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vendredi 31 octobre 2014

Judas (2)

Judas (2)

Les habitants de Carioth sont peut-être comme cela, mais aucun d’eux, en dehors de Judas, n’a été choisi pour partager la vie du Rédempteur de l’humanité et pour prolonger son action dans le temps, pour devenir une colonne de l’Église à venir. Or, cette proximité de Jésus, cette intimité de tous les jours avec lui n’avaient rien de banal. Cela aurait dû exercer une influence positive irrésistible sur son cœur, qui n’excluait certes pas la faiblesse, comme on le constate chez dix des onze autres apôtres. Mais ils ont su la reconnaître et la confesser, demander pardon au Maître et reprendre leur rang. Ils ne sont pas allés se pendre lamentablement, désespérant de la bonté infinie de Jésus. (lire la suite) Le commerce journalier avec notre Seigneur était on ne peut plus doux, aimable, agréable. S’il y a bien quelqu’un qui savait se faire aimer, c’est Jésus, le Fils de Dieu, Dieu parfait et Homme parfait. Cette perfection absolue du Seigneur ne passait pas, ne pouvait pas passer inaperçue et se manifestait en tout, c’est-à-dire y compris dans la façon de s’adresser aux hommes, à ses apôtres en particulier, et de prendre soin d’eux, sans compter de prier et de se mortifier continuellement pour eux. Cela ne rend que plus incompréhensible l’éloignement progressif de Judas de ce foyer ardent d’Amour. Le mystère d’iniquité s’épaissit. Judas a clairement manqué de sincérité et s’est enveloppé dans son orgueil. Il ne comprenait pas le sens profond des paraboles. Qu’importe ? Il lui suffisait de le dire et Jésus le lui aurait expliqué, au besoin à lui en particulier, s’il craignait de passer pour un imbécile aux yeux de ses collègues. Tel aspect de l’enseignement du Messie lui semblait non seulement dur à entendre (cf. Jean 6, 60), mais surtout à mettre en pratique ? Cela n’avait pas d’importance, à condition toutefois qu’il s’en ouvrît au Maître qui lui aurait éclairé les yeux et l’entendement, tout comme il expliquera plus tard à ses disciples d’Emmaüs, à partir des Écritures, comment il fallait que tout ce dont ils avaient été témoins à Jérusalem se réalisât pour que les prophéties formulées à son sujet s’accomplissent (cf. Luc 24, 25-27). Mais Judas n’a pas l’humilité de reconnaître ouvertement, ni d’avouer qu’il est choqué par ce qu’il entend, par ce qu’il voit, plus encore peut-être par ce que le Christ demande. Il n’a pas la simplicité de lui ouvrir son âme avec confiance. Cela ajouté à l’avarice est un double poison qui peu à peu asphyxie son âme, comme deux pinces qui se resserrent sur elle et finissent par l’étouffer, par lui enlever toute possibilité de respirer ; comme les deux faces d’un étau qui écrasent progressivement tout élan d’amour de Dieu en lui. (à suivre…)

mercredi 29 octobre 2014

Judas (1)

Judas (1)

« Ayant jeté les pièces d’argent dans le sanctuaire, il se retira et alla se pendre » (Matthieu 27, 5). Comment Judas en a-t-il pu arriver à une telle vilenie ? Est-il possible que son cœur fût déjà corrompu quand Jésus l’a fait sortir du rang des disciples pour le faire accéder à celui d’apôtre ? Certainement pas. Jésus le connaissait bien, comme il connaît tout de l’intérieur de l’homme, nous étant plus intime à nous que nous-mêmes, ainsi que le notait saint Augustin, à la suite d’une intense expérience intime (cf. saint Augustin, Confessions). Mais en même temps, en le choisissant pour faire partie des Douze ; notre Seigneur faisait un pari sur sa liberté et sa capacité d’être fidèle parce que lui, Jésus, l’aiderait en ce sens d’un bout à l’autre de sa vocation. Qu’est-ce qui a donc tourné la tête de Judas au point de brûler ses amours d’antan ? (lire la suite) Saint Jean-Paul II laisse entendre que c’est l’amour de l’argent : cette avarice a dû se conjuguer avec une soif de pouvoir qu’il entrevoyait à sa façon dans la restauration attendue du royaume d’Israël et le rôle que les Douze apôtres du Seigneur seraient amenés à y jouer, tout gens du commun qu’ils fussent. Ce qui était donc aussi une manifestation d’orgueil démesuré. Il interprétait sans doute mal la promesse de Jésus aux termes de laquelle les Douze siègeraient un jour sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël (Matthieu 19, 28). Il semble d’ailleurs qu’il interprète rapidement de travers, avec une vision très humaine, tout ce que Jésus disait, le prenant au premier degré et ne sachant pas s’élever à un certain niveau d’abstraction ni aux conséquences morales à en tirer. « Tout mon malheur est qu’à aucun moment je n’ai pu perdre mes facultés de contrôle et de critique. Je suis comme ça. Les gens de Carioth sont comme ça. Une espèce de gros bon sens. Quand j’entends dire qu’il faut tendre la joue gauche et payer aussi cher pour une heure de travail que pour dix, et haïr son père et sa mère, et laisser les morts ensevelir les morts, et maudire son figuier parce qu’il ne produit pas des abricots au mois de mars, et ne pas lever un cil sur une jolie femme, et ce défi continuel au sens commun, à la nature et à l’équité, évidemment je fais la part de l’éloquence et de l’exagération, mais je n’aime pas ça, je suis froissé. Il y a en moi un appétit de logique, ou, si vous aimez mieux, une espèce de sentiment moyen, qui n’est pas satisfait. Un instinct de la mesure. Nous sommes tous comme ça dans la cité de Carioth. En trois ans je n’ai pas entendu l’ombre d’une discussion raisonnable (P. Claudel, « Mort de Judas », Figures et Paraboles). (à suivre…)

