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dimanche 5 décembre 2021

A l'école de saint Joseph. Les secrets du père idéal

Conférence prononcée à la paroisse de L'isle-sur-la-Sorgue le 4 décembre 2021

Je remercie le Père Kissi et Madame Laroche de leur invitation à venir ici, à L’Ile-sur-la-Sorgue, parler du glorieux saint Joseph. En acceptant avec joie cette invitation, qu’il leur a fallu renouveler à deux reprises, compte tenu des événements que nous connaissons, j’ignorai où j’allais mettre les pieds ! Vous vous apprêtez, me suis-je laissé dire, à vous rendre en pèlerinage à Cotignac, pèlerinage lui aussi reporté. C’est dire que saint Joseph occupe déjà une place de choix dans votre ville renommée.

Mais en outre j’y découvre notamment non sans admiration un gîte Saint-Joseph, une maison de vacances Clos saint Joseph, un vin Saint Joseph, une salle saint Joseph à la Congrégation, un pôle d’activité Saint-Joseph à Thor, à six kilomètres d’ici. Sans compter un certain nombre de toiles de votre prestigieuse et active collégiale Notre-Dame des Anges, telles le Songe de saint Joseph ou la Fuite en Égypte.

Saint Joseph est donc bien loin d’être un inconnu chez vous. De ce fait, j’ai l’impression de vendre du miel à l’apiculteur. Qu’importe ! Un adage classique affirme : De Maria numquam satis, l’on ne parlera jamais trop de Marie. Nous n’avons pas crainte de le référer à notre saint : De Joseph numquam satis. Nous ne parlerons jamais trop de saint Joseph. Le sujet est extrêmement vaste. J’ai trouvé un ouvrage de 2000 pages publié à la fin du XXe siècle consacré exclusivement à la bibliographie joséphine !

Il me fallait donc, vous vous en doutez, opérer un choix. D’où le titre donné à cette conférence : « A l’école de saint Joseph. Les secrets du père idéal. » Je me propose tout bonnement de vous en commenter les deux termes, « à l’école de saint Joseph » d’abord, « les secrets du père idéal » ensuite. Mais j’aimerais introduire mon propos, si vous me le permettez, par des considérations sur saint Joseph et la France, et de le conclure par quelques exemples de dévotion joséphine d’ordre pratique.

 

1) Notre premier point porte donc sur saint Joseph et la France

 

Il est bien normal d’examiner cet aspect, en tant que catholique et en tant que Français. Catholique d’abord, parce que saint Joseph joue un rôle essentiel dans l’histoire du salut et dans la genèse du christianisme. Le temps de l’avent dans lequel nous nous trouvons en est l’illustration. Français ensuite, parce que notre pays a été consacré à saint Joseph par le roi Louis XIV, événement majeur que vous ignoriez peut-être.

Voici un peu plus de deux ans et demi, nous avons assisté pétrifiés et le cœur endoloris au gigantesque incendie qui, 14 heures durant, a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris. Vous en gardez tous les images dramatiques en mémoire. Mais avez-vous fait attention à ceci ? La Providence a voulu que le groupe sculpté par Nicolas Coustou demeurât intact au fond du chœur de la cathédrale : la Vierge de Pitié, flanquée des monarques Louis XIII et Louis XIV agenouillés et lui offrant leur couronne. Le premier, par un vœu explicite et solennel a consacré la France, tout le monde le sait, à la Vierge Marie, au titre de son Assomption, aux lieu et place de Monsieur saint Michel.

L’archange saint Michel qui reste néanmoins notre protecteur attitré, comme le pape François l’a rappelé le 29 septembre dernier, lors de la solennité des saints archanges Michel, Gabriel et Raphaël. Invoquons, disait-il à des pèlerins français, « saint Michel, protecteur de la France, de veiller sur votre nation et de la garde dans la fidélité à ses racines et de conduire votre pays sur les voies d’une unité et d’une solidarité toujours plus grandes ».

Louis XIV pour sa part, le dire suscite habituellement l’étonnement du public, le roi Soleil a voulu consacrer notre pays à saint Joseph.

Relatons les faits qui l’ont à prendre une telle mesure. Le 3 novembre 1637, à Notre-Dame-des-Victoires, à Paris, Denys Antheaume, frère Fiacre de Sainte-Marguerite en religion, convers du monastère des Augustins, voit la Sainte Vierge lui apparaître à quatre reprises. Alors que le roi Louis XIII et la reine Anne d’Autriche tardaient à avoir un descendant, Marie présente un enfant au frère, tout en précisant : « Ce n’est pas mon fils, mais l’enfant que Dieu veut donner à la France. »

Elle demande que la reine effectue trois pèlerinages, l’un à Notre-Dame-de-Paris, le second à Notre-Dame-des-Grâces, en Provence, et le dernier à Notre-Dame-des-Victoires, à Paris. Frère Fiacre décrit le sanctuaire de Provence, où il n’est jamais allé, moyennant quoi l’on accorde crédit à sa vision.

