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mardi 4 novembre 2014

Judas (3)

Judas (3)

La vie qui est si belle et joyeuse avec notre Seigneur, comme il est facile d’en faire l’expérience, devient de plus en plus aigrie et intolérable pour lui. Là où les autres respirent un air frais, sans cesse renouvelé, parce que Jésus ne parle pas comme les scribes et les pharisiens (cf. Marc 1, 22), mais avec une autorité naturelle (cf. Marc 1, 32), qui attire, qui enthousiasme, lui, il étouffe comme dans un carcan, dont il finit pas décider de se libérer, mais de mauvaise manière. L’exemple de Judas est là pour nous montrer jusqu’où peut aller l’appât du gain, (lire la suite) même modeste, le fait de ne pas savoir vivre la pauvreté. Judas détient la bourse commune, et s’y sert selon ses besoins, c’est-à-dire selon les nécessités qu’il se crée, et qui ne cessent d’augmenter, comme de bien entendu. Il agit en cachette, à l’insu des autres, qui sont à cent lieues d’imaginer son comportement ignoble. Eux qui sont si prompts à discuter et à se disputer pour des broutilles (cf. Luc 9, 46-47), ils auraient là un vrai motif pour s’enflammer et donner libre cours à leur colère. Mais, en dehors de Jésus, qui n’est pas dupe et a repéré dès le premier instant les manipulations frauduleuses de Judas, nul ne s’en rend compte. Qu’il n’y ait pas grand-chose dans la bourse ne surprend pas les autres, parce qu’elle reste rarement pleine longtemps. Autant dire même jamais. Jésus est prodigue en libéralités, et le groupe des apôtres et des disciples se contente d’une vie frugale. Mais Judas, lui, a des besoins particuliers à satisfaire. Il agit à la dérobée. Il ne s’empare pas de grosses sommes à la fois. Non. Il procède par petites touches. Puisqu’il n’est pas repéré, il s’enhardit, et la fréquence de ses menus larcins s’accélère. De fil en aiguille, cela doit faire un beau magot, qu’il dépense pour satisfaire ses caprices. Il est étrangement habile pour tout dissimuler et ne rien laisser paraître. Il n’y pas chez lui l’ombre de « signes extérieurs de richesse », comme on dit. Tout semble normal dans son attitude. Il sait les éviter soigneusement. Et ainsi, progressivement, son esprit ne se sépare plus de cette bourse qui pend à sa ceinture et qu’il caresse furtivement à longueur de journée, soupesant ce qu’il pourra en retirer. Il ne cesse d’y penser, Judas, il la tâte avec volupté, avec convoitise. Son cœur s’y attache de plus en plus. Et quand le Seigneur a enseigné que nul ne peut servir deux maîtres à la fois, « car où il aimera l’un et haïra l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre » (Luc 16, 13), il a vite fait d’étouffer la voix de sa conscience et d’éteindre tout remords quant à sa conduite. Il a déjà choisi son maître, à vrai dire, même s’il continue de cheminer avec Jésus et les onze autres. Mais son cœur, sa tête sont ailleurs. Il trépigne de rage quand il voit Marie briser un vase de parfum d’un grand prix pour en oindre la tête et les pieds du Seigneur chez Simon le Lépreux. Il a vite fait d’en évaluer le prix : « Trois cents deniers que l’on aurait pu donner aux pauvres » (Jean 12, 5), et sur lesquels j’aurai pu prélever ma dîme. Quelle imbécile ! C’aurait été une belle affaire. Il ne disait pas cela par souci des pauvres, dont il n’avait cure, « mais parce qu’il était voleur, et qu’ayant la bourse, il dérobait ce qu’on y mettait » (Jean 12, 6). (à suivre…)

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