexcusable. En effet, Judas ne pouvait plus alléguer comme mobile de sa trahison l’amour de l’argent, puisqu’il lui était si facile de satisfaire sa cupidité : il n’obéissait donc qu’à la noirceur et à la perversité de son âme, à cette même perversité que le Christ, dans son indulgence inépuisable, s’efforçait de réprimer » (saint Jean Chrysostome, Homélies sur saint Jean 65, 2). (à suivre…)

dimanche 4 août 2013

Chez Simon le lépreux (4)

Chez Simon le lépreux (4)

En effet, le Maître conclut en ajoutant : « En vérité, je vous le dis : Partout où sera proclamé le Bon Message – mon Évangile – dans le monde entier, on racontera aussi, en mémoire d’elle, ce qu’elle vient de faire » (Matthieu 26, 13 ; Marc 14, 9). La péroraison est inattendue. Elle montre le prix que Jésus attache à l’amour, à l’amour accompagné d’une véritable contrition des péchés. Un amour qui se manifeste aussi pour nous par le soin que nous apportons à entourer de respect le corps du Christ dans la liturgie. En agissant de la sorte, cette femme nous donne une leçon quant à notre comportement envers le Seigneur dans le culte divin, qui ne peut pas être « misérabiliste » : « Cette femme, qui répandit, chez Simon le lépreux, (lire la suite) à Béthanie, un parfum coûteux sur la tête du Maître, nous rappelle au devoir d’être magnifiques dans le culte de Dieu. — Tout le luxe, la majesté et la beauté du monde me semblent peu. — Et contre ceux qui s’en prennent à la richesse des vases sacrés, des ornements, des retables…, s’élève la louange de Jésus : Opus enim bonum operata est in me, c’est une bonne œuvre que cette femme a faite envers moi » (saint Josémaria, Chemin, n° 527). Les apôtres n’en reviennent pas. Leurs récriminations ont permis au Maître de préciser un point important de son message : nous ne devons pas condamner, mais accueillir toujours les bras grand ouverts le pécheur repentant. N’était-ce pas le cœur de la parabole du fils prodigue (cf. Luc 15, 11-32) ? Il faut du temps pour assimiler les enseignements du Christ. En tout cas, les évangélistes, écrivant sous l’action du Saint-Esprit, ne manqueront pas de rapporter l’événement. Quant à Judas, « le traître ne fut pas touché ; il ne fut pas saisi de crainte lorsqu’il entendit que l’Évangile serait prêché dans toutes les contrées du monde. C’était là, néanmoins, la preuve d’une puissance ineffable : mais, pendant que des femmes, et des femmes perdues, rendaient de telles louanges au Sauveur, Judas accomplissait l’œuvre du diable » (saint Jean Chrysostome, Homélies sur saint Matthieu 80, 2). « Alors un des Douze, celui qui s’appelait Judas Iscariote, alla trouver les grands prêtres. ‘Que voulez-vous me donner, leur dit-il, et je vous le livrerai ?’ Ils lui garantirent trente pièces d’argent » (Matthieu 26, 14-15). (à suivre…)

samedi 3 août 2013

Chez Simon le lépreux (3)

Chez Simon le lépreux (3)