Louis XIV naissait l’année suivante, neuf mois exactement après l’apparition à saint Fiacre, dont les calèches prendront le nom, car leur conducteur y plaçait l’effigie du saint. Le dauphin reçoit le prénom de Dieudonné

Le 21 février 1660, Louis XIV, désormais âgé de 21 ans, se rend à Cotignac pour remercier Notre-Dame-des-Grâces de sa naissance.

Trois mois et demi plus tard, le 7 juin 1660, saint Joseph apparaît à Cotignac à un berger très éprouvé par la soif, Gaspard Ricard d’Estienne. C’est une des rares apparitions reconnues, sinon la seule, du glorieux patriarche. Le même jour, Louis XIV se trouvait à la frontière d’Espagne pour y accueillir l’infante Marie-Thérèse, la nouvelle reine de France, qui traversait la Bidassoa pour se rendre au mariage royal organisé à Saint-Jean-de-Luz.

L’apparition de saint Joseph avait fait grand bruit à la Cour et chez deux princesses espagnoles, les plus proches du souverain : sa mère, Anne d’Autriche, et l’infante, Marie-Thérèse d’Espagne.

Le 31 janvier 1661, Monseigneur Joseph Ondedei, évêque de Fréjus, reconnaît officiellement les apparitions de saint Joseph à Cotignac, et en approuve le culte.

La Saint-Joseph est alors reconnue comme fête en France avec une rapidité confondante. Qu’on en juge.

Le cardinal Mazarin, qui assure la régence, meurt, dans la nuit du 8 au 9 mars 1661. Les 9 et 10 mars, Louis XIV, âgé de 22 ans, prend personnellement le pouvoir et s’entoure de deux conseils pour faire entériner ses décisions. Sa dévotion à saint Joseph va se manifester tambour battant.  

Le 12 mars 1661, donc trois jours après avoir assumé ses responsabilités de souverain, Louis XIV décide de solenniser sans retard le culte de saint Joseph : sa fête sera chômée dans tout le Royaume. Les rares évêques ayant pu être contactés à temps donnent leur accord.

Le lendemain, 13 mars, pendant la réunion du Conseil d’En-Haut, le roi interdit donc tout commerce et tout travail tous les 19 mars à partir de 1661. Ce fait est connu et rapporté par les historiens du Grand Siècle.

Parallèlement, Louis XIV consacre le royaume à saint Joseph. La cérémonie a lieu dans l’intimité, dans la chapelle du Louvre, le samedi 19 mars 1661.

L’après-midi de ce même 19 mars, après les vêpres, Bossuet, occupé à prêcher le Carême aux carmélites du Faubourg-Saint-Jacques, célèbre, dans leur chapelle, les gloires du nouveau protecteur de la patrie, en présence d’Anne d’Autriche, sur le thème Le Seigneur s’est choisi un homme selon son cœur.

Le célèbre évêque de Meaux avait accepté, au pied levé, de ne pas prêcher sur le carême et de composer, en grande hâte, ce qui sera son deuxième Panégyrique à saint Joseph. Citons, pour conclure, la belle envolée par laquelle se termine ce sermon :

« Joseph a mérité les plus grands honneurs, parce qu’il n’a jamais été touché de l’honneur ; l’Église n’a rien de plus illustre, parce qu’elle n’a rien de plus caché. Je rends grâces au roi d’avoir voulu honorer sa sainte mémoire avec une nouvelle solennité. Fasse le Dieu tout-puissant que toujours il révèle ainsi la vertu cachée ; mais qu’il ne se contente pas de l’honorer dans le ciel, qu’il la chérisse aussi sur la terre. Qu’à l’exemple des rois pieux, il aille quelquefois la forcer dans sa retraite… Si votre Majesté, Madame, inspire au roi ces sages pensées, elle aura pour sa récompense la félicité. »

Nous voyons que les prédicateurs n’avaient pas leur langue dans la poche quand ils s’adressaient aux souverains, qui ne s’en formalisaient pas, tout au contraire.

 

2) Venons-en maintenant au titre donné à cette conférence, concrètement à son premier point, « à l’école de saint Joseph ».

 

Pourquoi nous mettre à l’école de saint Joseph ? Parce qu’incontestablement nous ne pouvons trouver quelqu’un plus à même de nous introduire auprès de Jésus et de Marie. Il les connaît mieux que quiconque. Il sait ce qu’ils aiment le plus. Il a tout un patrimoine à nous transmettre, toute une histoire à nous relater, tout un monde à nous découvrir.

