Un livre sur les Cristeros au Mexique
Un livre sur les Cristeros au Mexique
Hugues KÉRALY, La véritable histoire des Cristeros, préface du Cardinal Medina Estévez, París, Les Éditions de l’Homme Nouveau, 2006, 223 p.
Jusqu’ici, l’unique livre consacré en France à la révolution cristera, a été rédigé par le professeur Jean Meyer, Apocalypse et révolutions au Mexique. La guerre des Cristeros (1926-1929), París, 1974. L’auteur, qui se définit lui-même comme de gauche, a relevé à quel point l’Église et l’État « apportent le même acharnement à présenter une version officielle commune et tronquée (lire la suite) : il y a eu conflit entre deux institutions,puis l’héroïsme des clercs et celui des hommes d’État ont permis, selon les versions, de parvenir à un modus vivendi où chacun voit sa victoire. Dans cette version à double sens, il n’y a qu’un absent : le peuple en armes qui, trois années durant, tient tête à toutes les forces administratives, économiques et militaires de l’État solidement épaulé par les États-Unis ».
C’est cette histoire que raconte Hugues Kéraly, qui a commencé ses recherches à la fin des années soixante-dix du siècle dernier. Il a pu ainsi rencontrer des survivants, avoir accès à des archives familiales et à des publications semi-clandestines. C’est dire tout l’intérêt de ce travail qui s’appuie sur des documents de première main et pour la plupart inconnus.
Dans leur volonté d’éradiquer totalement et définitivement le catholicisme d’un pays foncièrement catholique, les « desfanatizadores » — comme ils se définissaient eux-mêmes, ceux qui « défanatisent » le peuple — ont mis le pays tout entier hors laloi. Si des Accords n’étaient pas intervenus en 1929, le gouvernement qui ne contrôlait plus que la capitale des États et quelques villes aurait vu le pouvoir lui échapper totalement.
L’auteur montre bien le côté radical de la législation antireligieuse du président Calles (1924-1928), dans un système où les pouvoirs exécutifs et militaires sont confondus. L’antithéisme est imposé à l’armée par la terreur. Le nombre de prêtres est limité État par État. Nombre d’églises sont profanées et détruites. La Loi fédérale du 14 juin 1926 expulse les congrégations religieuses, en particulier celles qui s’adonnent à l’enseignement ; un inventaire des biens de l’Église est dressé en vue de leur nationalisation ; toute organisation professionnelle non gouvernementale (elles sont catholiques) est mise hors-la-loi, etc.
Les évêques réagissent d’une façon surprenante : ils interdisent tout acte de culte dans l’ensemble du pays tout en interdisant au clergé de s’unir au peuple qui lutte pur la liberté religieuse et en les obligeant à résider dans les villes, privant ainsi le peuple de toute aide spirituelle. À l’exception de trois d’entre eux, qui finiront martyrs de la foi, les évêques s’opposent à toute violence contre le gouvernement, qui ne la ménage pas à l’encontre des révoltés.
L’auteur décrit la formation du mouvement spontané de rébellion, qui s’organise peu à peu pour se développer partout, avec ses organisations de jeunes, de femmes, etc. Il montre à quel point les États-Unis ont aidé le gouvernement mexicain, tandis que la hiérarchie et les organisations catholiques des États-Unis se désintéressent du mouvement cristero qu’ils abandonnent à son sort. De nombreux témoignages montre ce qu’il a été et la violence de la répression. Les insurgés sont parfois dépecés en partant des pieds… Ils sont fusillés au cri « ¡Viva el demonio! », « vive le démon ! », tandis qu’ils meurent en criant : « ¡Viva Cristo Rey y la Virgen de Guadalupe! », « Vive le Christ-Roi [d’où le nom de cristero] et Notre-Dame de Guadalupe [patronne du Mexique et des Amériques] ! ».
L’auteur indique aussi avec précision comment on en arrive aux Accords de 1929, alors que le gouvernement est aux abois. Les négociations sont menées par Dwight W. Morrow, l’ambassadeur des États-Unis, dont on ne peut que s’étonner de le voir décider du sort d’un peuple qui n’est pas le sien, et Mgr Ruiz y Flores, président du Comité épiscopal mexicain, face à un gouvernement résolument anticlérical qui ne consent pas à la moindre concession, envoyant ainsi les cristeros au massacre. Car ils obéissent la mort dans l’âme aux ordres de la hiérarchie ecclésiastique, derrière laquelle ils croient voir l’ordre du Saint-Siège. Pourtant Pie XI avait ouvertement soutenu au début la cause des cristeros. Si le Saint-Siège pense que les accords sont bons, cela semble dû, selon l’auteur, entre autres à l’activité déployée par le Père Walsh, jésuite américain.
Les Accords furent loin de mettre un terme au conflit. Les cristeros les respectèrent et déposèrent les armes. Violant ses engagements, le gouvernement en profita pour les éliminer, de sorte que le nombre des victimes fut plus élevé après les Accords que pendant les trois années de révolution…, davantage, selon Hugues Kéraly, que la guerre civile qui éclata en Espagne dix ans plus tard.
L’ouvrage donne in fine une brève biographie des trente-quatre martyrs cristeros béatifiés et canonisés par le pape Jean-Paul II en 2000 et en 2005.
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