dimanche 19 octobre 2014

Paul VI béatification

Alors que le pape François procède aujourd'hui à la béatification de son prédécesseur, le pape Paul VI (1963-1978), je vous indique que les encycliques de Paul VI ont fait récemment l'objet d'une première édition intégrale en français, en format numérique, que vous pouvez vous procurer pour 2 euros aux Editions Blanche de Peuterey. Bonne lecture.

jeudi 16 octobre 2014

Fidèles et laïcs dans l'Eglise

Fidèles et laïcs dans l'Eglise

Alvaro Del Portillo, Fidèles et laïcs dans l’Eglise. Fondements de leurs statuts juridiques respectifs, Montréal, Wilson & Lafleur, coll. Gratianus, 2e éd. française, traduction de l’original et des mises à jour par D. Le Tourneau
Distributeur en Europe : editions@lelaurier.fr

A l'occasion de la béatification d'Alvaro del Portillo, le 27 septembre dernier, en l'année du centenaire de sa naissance, je rappelle cet ouvrage très important pour bien comprendre, entre autres, la place des laïcs dans l'Église. L’origine de cet ouvrage est un long votum, ou rapport, présenté par l’auteur au groupe de consulteurs de la commission pontificale pour la révision du code de droit canonique, chargé d’examiner le projet de texte des canons sur les droits et les devoirs des fidèles laïcs dans l’Église. (lire la suite) Alvaro del Portillo abordait avec décision une problématique qui a été très présente dans les travaux du concile Vatican II: l’identité théologique et canonique de deux concepts, celui de fidèle et celui de laïc, d’ordinaire utilisés indifféremment dans le langage ecclésiastique, mais ontologiquement différents. Ce votum a exercé une influence déterminante sur la préparation du projet de la nouvelle législation ecclésiastique.
Del Portillo se demandait : « Existe-t-il une vocation et une condition juridique spécifiques au laïc venant s’ajouter à sa vocation et à sa condition juridique générale de fidèle, de baptisé ? » Il donnait une réponse résolument positive. La vocation du laïc est certainement la vocation du fidèle du Christ, du christifidelis, avec l’appel baptismal à la sainteté et à l’apostolat, mais vécue au beau milieu des structures et des circonstances ordinaires de la vie séculière.
[…] Del Portillo tint particulièrement compte de l’ecclésiologie de Vatican II, notamment de la constitution Lumen gentium, qui voyait dans la « sécularité […] une composante théologique spécifique de l’identité du laïc chrétien : « La nature séculière est un domaine propre aux laïcs et qui les caractérise. […] De par leur vocation propre, il revient aux laïcs de chercher le royaume de Dieu en administrant les choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu » (n° 31/b). L’auteur affirmait certainement que les laïcs chrétiens en pleine communion ecclésiastique possédaient tous les droits et les devoirs qui leur revenaient en tant que « fidèles », mais il ajoutait qu’il était nécessaire de formuler aussi et séparément certains droits et devoirs spécifiques qui leur revenaient en tant que « fidèles laïcs ». Il n’est donc pas étonnant que ce long et riche votum ait exercé une influence sur la formulation définitive des canons sur les fidèles et sur les laïcs, aussi bien dans le Code de droit canonique promulgué en 1983, qu’indirectement sur le Code des canons des Églises orientales promulguée en 1990.

Extrait de la préface du card. J. Herranz, président émérite du Conseil pontifical des textes législatifs