Un monde à notre portée. Celui d’une vie ordinaire, vécue sans fracas, dans l’humilité, dans le service continuel des plans de Dieu qui, pour lui, Joseph, lui demandent d’être le chef de la Sainte Famille, d’exercer l’autorité d’un père, c’est-à-dire à l’époque celle d’un véritable patriarche.

Joseph se sent, se sait, le moins digne des trois. C’est à lui cependant que revient le gouvernement de la vie de tous les jours, de prendre les décisions réclamées par les circonstances, de veiller constamment au bien de ce Jésus qui n’est autre que le Fils de Dieu descendu sur terre, vrai Dieu et vrai Homme, comme nous le confessons dans le symbole dit d’Athanase. Il est de nos jours avéré qu’il a été composé en réalité par notre voisin, saint Césaire d’Arles, donc au début du VIe siècle.

L’écrivain et apologiste chrétien Ernest Hello s’émerveille : « Il commanda. La mère et l’enfant obéirent. Il me semble que le commandement dut inspirer à saint Joseph des pensées prodigieuses. Il me semble que le nom de Jésus devait avoir pour lui des secrets étonnants. Il me semble que son humilité devait prendre, quand il commandait, des proportions gigantesques, incommensurables avec les sentiments connus. Son humilité devait rejoindre son silence dans son lieu, dans son abîme. Son silence et son humilité devaient grandir appuyés l’un sur l’autre. »

Nul n’a eu autant d’intimité que lui avec sa chère Marie, son épouse, et avec notre Seigneur. C’est à lui qu’est incombée la tâche d’initier Jésus au métier de menuisier-charpentier.

Comme saint Jean-Paul II l’a relevé, « l’Église vénère Joseph de Nazareth comme « artisan », comme travailleur, vraisemblablement charpentier de profession. Parmi tous les travailleurs de la terre, il a été le seul et unique qui a vu chaque jour se présenter à son établi Jésus-Christ, Fils de Dieu et Fils de l’homme. Et c’est lui, Joseph, qui lui a appris son métier, l’y a engagé, lui a enseigné comment surmonter les difficultés et vaincre les résistances de l’élément « matériel », et comment tirer de la matière informe les produits de l’artisanat humain. C’est lui, Joseph de Nazareth, qui a lié une fois pour toutes le Fils de Dieu au travail humain. Grâce à lui, Jésus appartient également au monde du travail et rend témoignage devant Dieu de sa très haute dignité. »

Ceci constitue un encouragement vigoureux pour nous tous, qui apprenons ainsi à sanctifier notre travail et toutes nos activités en offrant leur accomplissement à Dieu pour qu’ils contribuent à l’évangélisation du monde.

C’est Joseph qui a emmené Jésus à la synagogue accomplir ses devoirs religieux le jour du sabbat. Marie n’a pas été en reste bien sûr dans l’éducation quotidienne de son Fils.

Si bien que Jésus n’avait pas de mal à conserver Marie et Joseph présents à l’esprit quand il a commencé à prêcher. N’avait-il pas parcouru avec eux le chemin menant de Nazareth à Bethléem, avant même sa naissance ? Et celui de Nazareth à Jérusalem ? Ne sont-ce pas eux qui l’ont conduit à la synagogue, dès sa tendre enfance, pour y prier le Tout-Puissant, alors même qu’ils connaissaient sa véritable condition ? Mais pouvaient-ils se singulariser ?

Et quand Jésus priait avec ses apôtres, il se souvenait de ces moments de prière familiale, au cours desquels tous trois psalmodiaient les hymnes à l’honneur et à la gloire de son Père.

Que de souvenirs du jour de la Présentation au Temple – Jésus-Dieu était alors conscient –, de chaque montée à Jérusalem depuis l’âge de douze ans ; des offices et du culte suivis avec une ferveur inégalée dans la synagogue de Nazareth aux jours et aux fêtes prescrits…

Comment Jésus pouvait-il prêcher sans penser à celui qui lui avait appris à prononcer le tétragramme sacré du Tout-Puissant et à invoquer Dieu du doux nom d’Abba, papa…

Nous pouvons imaginer facilement que Jésus avait pris des traits, des expressions, des façons de parler, de travailler, de celui qui lui était de fait son père aux yeux des hommes. Si nous nous appliquons ce constat, nous en tirerons la conclusion suivante : en nous mettant pour de bon à l’école de saint Joseph, en apprenant de lui, nous ressemblerons alors à Jésus-Christ.