« Mais Jésus, s’étant aperçu de la chose, leur dit : ‘Pourquoi peiner cette femme ? Car c’est une bonne action qu’elle a faite à mon endroit’ » (Matthieu 26, 10). Voilà pour commencer. Bien loin de lui reprocher son comportement, notre Seigneur en souligne le côté positif. « C’est une bonne action. » Et puisqu’ils se sont montrés soucieux des pauvres, ce qui est sentiment noble, Jésus ajoute : « Toujours, en effet, vous aurez des pauvres avec vous », et vous aurez donc tout le loisir de leur venir en aide, « mais moi, vous ne m’aurez pas toujours » (Matthieu 26, 11). Ne vous ai-je pas dit : « La Pâque, comme vous le savez, a lieu dans deux jours, et le Fils de l’homme va être livré pour être crucifié » (Matthieu 26, 2) ? Moi, vous ne m‘aurez pas toujours avec vous. « Encore un peu, et vous ne me verrez plus » (Jean 16, 16). « En vérité, (lire la suite) en vérité, je vous le dis : Vous pleurerez et vous vous lamenterez, vous autres, alors que le monde sera dans la joie » (Jean 16, 20). Laissez donc cette femme tranquille, car, « en mettant ce parfum sur mon corps, c’est pour m’ensevelir qu’elle l’a fait » (Matthieu 26, 12). « Ce qu’elle pouvait faire, elle l’a fait : elle a, par avance, parfumé mon corps pour mon ensevelissement » (Marc 14, 8). Jésus « nous apprend à tous par un tel langage que nous devons accueillir et favoriser un bien quelconque, n’importe quel en sera l’auteur, et tâcher de le conduire à la perfection, au lieu d’exiger qu’il soit parfait dès le principe. […] De même que, si quelqu’un eût posé la question avant l’acte de cette femme, il aurait déclaré que cela ne devait pas se faire ; de même, l’acte une fois accompli, il ne se propose qu’une chose ; de mettre cette femme à l’abri des pénibles récriminations de ses disciples, et de l’acheminer par ses encouragements vers un plus grand bien. Quand l’huile était déjà répandue, leur réprimande devenait intempestive. […] Il n’a pas voulu refroidir la piété de cette femme, et tout ce qu’il dit tend à l’encourager. Puis, comme il avait prononcé cette parole : ‘Elle l’a fait pour ma sépulture’, craignant de l’avoir jetée dans l’anxiété par cette image funèbre, en évoquant les idées de sépulture et de mort, voyez comment il la relève, en ajoutant : ‘Ce qu’elle a fait sera raconté dans le monde entier’ » (saint Jean Chrysostome, Homélies sur saint Matthieu 80, 2). (à suivre…)

vendredi 2 août 2013

Chez Simon le lépreux (2)

Chez Simon le lépreux (2)

Pour le moment toutefois, elle fait l’objet de la réprobation générale. En effet, « il y en eut qui s’indignèrent entre eux » (Marc 14, 4). Saint Matthieu, qui était présent, va jusqu’à dire que, « ce voyant, les disciples dirent avec indignation : À quoi bon ce gaspillage ? » (Matthieu 26, 8). Ils sont unanimes à déplorer le geste de la femme qui leur apparaît comme scandaleux. « Et d’où vint aux disciples une telle pensée ? C’est qu’ils avaient entendu le Maître leur dire : ‘Je veux la miséricorde, et non le sacrifice’ (Osée 6, 6) ; reprocher aux Juifs de laisser de côté les choses importantes, le jugement, la miséricorde et la foi ; recommander notamment l’aumône dans son sermon sur la montagne. Recueillant tous ces faits, ils pensaient (lire la suite) en eux-mêmes que, si le Seigneur n’admettait pas les holocaustes et les cérémonies de l’ancienne loi, à plus forte raison devait-il réprouver l’effusion de ce parfum. Voilà quelle était leur appréciation ; mais lui qui voyait les sentiments de cette femme, approuva son action. Elle était animée d’une piété sincère, d’une admirable ferveur : il lui permit donc, avec une condescendance non moins admirable, de lui verser sur la tête l’huile qu’elle portait » (saint Jean Chrysostome, Homélies sur saint Matthieu 80, 1). Le raisonnement n’est pas le même. L’approche n’est pas identique. Le Seigneur se place d’ordinaire sur un autre plan que ses apôtres, qui en restent encore à des considérations très humaines. Ils ont vite fait de jauger le vase et son contenu pour en estimer la valeur : « On aurait pu vendre ce parfum bien cher et en donner le prix aux pauvres » (Matthieu 26, 9), un prix évalué à « plus de trois cents deniers » (Marc 14, 5). C’est-à-dire, précise ma version de la Bible, le prix d’un esclave. Cela ne nous dit rien de nos jours, fort heureusement. Mais enfin, l’on n’achetait pas un esclave tous les jours. C’était manifestement une dépense très coûteuse, à en juger par la réaction des disciples du Seigneur qui « grondaient contre elle » (Marc 14, 5), la dénigrant et lui en voulant. (à suivre…)

jeudi 1 août 2013

Chez Simon le lépreux (1)

