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vendredi 8 avril 2011

L’amitié

L’amitié

Sont amis – je mets à part cette amitié qu’on ne devrait pas appeler ainsi, celle qui est le fait d’une mauvaise conscience : en effet, il y a des hommes qui s’unissent pour faire le mal de concert et ils semblent liés entre eux parce qu’ils sont unis par leur mauvaise conscience – mise à part, donc, cette amitié criminelle, il est une amitié encore charnelle, née de l’habitude et de la cohabitation, des conversations, de la vie commune, qui fait qu’un homme est attristé quand le délaisse l’ami avec lequel il a coutume de parler et d’être en relation. Deux hommes se rencontrent, marchent ensemble pendant trois jours, et ils ne veulent palus se séparer. Une telle douceur d’amitié est honnête en vérité ; mais analysons-là encore, puisque nous cherchons le degré de cet amour, et voyons jusqu’où nous sommes parvenus, avec une amitié telle que celle dont je viens de parler. (lire la suite)
C’est donc là une amitié d’habitude, non de raison ; les bêtes l’ont aussi. Que deux chevaux mangent ensemble, ils se recherchent ; si un jour l’un vient à précéder l’autre, ce dernier se hâte comme à la recherche des on ami ; à peine son cavalier peut-il le diriger, et jusqu’à ce que le cheval y parvienne, il l’y pousse par ses bonds. Lorsqu’il est arrivé auprès de celui qui l’a précédé, il se calme. Un poids l’entraînait, il était pressé par le poids de l’amour ; parvenu pour ainsi dire en son lieu, il s’est apaisé. Cette amitié d’habitude aussi, nous la trouvons également chez les bêtes. Elevons-nous encore au-dessus d’elle.
Il est une autre forme d’amitié supérieure à celle-ci, non d’habitude mais de raison, dans laquelle nous aimons pour sa fidélité et parce que nous sommes dévoués l’un à l’autre dans cette vie mortelle. Tout ce que nous trouverons de supérieur à elle est d’ordre divin. Que l’homme commence à aimer Dieu et il n’aimera en l’homme que Dieu.
Que votre charité voie d’abord comment l’amour d’amitié doit être gratuit. En effet, tu ne dois pas avoir un ami ou l’aimer pour qu’il te rende un service ; si tu l’aimes pour qu’il te procure de l’argent ou quelque avantage matériel, ce n’est pas lui que tu aimes, mais ce qu’il te procure. Un ami doit être aimé gratuitement pour lui-même et non pour autre chose. Si la règle de l’amitié t’exhorte à aimer un homme avec désintéressement, avec quel désintéressement doit-on aimer Dieu, qui t’ordonne d’aimer l’homme ! Rien n’est plus délectable que Dieu. Il y a en effet dans l’homme des choses qui offensent. Cependant, par l’amitié, tu t’efforces de tolérer au nom de l’amitié même ce qui t’offenses dans un homme. Si donc tu ne dois pas dénouer une amitié humaine à cause de ce qu’il te faut tolérer, par quoi pourrais-tu être amené à dénouer ton amitié avec Dieu ? Tu ne rencontres rien de plus délectable que Dieu ; il n’est rien en Dieu par quoi il puisse t’offenser, si toi tu ne l’offenses pas ; rien n’est plus beau que lui, rien n’est plus doux que lui.

Saint Césaire d’Arles, Sermons au peuple 21, 3-4.

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