Mais il faut affirmer aussi que Joseph, et Marie également, n’ont cessé d’être instruits par Jésus. Il faisait tout à la perfection, il vivait toute les vertus au degré absolu, ses réactions étaient toujours éminemment surnaturelles. Marie et Joseph ne cessaient de remercier le Tout-Puissant de la grâce qui leur était faite d’avoir Dieu sous leur toit ; ils s’en émerveillaient jour après jour. L’exemple du Seigneur les tirait davantage vers le haut, autrement dit les sanctifiait toujours plus.

Si l’un ou l’autre d’entre vous a participé à une activité spirituelle organisée par l’Opus Dei, il se sera peut-être étonné d’entendre invoquer saint Joseph en tant que « mon père et seigneur ».

Quelle est la raison de cette appellation ? Tout simplement, parce que dès le début de son existence saint Joseph a voulu entrer dans l’Opus Dei et en prendre la tête. Comme il le faisait avec la Sainte Famille de Nazareth. Or, comme saint Josémaria se considérait « un fondateur sans fondement », il a voulu s’appuyer sur saint Joseph, s’en remettre pleinement à lui.

Saint Joseph peut alors remplir un rôle particulièrement important envers chacun d’entre nous. Il nous apparaît comme un maître de vie intérieure. Il a éduqué Jésus dans la foi, disions-nous ; il lui a appris à prier, à s’adresser en tant qu’homme à son Père. Il lui a enseigné les gestes et les pratiques de la foi juive. Nous l’imaginons penché avec Marie sur le berceau de leur Enfant et lui chanter une berceuse pour l’aider à s’endormir, et s’extasiant sur cet Enfant-Dieu abandonné au sommeil !

L’Évangile atteste qu’au retour du temple, à l’âge de douze ans, il était soumis à Marie et à Joseph, ce qui signifie que, pendant tout ce temps, l’unique occupation du Rédempteur fut de leur obéir : c’était à Joseph de commander, comme chef de cette petite famille, et à Jésus d’obéir, comme sujet ; de sorte qu'il ne faisait jamais un pas ni une action, qu’il ne prenait jamais de nourriture ni de repos, que selon les ordres de Joseph. Mais nous pouvons penser quant à nous que Jésus avait suffisamment de liberté d’esprit, et plus encore d’amour, pour prendre des initiatives et rendre de nombreux services sans que Joseph ou Marie aient à les lui demander.

Si nous prenons Joseph pour père et seigneur de notre âme, pour maître de notre vie intérieure, il nous aidera à imiter son Fils Jésus-Christ en étant fidèles à notre vocation chrétienne dans toutes les activités externes, à les sanctifier comme lui-même a sanctifié sa vie de tous les jours vécue sous le regard de Dieu, en présence de Dieu. Il s'agit en définitive de la sanctification de la vie quotidienne, à laquelle chacun doit s'efforcer en fonction de son état et qui peut être proposée selon un modèle accessible à tous.

Comme saint Paul VI le relevait, « saint Joseph est le modèle des humbles, que le christianisme élève vers de grands destins ; il est la preuve que, pour être de bons et authentiques disciples du Christ, i1 n'y a pas besoin de « grandes choses » : il faut seulement des vertus communes, humaines, simples, mais vraies et authentiques. »

Paul Claudel écrivait à un de ses amis : « Joseph est le patron de la vie cachée. L’Écriture ne rapporte pas de lui un seul mot. C’est le silence qui est père du Verbe. Que de contrastes chez lui ! Il est le patron des célibataires et celui des pères de famille, celui des laïcs et celui des contemplatifs ! Celui des prêtres et celui des hommes d’affaires ».

Qu’est-ce que la vie intérieure, sinon fréquenter Dieu ? Saint Josémaria répondait ainsi à cette question : « Et qui a fréquenté Dieu et la Mère de Dieu avec plus d’intimité que saint Joseph ? Ce n’était pas un vieillard, mais un homme jeune, fort, robuste, plein de vertus et de force.

Saint Joseph a été, sur terre, le protecteur de Dieu. Comme c’est beau et vraiment incroyable ! Protéger le Fils de Dieu, le Verbe incarné. Vous savez, poursuivait le fondateur de l’Opus Dei, que, dans l’immense océan de la Trinité et de l’Unité de Dieu, là où une Personne se trouve, les deux autres y sont aussi nécessairement. Donc saint Joseph, qui fréquentait familièrement Dieu le Fils avait aussi une fréquentation familière de Dieu le Père et de Dieu le Saint-Esprit. J’ai l’habitude de lui dire très souvent pendant la journée : Saint Joseph, mon Père et Seigneur, que j’aime tant, conduits-moi à Marie et à Jésus. Jésus me conduira au Père. Et le Père et le Fils me conduiront jusqu’à l’Esprit Saint, qui procède des deux. »

Ce recours au saint patriarche nous ancre donc plus profondément dans l’intimité de la Très Sainte Trinité, nous apprend à sentir la proximité de Dieu, à l’adorer au plus profond de notre cœur, à aimer tous les événements comme autant de manifestations de l’amour paternel de Dieu à notre égard.