Chez Simon le lépreux (1)

« Or, c’était la Pâque et les Azymes deux jours après, et les grands prêtres et les scribes cherchaient le moyen de se saisir de lui par ruse afin de le mettre à mort. Toutefois ils disaient : Pas pendant la fête, de peur qu’il n’y ait un mouvement du peuple » (Marc 14, 1-2) en sa faveur et que, qui sait, nous nous trouvions forcés de le libérer aussitôt arrêté. C’est dans ce climat délétère que Jésus, comme il « était à Béthanie, chez Simon le lépreux » (Marc 14, 3), (lire la suite) va avoir une fois de plus l’occasion de montrer son pouvoir divin. En effet, « voici qu’une femme vint avec un flacon de parfum de nard vrai, d’un grand prix » (Marc 14, 3), et, « pendant qu’il était à table, le lui versa sur la tête » (Matthieu 26, 7). Ce n’était pas le meilleur moment pour ce faire. Mais l’amour ne réfléchit pas outre mesure. Il se laisse guider par des intentions quelque peu irrationnelles. « Ce n’est pas sans motif que l’Évangéliste parle de la lèpre de Simon ; il nous explique par là comment cette femme se présente avec confiance. Cette maladie était réputée chose immonde, abominable, et Jésus en ayant délivré son hôte – il n’aurait pas pu voulu s’arrêter et manger dans la maison d’un lépreux – cette femme se persuade qu’il fera de même aisément disparaître l’impureté de son âme. Ce n’est pas sans intention non plus que se trouve indiqué ici le nom de la ville de Béthanie ; c’est pour nous apprendre que volontiers le Seigneur s’avance vers sa Passion. Il s’était antérieurement échappé de leurs mains, alors qu’ils étaient dans le paroxysme de l’envie ; maintenant il approche, il n’est plus qu’à quinze stades ; ce qui prouve que la première fuite rentrait dans le plan de l’incarnation » (saint Jean Chrysostome, Homélie sur saint Matthieu 80, 1). Reconnaissons qu’il faut une certaine dose d’audace à cette femme pour agir de la sorte. Saint Jean Chrysostome nous a expliqué comment elle a pu être confortée dans sa résolution par la guérison de Simon, qui avait dû intervenir quelques jours plus tôt et dont tout Béthanie était au courant. Mais elle a opté pour une intervention dans le cadre restreint d’une maison, et non au beau milieu des foules qui se pressent habituellement autour du Seigneur. « Si celle qui était affligée d’une perte de sang, bien que sa conscience fut tranquille, n’approcha qu’en tremblant, avec beaucoup d’hésitation et de crainte, à cause de cette impureté qui n’était cependant que naturelle ; combien plus devait hésiter et trembler celle dont la conscience était impure. Elle vient à la suite de plusieurs, de la Samaritaine, de la Cananéenne, de l’hémorroïsse et de tant d’autres ; elle frémit à la vue de ses souillures et de ses scandales : aussi n’est-ce pas en public, mais dans l’intérieur d’une maison qu’elle ose se présenter. Tandis que toutes les autres venaient chercher la santé du corps, elle vient dans l’unique but de lui rendre hommage et d’obtenir la guérison de son âme » (saint Jean Chrysostome, Homélie sur saint Matthieu 80, 1). Elle ne vas pas être déçue. (à suivre…)