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samedi 7 juin 2008

Eusebe de Cesaree (3)

Eusèbe de Césarée (3)

(La citation que nous avons mentionnée hier), tirée du premier livre de l'Histoire ecclésiastique, contient une répétition certainement intentionnelle. à trois reprises en quelques lignes seulement, revient le titre christologique de Sauveur, et il est explicitement fait référence à sa « miséricorde » et à sa « bienveillance ». Nous pouvons ainsi saisir la perspective fondamentale de l'historiographie eusébienne : son histoire est une histoire « christocentrique » dans laquelle se révèle progressivement le mystère de l'amour de Dieu pour les hommes. Avec un étonnement authentique, Eusèbe reconnaît « qu'auprès de tous les hommes du monde entier seul Jésus est dit, confessé, reconnu Christ [c'est-à-dire Messie et Sauveur du monde], qu'il est rappelé avec ce nom également par les grecs et par les barbares, qu'aujourd'hui encore, il est honoré comme un roi par ses disciples présents dans le monde, (lire la suite) admiré plus qu'un prophète, glorifié comme le vrai et unique prêtre de Dieu ; et, plus encore, en tant que Logos de Dieu préexistant et tiré de l'être avant tous les temps, il a reçu du Père un honneur digne de vénération, et il est adoré comme Dieu. Mais la chose la plus extraordinaire de toutes est que, lorsque nous lui sommes consacrés, nous le célébrons non seulement avec les voix et le son des paroles, mais avec toutes les dispositions de l'âme, de sorte que nous plaçons avant nos vies elles-mêmes le témoignage que nous lui rendons » (1, 3, 19-20). C'est ainsi qu'apparaît au premier plan une autre caractéristique, qui restera constante dans l'antique historiographie ecclésiastique : c'est « l'intention morale » qui préside au récit. L'analyse historique n'est jamais une fin en elle-même ; elle n'est pas seulement faite pour connaître le passé ; elle vise plutôt de manière décidée à la conversion, et à un authentique témoignage de vie chrétienne de la part des fidèles. Elle est un guide pour nous-même.
De cette manière, Eusèbe interpelle vivement les croyants de chaque époque à propos de leur façon d'aborder les événements de l'histoire, et de l'Église en particulier. Il nous interpelle nous aussi : quelle est notre attitude à l'égard des événements de l'Église ? Est-ce l'attitude de celui qui s'y intéresse par simple curiosité, peut-être en recherchant à tout prix ce qui est sensationnel ou scandaleux ? Ou bien l'attitude pleine d'amour, et ouverte au mystère, de celui qui sait - par foi - pouvoir retrouver dans l'histoire de l'Église les signes de l'amour de Dieu et les grandes œuvres du salut qu'il a accomplies ? Si telle est notre attitude, nous ne pouvons que nous sentir encouragés à une réponse plus cohérente et généreuse, à un témoignage de vie plus chrétien pour laisser les signes de l'amour de Dieu également aux générations futures.
« Il y a un mystère », ne se lassait pas de répéter cet éminent expert des Pères de l'Église que fut le Cardinal Jean Daniélou : « Il y a un contenu caché dans l'histoire... Le mystère est celui des œuvres de Dieu, qui constituent dans le temps la réalité authentique, cachée derrière les apparences... Mais cette histoire que Dieu réalise pour l'homme, il ne la réalise pas sans lui. S'arrêter pour contempler les « grandes choses » de Dieu signifierait ne voir qu'un aspect des choses. Face à celles-ci se trouve la réponse des hommes » (Essai sur le mystère de l'histoire - Saggio sul mistero della storia, éd. it., Brescia 1963, p. 182). Après tant de siècles, aujourd'hui aussi Eusèbe de Césarée invite les croyants, il nous invite, à nous étonner, à contempler dans l'histoire les grandes œuvres de Dieu pour le salut des hommes. Et avec tout autant d'énergie, il nous invite à la conversion de notre vie. En effet, face à un Dieu qui nous a aimés de cette manière, nous ne pouvons pas rester inertes. L'instance propre à l'amour est que la vie tout entière doit être orientée vers l'imitation de l'Aimée. Faisons donc tout notre possible pour laisser dans notre vie une trace transparente de l'amour de Dieu.

Benoît XVI, Audience générale, 13 juin 2007.

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