En tant que maître de vie intérieure, nous pouvons nous adresser à lui en ces termes : « Saint Joseph, notre Père et Seigneur, toi, très chaste, très pur, qui as mérité de porter l'Enfant Jésus dans tes bras, et de le laver, et de l’embrasser, apprends-nous à devenir des familiers de notre Dieu, à être purs et dignes d’être d’autres Christs. Et apprends-nous à faire comme le Christ : à rendre divins nos chemins (qu'ils soient obscurs ou lumineux) ; et à apprendre aux hommes à faire de même en leur disant qu'ils peuvent avoir en permanence sur la terre une extraordinaire efficacité spirituelle » (Forge, n° 554).

Cet enseignement du saint patriarche, sur quoi va-t-il porter fondamentalement ? Il me semble que la contribution que nous pouvons attendre du tendre époux de Notre Dame, consiste à nous apprendre à aimer la Volonté de Dieu, dans toutes ses manifestations, dont certaines sont coûteuses, comme lorsqu’un recensement décrété par l’empereur l’oblige à se transporter à Bethléem alors que Marie est sur le point d’accoucher ; comme lorsque l’ange lui demande en songe de fuir en toute hâte, en pleine nuit, avec l’Enfant et sa Mère et se rendre en Égypte, sans plus de précision, car le roi Hérode veut faire périr celui en qui il voit un concurrent ; comme lorsque Jésus reste trois jours au Temple à l’insu de ses parents.

Jésus ayant voulu naître et vivre comme tous les humains, sans faire usage de sa toute-puissance ni revendiquer des droits souverains, il est venu à nous dans une famille modeste, certes considérée de tous dans le village de Nazareth et aux alentours, mais que rien ne distingue vraiment. Si ce ne sont les qualités dont chacun des trois membres est orné. Jésus aurait pu naître dans un palais royal, s’entourer d’une armée de serviteurs, exercer un pouvoir temporel. Rien de tout cela n’entre dans ses plans.

Il choisit l’humilité pour nous apprendre l’orientation désirable pour notre propre existence. Il associe Joseph et Marie à ses choix. Il s’appuie sur eux comme premiers collaborateurs de son œuvre de Rédemption, les plus sûrs, les plus à même de le comprendre et de s’engager à fond à ses côtés.

Nous pouvons donc apprendre de la foi de Joseph, de l’obéissance de Joseph, de son esprit de pauvreté, de son assiduité au travail, de son dévouement de tous les instants, de sa patience dans l’adversité, de son affection envers Jésus et Marie, de son exquise pureté, de la prudence dans ses décisions, de son honnêteté dans ses relations commerciales, de sa disponibilité aux plans de Dieu, de sa piété jamais mise en défaut, de sa vie contemplative, etc.

En tant qu’enfants de Dieu, nous sommes appelés, nous aussi, à être des âmes contemplatives, au milieu du monde, dans nos occupations habituelles. Pour cela, il convient de vivre très unis à Jésus, à Sainte Marie… et à saint Joseph. Il était le chef de famille dans le foyer de Nazareth ; c’est pourquoi il est naturel de nous lui demander de veiller sur la nôtre, et, en tant que patron de l’Église universelle, d’intercéder pour que l’Église s’étende au monde entier, pour que nous soyons nombreux à louer Dieu et à lui rendre grâce.

En outre, Joseph se présente à nous comme un modèle pour notre vocation de chrétien courant, d’homme et de femme de la rue. Il a su rester caché à un point tel qu’il n’apparaît pratiquement pas dans les Évangiles. Or, c’est l’homme qui a eu le privilège de porter dans ses bras Jésus-Christ, qui en a pris soin et l’a protégé. Il a travaillé comme nous, dans une tâche professionnelle, dans un métier, ordinaire, monotone peut-être, mais réalisé avec amour, ce qui lui enlève toute monotonie. Il est malheureux que nous, les chrétiens, nous ayons oublié saint Joseph pendant des siècles ; en Occident, pratiquement jusqu’au XVIe siècle.

En décrétant une année joséphine, le pape François nous aide à le retrouver, à nous éprendre de lui, à le fréquenter.

 

3) Nous en venons ainsi au deuxième terme de l’exposé : les secrets du père idéal.

