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vendredi 11 mars 2011

Le statut de la femme à Paris (4)

Le statut de la femme à Paris (4)

Pour empêcher tout malentendu, chaque phrase mériterait un commentaire qui la remette dans le contexte de l’époque. Par exemple, le rappel de l’institution du mariage par Dieu le situe d’emblée au-delà des intérêts familiaux et met en lumière son caractère sacramentel. Il est un acte de Dieu, quelles que soient les variations du mode de célébration et l’état des élaborations théologiques (ce n’est qu’aux XIIe et XIIIe siècles que se constitue la terminologie que nous employons). Ainsi, les formules « pas de mariage pour cause de luxure », « pas d’acte sexuel uniquement pour la luxure », « chérir leur femme dans la chasteté, ne sont pas les expression d’une pudibonderie monacale et ecclésiastique condamnant le plaisir et méprisant la femme, comme on le dit souvent, mais celle d’une âpre lutte contre la tendance à faire de l’épouse une femme objet, une possession. Considérez, dit le concile, votre épouse comme votre égale, une personne avec laquelle vous êtes en relation d’amour, c’est-à-dire « d’honneur ». Jean de Beauvais dira : l’épouse n’est « ni maîtresse, ni servante, mais compagne » (lire la suite) (et il faut prendre dans le sens fort qu’ils ont à l’époque les mots « honneur » - on rend honneur à son supérieur – et « compagnon »). C’est le même souci qui, depuis le VIe siècle, met au premier rang des prescriptions des conciles l’interdiction de l’inceste. Mais attention, le mot n’a pas le même sens qu’aujourd’hui. Lorsqu’elle déclare nuls, comme les épousailles fruits du rapt, et incestueux les mariages consanguins jusqu’au 7ème degré de parenté, l’Eglise entend surmonter les dangers que courent la liberté des futurs époux et la dignité de la femme dans une famille franque jalouse de la pureté de son sang et soumise à la promiscuité d’un foyer qui regroupe cousins, oncles et tantes. Elle juge le danger si grave qu’elle se montre, quelles que soient les classes sociales, plus sévère à l’égard de l’inceste qu’envers la répudiation. Par exemple, en 997, un concile de Paris, somme Robert le Pieux, roi de France, de se séparer de Berthe, sa cousine au troisième degré, sous peine d’excommunication, mais ne fait aucune allusion à Rosala, l’épouse répudiée ; sans doute parce qu’elle avait été imposée à Robert, alors à peine âgé de seize ans, par son père Hugues Capet, c’est-à-dire sans le consentement libre et l’amour nécessaires pour un mariage. Autre exemple, entre 1095 et 1105, moment où il se présente en pénitent à un concile parisien avec la cousine qu’il a épousée, Philippe 1er est excommunié.
Quelques années plus tard, les poids sociaux jouant autrement, l’Eglise modifie ses préceptes. Le poids familial devient moins grand et l’habitude se prend de conclure un mariage « incestueux » avec un parent éloigné, puis lorsqu’on veut divorcer, de faire reconnaître l’inceste. A Paris, Eudes de Sully réagit en instituant la « publication des bans de mariage » qui fait obligation à tout fidèle de faire connaître les empêchements qui pourraient exister. En 1215, le concile du Latran ramène au quatrième degré de parenté les interdictions de mariage. Le respect de la femme et du mariage demande alors qu’on lutte contre le divorce, en priorité.

(à suivre…)

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