Saint Cyprien (3)
Saint Cyprien (3)
Nous avons parlé de sa pensée concernant l'Église, mais il ne faut pas oublier, enfin, l'enseignement de Cyprien sur la prière. J'aime particulièrement son livre sur le « Notre Père » qui m'a beaucoup aidé à mieux comprendre et à mieux réciter la « prière du Seigneur » : Cyprien enseigne comment, précisément dans le « Notre Père », la juste façon de prier est donnée aux chrétiens ; et il souligne que cette prière est au pluriel, « afin que celui qui prie, ne prie pas uniquement pour lui. Notre prière - écrit-il - est publique et communautaire et, quand nous prions, nous ne prions pas pour un seul, (lire la suite) mais pour tout le peuple, car nous ne formons qu'un avec tout le peuple » (L'oraison du Seigneur, 8). Ainsi, la prière personnelle et la prière liturgique apparaissent solidement liées entre elles. Leur unité provient du fait qu'elles répondent à la même Parole de Dieu. Le chrétien ne dit pas "Mon Père", mais « Notre Père », même dans l'intimité d'une pièce close, car il sait bien qu'en chaque lieu, en chaque circonstance, il est le membre d'un même Corps.« Prions donc, mes frères très aimés », écrit l'évêque de Carthage, « comme Dieu, le Maître, nous l'a l'enseigné ». C'est une prière confidentielle et intime que celle de prier Dieu avec ce qui est à lui, d'élever vers ses oreilles la prière du Christ. Que le Père reconnaisse les paroles de son Fils, lorsque nous récitons une prière : que celui qui habite intérieurement dans l'âme soit présent également dans la voix... En outre, lorsque l'on prie, il faut avoir une façon de s'exprimer et de prier qui, avec discipline, maintienne le calme et la discrétion. Pensons que nous nous trouvons devant le regard de Dieu. Il faut être agréables aux yeux de Dieu, aussi bien à travers l'attitude du corps que le ton de la voix... Et lorsque nous nous réunissons avec nos frères, et que nous célébrons les sacrifices divins avec le prêtre de Dieu, nous devons nous rappeler de la crainte révérentielle et de la discipline, ne pas disperser aux quatre vents nos prières avec des voix altérées, ni lancer avec un verbiage impétueux une requête qui doit être demandée à Dieu avec modération, car « Dieu est l'auditeur non de la voix, mais du cœur (non vocis sed cordis auditor est) » (3-4). Il s'agit de paroles qui restent valables aujourd'hui aussi et qui nous aident à bien célébrer la Sainte Liturgie.
En définitive, Cyprien se situe aux origines de cette tradition théologique et spirituelle féconde, qui voit dans le « cœur » le lieu privilégié de la prière. En effet, selon la Bible et les Pères, le cœur est au plus profond de l'homme, le lieu où Dieu habite. C'est en lui que s'accomplit la rencontre au cours de laquelle Dieu parle à l'homme, et l'homme écoute Dieu ; l'homme parle à Dieu, et Dieu écoute l'homme : le tout à travers l'unique Parole divine. C'est précisément dans ce sens - faisant écho à Cyprien - que Smaragdus, abbé de Saint-Michel sur la Meuse au cours des premières années du IXème siècle, atteste que la prière « est l'œuvre du cœur, non des lèvres, car Dieu ne regarde pas les paroles, mais le cœur de l'orant » (Le diadème des moines, 1).
Très chers amis, faisons nôtre ce « cœur à l'écoute », dont nous parlent la Bible (cf. 1 Rois 3, 9) et les Pères : nous en avons tant besoin ! Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons pleinement faire l'expérience que Dieu est notre Père, et que l'Église, la sainte Épouse du Christ, est véritablement notre Mère.
Benoît XVI, Audience générale, 6 juin 2007.
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