 

Quels sont alors les secrets du père idéal ? Nous y avons partiellement répondu, me semble-t-il. Nous tournons évidemment nos regards vers la Sainte Famille. Selon saint Jean Damascène, pour bien remplir sa mission, Dieu donna à saint Joseph, envers Jésus, l’affection d’un père, afin qu’il gardât Jésus avec une grande tendresse ; il lui donna la sollicitude d’un père, afin qu’il l’environnât de tous les soins possibles ; il lui donna, enfin, l’autorité d’un père, afin qu’il eût l’assurance d’être obéi en tout ce qu’il ordonnerait touchant la personne du Sauveur.

Assurément, « Joseph était la grande affection de Jésus-Christ, fait remarquer le fondateur de l’Opus Dei ; Marie était sa Mère, qu’il aimait à la folie. Nous allons donc avoir une grande dévotion pour saint Joseph, une dévotion tendre, empreinte de délicatesse, fine et affectueuse. Nous l’appelons notre Père et Seigneur. Eh bien ! Allons constamment à lui comme des enfants ! Et, par lui, à Marie, en dialoguant avec eux deux. Avez-vous vu les représentations de la Sainte Famille avec l’Enfant au milieu, la Sainte Vierge à sa droite et saint Joseph à sa gauche, le tenant par la main ? Eh bien ! Cette fois-ci, c’est nous qui prenons la main de Marie et de Joseph, qui nous conduiront ainsi jusqu’à Jésus. Vous commencerez à le fréquenter, et de la sorte nous nous éprendrons de sa Très Sainte Humanité. »

Sommes-nous conscients d’être aimés tout spécialement de Joseph ? « Saint Joseph, comme la Sainte Vierge, doit aimer singulièrement les pauvres pécheurs, puisque sans le péché, il n’était pas nécessaire qu’il y eût un Rédempteur, et par conséquent Marie n’aurait pas été mère d’un Dieu, Joseph n’aurait pas été le père nourricier de ce Dieu fait homme, ni le glorieux époux de la Vierge… C’est pour cela, affirme saint Liguori, et plusieurs saints docteurs avec lui, que la Vierge Marie est le refuge et l’avocate des pécheurs ; et saint Joseph, au même titre, sera leur défenseur et leur appui. »

Joseph « a transmis au petit Jésus qui grandissait à côté de lui le sens de cette joyeuse disponibilité avec laquelle il reprenait chaque matin son travail quotidien, déclarait un jour le pape Wojtyla. Pour cette raison aussi saint Joseph est mis sous les yeux du peuple chrétien comme un modèle lumineux vers lequel tous les pères devraient se tourner au moment des choix concrets que leur impose la responsabilité d’une famille ».

Joseph est aussi un époux exemplaire. Marie confiait à sainte Brigitte de Suède – elle le rapporte dans le récit de ses Révélations : « Joseph m’a servi comme sa souveraine, et, de mon côté, je me suis abaissée jusqu’à lui rendre les plus petits services.

Quant aux richesses, nous ne gardions pour nous, Joseph et moi, que ce qu’il nous fallait pour nous donner les forces nécessaires dans le service de Dieu. Nous faisons, par amour de Dieu, le sacrifice du superflu de notre entretien, et nous le donnions aux pauvres. D’un autre côté, nous étions toujours contents du peu que nous avions.

De toute éternité j’avais été destinée à être assise sur un trône sublime, à être honorée au-dessus de tous les hommes. Cependant, dans mon humilité, je ne dédaignais pas de servir Joseph, de préparer tout ce qui nous était nécessaire, à lui et à moi.

En me servant, Joseph n’a jamais laissé tomber de ses lèvres aucune parole de légèreté, de murmure ou de colère. Il était très patient dans la pauvreté, très actif au travail, quand il le fallait, très doux à l’égard de ceux qui lui parlaient durement, très prévenant dans les services qu’il me rendait, très attentif à me défendre contre ceux qui attaquaient ma virginité, le très fidèle témoin des merveilles divines.

Il était si bien mort au monde et à la chair, qu’il ne désirait que les choses du ciel.

Il avait une telle foi aux promesses de Dieu, qu’il s’écriait fréquemment : Puissé-je vivre assez pour voir l’accomplissement de la volonté de Dieu !

Il a peu fréquenté les hommes et leurs assemblées. Son unique désir était d’obéir aux lois du Seigneur.

Aussi maintenant sa gloire est grande. »

Comment augmenter notre affection envers le glorieux patriarche ? L’affection naît de mille choses. En voyant simplement une personne, elle nous revient ou ne nous revient pas immédiatement.

Eh bien ! Si nous contemplons saint Joseph à côté de la très Sainte Vierge, et travaillant avec Jésus plus que Jésus ne travaille avec lui, nous constatons aisément que cet homme était remarquable. Il devait être très sûr à tous égards, remarquable sous tous les rapports, pour que Dieu le choisisse, pour qu’Il en fasse son père et le gardien de sa Mère ; pour que le Seigneur, le maître de la création, ait voulu que cette créature lui donne à manger et l’habille, le traite avec affection, avec tendresse, et prenne soin de Lui ; il a dû lui donner la main pour faire ses premiers pas. Ne serait-il pas tout disposé à en faire autant avec nous ? Son désir le plus intime n’est-il pas identique à celui de son Fils qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ? Eh bien ! Remercions-le pour cela et aimons-le.

La sainteté de Joseph n’égale, certes, pas celle de la Vierge Marie, préservée par anticipation du péché originel en vertu des mérites de Jésus-Christ. Mais elle est quand même exceptionnelle, encore une fois en raison du contexte : celui de la présence du Fils de Dieu, le Saint par excellence, et de sa Mère bénie, la toute-sainte.

Le Seigneur a choisi celle qui allait être sa Mère, il l’a remplie de perfections et il a choisi ensuite celui qui devait apparaître comme son père sur la terre. C’est pourquoi, la même raison que les théologiens donnent pour parler des grands privilèges de Sainte Marie, vaut pour saint Joseph. Les théologiens disent, après Duns Scot : Il pouvait le faire, il était raisonnable qu’il le fasse, il l’a donc fait. Il a pu rendre sa Mère la plus belle, la plus grande, la pleine de grâces, et c’était raisonnable. Il l’a donc fait.

Eh bien ! après la Sainte Vierge, vient saint Joseph. Aucune autre créature ne devait fréquenter davantage le Christ notre Seigneur et la Mère du Christ que lui. C’est pourquoi Dieu l’a rempli de vertus, de qualités, de bonnes dispositions. Et s’il est, comme nous l’avons dit, notre Père et Seigneur, il vaut la peine de lui demander de nous apprendre à pénétrer dans l’intimité de Jésus et de Marie, et de nous donner un peu de son patrimoine, parce que les enfants ont droit au patrimoine de leurs parents. C’est pour cela c’est de nouveau saint Josémaria qui nous parle, que je l’appelle Père et Seigneur. Comme cela, il exerce envers nous son rôle de père, il nous forme, il nous instruit, il nous apprend à aimer Dieu en toute circonstance.

Comme le pape Jean-Paul II l’a écrit dans son exhortation apostolique sur saint Joseph Redemptoris custos, le gardien du Rédempteur, « le sacrifice absolu que Joseph fit de toute son existence aux exigences de la venue du Messie dans sa maison trouve son juste motif « dans son insondable vie intérieure, d'où lui viennent des ordres et des réconforts tout à fait particuliers et d'où découlent pour lui la logique et la force, propres aux âmes simples et transparentes, des grandes décisions, comme celle de mettre aussitôt à la disposition des desseins divins sa liberté, sa vocation humaine légitime, son bonheur conjugal, acceptant la condition, la responsabilité et le poids de la famille et renonçant, au profit d'un amour virginal incomparable, à l'amour conjugal naturel qui la constitue et l'alimente ». Cette soumission à Dieu, qui est promptitude de la volonté à se consacrer à tout ce qui concerne son service, n'est autre que l'exercice de la dévotion qui constitue une des expressions de la vertu de religion. »

Saint Joseph peut intervenir dans notre vie, comme Marie l’a fait à Cana, quand elle s’est adressée à Jésus, lui disant : « Ils n’ont plus de vin » (Jn 2, 3). Parlant de nous, il peut pareillement attirer l’attention de son épouse sur nos besoins fondamentaux, vitaux, pour qu’elle intervienne à son tour auprès de son divin Fils, avec son efficacité bien connue, qui n’est plus à prouver. Avec ce double recours, nous pouvons être assurés que nous serons entendus et que nous obtiendrons ce qui nous convient. Il est, en effet, plus avantageux de demander à notre père et seigneur de nous obtenir ce que Dieu veut plutôt que ce que nous voulons nous-mêmes.

Saint Joseph est le patron de la bonne mort. Saint Alphonse-Marie de Liguori parle de la mort de Joseph lui-même en ces termes : « La présence d’une telle Épouse et d’un tel Fils, nom que daignait prendre le divin Rédempteur, rendit la mort de Joseph bien douce et bien précieuse. Comment, en effet, eût-elle jamais pu être amère, la mort de celui qui expirait dans les bras de la Vie ! Qui pourra jamais exprimer ou comprendre les pures délices, les consolations, les bienheureuses espérances, les actes de résignation, les flammes d’amour, que procuraient au cœur de Joseph les paroles de vie éternelle que lui disaient tour à tour Jésus et Marie en ces derniers moments ? Elle est donc fort raisonnable, l’opinion de saint François de Sales, qui soutient que saint Joseph mourut de pur amour pour Dieu. »

 

4) Achevons notre propos comme annoncé par quelques « cas pratiques » de dévotion envers saint Joseph, s’il m’est permis de m’exprimer ainsi.

 

Sainte Thérèse d’Avila raconte : « Un jour, après la communion, le Sauveur me commanda de travailler de toutes mes forces à l’établissement de ce monastère. Il donnait la plus complète assurance que cet établissement se ferait et que lui-même y serait fidèlement servi. Il voulait qu’il fut dédié à Saint Joseph : ce Saint nous protégerait à l’une des portes, Notre-Dame, à l’autre, et lui-même, le Christ, se tiendrait au milieu de nous. »

La même sainte récitait tous les jours et faisait réciter par ses religieuses cette prière : « Dieu tout-puissant et très miséricordieux, qui avez donné pour époux à la Vierge Marie, votre très sainte Mère, l’homme juste, le bienheureux Joseph, fils de David, et l’avez choisi pour votre Père nourricier : accordez à votre Église, par les prières et les mérites de ce grande saint, la tranquillité et la paix, et faites-nous la grâce de jouir un jour du bonheur de vous voir éternellement dans le Ciel. Vous, qui étant Dieu, vivez et régnez avec Dieu le Père, en l’unité du Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

Thérèse affirmait encore sa conviction profonde : « Qui ne trouve pas de maître pour lui enseigner comment faire oraison, qu’il prenne ce saint glorieux (elle parle bien sûr de saint Joseph) pour maître ; elle n’errera pas sur son chemin. »

Pour corriger les désordres de la paroisse Saint-Sulpice, à Paris, M. Olier y fait fleurir, avec la dévotion au Saint-Sacrement et à la Sainte Vierge, la dévotion à saint Joseph. Il le donne pour patron principal à sa compagnie et au séminaire. Il fait mettre sa statue au-dessus de la porte de la maison, à côté de celle de la Sainte Vierge, afin que ses enfants soient fidèles à lui rendre leurs devoirs, à le considérer comme modèle, à recourir à lui comme à leur protecteur et père. Saint Joseph est choisi comme patron du séminaire parce qu'il a mené avec perfection la vie intérieure dont le prêtre a d'autant plus de besoin que ses fonctions extérieures sont plus absorbantes... « Saint Joseph, saint caché, est établi pour communiquer intérieurement la vie suréminente qu'il reçoit du Père et qui découle ensuite par Jésus-Christ sur nous. »

Pour saint François de Sales, Joseph « pouvait faire envie aux Anges et défier le Ciel tout ensemble d’avoir plus de bien que lui ; car, qu’y a-t-il entre les Anges, comparable à la Reine des Anges, et en Dieu, plus que Dieu ? »

« Ô quel saint est le glorieux saint Joseph ! s’exclame-t-il. Il n’est pas seulement patriarche, mais le coryphée de tous les patriarches ; il n’est pas simplement confesseur, mais plus que confesseur, car dans sa confession sont encloses les dignités des évêques, la générosité des martyrs et de tous les autres saints. C’est donc à juste raison qu’il est comparé à la palme qui est le roi des arbres, lequel a la propriété de la virginité, celle de l’humilité et celle de la constance et vaillance, trois vertus desquelles le glorieux Saint Joseph a grandement excellé. »

Vous trouverez d’autres prières dans le recueil intitulé Les plus belle prières de saint Joseph que je publie chez Artège au mois de juin prochain. Et si vous voulez en savoir davantage, vous pouvez vous servir aussi de Mon avent avec saint Joseph, publié par Parole et Prière pour cette période de l’année liturgique qui vient de commencer dimanche dernier.

Terminons, si vous le voulez bien, avec la prière à saint Joseph qui clôt la lettre apostolique Patris corde : « Il ne reste qu’à implorer de saint Joseph la grâce des grâces : notre conversion. Nous lui adressons notre prière : Salut, gardien du Rédempteur, époux de la Vierge Marie. À toi Dieu a confié son Fils ; en toi Marie a remis sa confiance ; avec toi le Christ est devenu homme. Ô bienheureux Joseph, montre-toi aussi un père pour nous, et conduis-nous sur le chemin de la vie. Obtiens-nous grâce, miséricorde et courage, et défends-nous de tout mal. Amen. »

1 commentaire:

Marie France BELLE a dit…

Magnifique exposé extrêmement dense et riche en notations historiques et qui est ,en lui même, tout un traité de vis spirituelle .